La mission a commencé avec une réunion d’une vingtaine de scientifiques, le 1 avril 2021. Appuyée par plusieurs laboratoires et partenaires institutionnels, la jeune entreprise Plastic@sea a lancé une étude de deux ans sur la pollution par le plastique du Rhône. Pour la première fois, une entreprise va rentrer dans le détail pour étudier la teneur en plastique d’un fleuve. « Souvent, nous sous-estimons la pollution plastique en provenance des terres car les produits deviennent invisibles avant d’arriver en mer, Via cette étude, nous allons pouvoir suivre le processus de fragmentation de la matière », précise Anne-Leïla Meistertzheim, pdg de Plastic@Sea, qui avait déjà suivi l’opération Tara dans ses différentes recherches.
650 000 euros sur deux ans
Pour effectuer ce travail de précision, les scientifiques vont travailler à l’échelle macro (plus de 5 mm), micro (moins de 5 mm), et surtout à l’échelle des « nano-plastiques » grâce, notamment, à des filets à plancton. L’idée est de suivre le processus de désagrégation progressive de l’objet polluant afin de prendre dans leurs radars la partie cachée de l’iceberg : toutes ces particules minuscules qui échappent actuellement aux études mondiales. « Pour l’heure, les chiffres donnés pour déterminer la pollution de l’eau par le plastique sont basés sur deux données : les flux d’eau et la population humaine. À partir de cette étude, les scientifiques comptent établir un modèle qui leur permettra ensuite de travailler sur l’ensemble du globe », explique la pdg.
Pour cela, plusieurs techniques vont être utilisées. Des morceaux de plastique vont être suivis grâce à un système de géolocalisation afin de connaître leur vitesse de propagation, leurs parcours, etc. et ainsi déterminer leur flux. Objectif notamment : suivre les éléments qui restent bloqués dans différentes parties du fleuve. D’autres seront mis dans des cages sur cinq points du fleuve, afin d’observer, le plus précisément possible, le processus de fragmentation. De même, le suivi d’éléments plastiques, absorbés par des mollusques, va également être effectué.
Dans ce projet aux entrées multiples, plusieurs laboratoires aux compétences complémentaires vont être mobilisés. Parmi eux, on compte : le bureau d’étude le Tenum, le CNRS, l’université de Toulouse, via le laboratoire des interactions moléculaires et des réactivités chimiques et photochimiques, celle de Perpignan via le centre de formation et de recherche sur les environnements méditerranéens (chargée de l’étude des sédiments notamment) et celle de la Sorbonne avec le laboratoire d’océanographie microbienne. Ce dernier est spécialisé dans l’étude du processus biologique qui transforme le plastique.
L’agence de Rhône-Méditérannée-Corse, la fondation Tara Océan et la CNR apporteront aussi leur contribution. Grâce aux opérations de nettoyage effectuées par la CNR sur le Rhône, l’équipe pourra mener des études sur la présence de plastique dans les sédiments du fleuve. Côté budget, l’opération revient à 650 000 euros sur deux ans. Celle-ci est financée à 21,5 % par la CNR, 21,5 % par l’agence de l’eau et 26 % par les universités. Le reste du budget est abondé par le secteur privé.
Grâce à ces éléments, les scientifiques pourront remonter précisément vers les différents usages qui créent cette pollution. Les études permettront ainsi d’identifier les types de plastiques rejetés (polyéthylène pour les sacs plastiques, PET pour les bouteilles d’eau, etc.). Selon les estimations des porteurs du projet, 80 % des déchets en mer viennent des fleuves, principalement sous forme de micro-plastiques.