Depuis 2022, le canal du Midi ne ferme plus les deux derniers mois de l’année, le report du chômage au mois de janvier et février permet le prolongement de la navigation. Lors de cette première année de changement, les opérateurs du tourisme fluvial n’ont toutefois pas saisi cette opportunité. Si certains pressentent un potentiel, une évolution générale des habitudes de tous les acteurs à terre et à bord s’impose.
La décision de la direction territoriale (DT) de VNF Sud-Ouest d’échanger les périodes de chômage entre le canal du Midi (novembre, décembre) et le canal de Garonne (janvier, février) répond moins à des demandes touristiques que techniques émanant des territoires. Parallèlement, en lien avec l’allongement de la saison chaude, certains loueurs et croisiéristes souhaitent prolonger leur offre au-delà des 7 mois habituels. Toutefois, les témoignages des opérateurs de tourisme fluvial montrent que, pour cette première année, l’opportunité de poursuivre la navigation n’a pas pu être saisi pour différentes raisons.
La demande est là…
« Quand en février 2022, l’avis est tombé du report de chômage, tous nos supports de communication étaient déjà finalisés », précise Sylvie Dellwo pour le bateau-promenade Saint-Roch, basé à Castelnaudary. Idem pour les deux bateaux de la société Cap au Sud à Béziers et au Somail qui se sont retrouvés avec très peu de réservations.
À Capestang, la société France Fluviale, volontaire pour louer ses bateaux sans permis au-delà d’octobre (voir article de NPI), n’a pas non plus saisi l’opportunité en cette fin d’année 2022. Pour la responsable, Leslie Gardner-Roberts, le contexte est encore trop contraignant : « Il faudrait que tout le monde joue le jeu. Entre le passage des écluses à la demande en basse saison et la fermeture de nombreux restaurants, les clients ne pourraient pas s’adapter ».
Même cas de figure pour le secteur haut de gamme : aucune péniche-hôtel n’a navigué. Mathias Gilles, propriétaire de l’Espérance, a démarré sa maintenance, comme d’habitude, fin octobre. Pour lui, l’opportunité reste à saisir : « Nous ne savons jamais ce que VNF nous réserve, par conséquent, je n’ai pas voulu engager de nouvelles périodes de réservations. Elles sont effectuées plus d’une année à l’avance, c’est trop de risques. Mais la demande est bien là, les navigations auraient pu ne pas s’arrêter » (voir article de NPI).
Même écho chez European Waterways, compagnie de croisière qui possèdent 14 péniches-hôtel en Europe dont l’Anjodi et l’Enchanté sur le Midi. « Chaque année, la direction demande d’ouvrir davantage de semaines à la location, indique James Bairstow, responsable de la base française en Bourgogne. Nous envisageons d’accueillir une clientèle plus locale mais pour cela, il faudrait que les partenaires des sites touristiques s’adaptent et que le territoire ne soit pas si « mort » après octobre ».
Toute la saison doit être repensée à terre et à bord
Pour Muriel Milhau, directrice de l’office de tourisme du canal du Midi à Capestang, c’est toute la saison qui doit être repensée : « Nous avons réalisé une belle arrière-saison en septembre et en octobre, ce qui nous permet de minorer les manques des étés qui commencent à être trop chauds sur le Midi ».
La météo reste toutefois encore capricieuse en automne sur l’arc méditerranéen, apprécié pour son soleil. « Nos bateaux ne sont pas isolés pour imaginer une activité à la Toussaint. Parmi toutes nos bases en Europe, seule l’Italie poursuit une saison touristique après l’été », commente Florence Menguy, directrice d’exploitation de la base de location de bateaux sans permis Locaboat à Argens-Minervois, situé sur le bief le plus fréquenté du canal du Midi. Pour elle, l’avantage du report du chômage se porte davantage lors de la mise en place de l’hivernage qui se fait avec « moins de stress ».
Parmi les autres points durs, la gestion des équipages de saisonniers qui bénéficient d’horaires réduits en arrière-saison pour rattraper les journées de travail de 14h l’été. Beaucoup enchaînent sur des saisons d'hiver à la montagne. Sur ce sujet, Muriel Milhau à Capestang, anticipe déjà : « Nous allons lisser et équilibrer les temps de travail des employés entre l’été et l’arrière-saison. Sur l’ensemble du secteur, il faudrait aussi donner l’information aux structures d’accueil et aux restaurants pour permettre aux loueurs de bateaux et aux péniches-hôtels d’annoncer leur venue. L’automne est une saison calme et les paysages sont très beaux. Le canal du Midi peut aussi revoir sa communication. Le réchauffement climatique doit être suivi d’une réorganisation globale sur le secteur du tourisme ».
Les raisons de l’inversion du chômage
Christophe Beltran, chef du service territorial du Midi de VNF SO, rappelle les principales raisons de la permutation des chômages : « Il y avait des demandes sur les deux canaux. Du côté de la Garonne, le climat de janvier et février est plus défavorable aux travaux et il est plus sec en novembre et décembre. De l’autre côté, sur le Midi, sur la basse plaine de l’Aude, des viticulteurs réclamaient de pouvoir submerger avant l’hiver près de 2000 hectares de vignes pour lutter contre la salinité de la terre. La troisième raison repose sur la production d’électricité à partir des barrages hydrauliques sur le canal de Garonne. Relativement aux besoins accrus en électricité en janvier et février, il était plus judicieux de laisser tourner les turbines en cette période ».
Il précise aussi que la DT ne possédant qu’une seule équipe spécialisée, notamment en chaudronnerie pour les deux canaux du Sud-Ouest, les périodes de chômage doivent rester distinctes.