La cyclo-logistique fait l’objet d’un plan de développement présenté par le ministère de la Transition écologique en mai 2021 qui considère qu’elle est l’une des voies pour réduire les émissions de polluants atmosphériques liées au transport de marchandises.
« La cyclo-logistique est une solution propre, rapide et qui demande peu d'espace logistique urbain (espace dédié à la logistique en ville), adaptée à une grande partie des besoins de livraison en ville », précise le document du ministère. Elle s’inscrit également dans les évolutions réglementaires et législatives concernant les restrictions d’accès aux centres-villes pour les véhicules de livraison dont les zones à faibles émissions (ZFE).
Le plan national met en place des « incitations économiques » dans le cadre des certificats d’économie d’énergie (CEE), des mesures pour favoriser l’utilisation de la cyclo-logistique dans la sphère publique (marchés publics), pour développer des contrats d’assurance adaptés, pour mettre en place des aménagements divers (pistes cyclables, places de livraisons dédiées ou locaux spécifiques…).
Une structuration en cours de l’activité
La cyclo-logistique s’est structurée au cours de l’année 2022 lors d’un congrès de l’association Boîte à vélos-France en février avec l’adoption d’un « manifeste des cyclo-logisticiens » sous l’impulsion de quatre d’entre eux (Toutenvelo, Cargonautes, Applicolis et Fends la bise) et signé par une quarantaine d’entreprises engagées.
Le document a servi de déclaration d’intention à la création d’une Fédération professionnelle de la cyclo-logistique en novembre 2022 en présence du ministre des Transports Clément Beaune.
Les objectifs de cette fédération sont :
- rassembler l'écosystème de la logistique à vélo (livraison de colis et palettes, messagerie et express, sorties de caisse, plis et courriers, température dirigée, déménagement, collecte des déchets…).
- encadrer, professionnaliser le secteur (formations, matériels, aménagements fonciers, appels d’offres…).
- promouvoir la filière française de cyclo-logistique.
- porter une voix commune des acteurs de la profession auprès des pouvoirs publics et partenaires.
« La fédération est déjà un succès, a estimé Chloé Aumont, chargée de projets de la Boîte à vélos, avec 60 adhérents dont une majorité d’entreprises spécialisées ainsi que des entreprises « mixtes » qui disposent de vélos mais aussi d’autres véhicules ».
Une étude nationale sur la cyclo-logistique, financée par l’Ademe et la DGITM, a été lancée et est en cours de réalisation par l’association Boîte à vélos-France qui en a révélé les premiers résultats lors d’un webinaire du programme EVE le 25 mai 2023. La version définitive est annoncée pour septembre.
Des définitions pour savoir de quoi on parle
Il s’agit d’abord de définir ce qu’est la cyclo-logistique et cette première étape n’est déjà pas simple :
- C’est un transport de marchandises à vélo pour compte d’autrui par un professionnel.
- C’est aussi une logistique à vélo avec d’autres services associés comme du stockage, du dispatch, des tournées… Ce n’est alors plus seulement une livraison mais aussi une organisation faisant appel à du foncier, des logiciels…
Une autre définition concerne le matériel lui-même :
- Un vélo-cargo est un cycle pouvant transporter de la charge avec une charge utile supérieure à 45kg. Il doit rester dans la norme réglementaire d’un vélo, c’est-à-dire absence de motorisation, seule est possible une assistance électrique.
Quelles sont les données recensées ?
Selon les premières données de l’étude :
- Près de 200 entreprises font de la cyclo-logistique en France à ce jour, un quart d’entre elles sont des coopératives ou des associations (du secteur de l’économie sociale et solidaire ou ESS).
- 2400 emplois directs (sans compter les effectifs de la Poste pour le courrier, avec c’est 25 000 emplois) pour 85 millions d’euros de chiffre d’affaires.
- La première entreprise de cyclo-logistique est apparue en 2001 à Paris avec la Petite Reine. Le modèle de départ a été celui du coursier à vélo avant de se diversifier vers la prise en charge de colis et de marchandises de plus en plus volumineux avec l’évolution des matériels.
- La cyclo-logistique est présente dans 76 villes françaises, en grande majorité des « grands centres urbains » caractérisés par une forte densité d’habitants, des « mesures d’apaisement des cœurs de villes », du tourisme et des touristes.
- 113 est le nombre d’autres villes qui pourraient accueillir de la cyclo-logistique. Sachant que les freins à l'implantation sont une topographie vallonnée et un habitat dispersé.
Quelles sont les marchandises transportées ?
- Les colis (en BtoB et en BtoC) sont les marchandises majoritairement transportées (au moins 40 %).
- Les marchandises se diversifient dans la suite d’innovations sur le matériel pour déplacer le fret avec des caisses mobiles, des caissons isothermes ou sous température dirigée ou froide, des remorques adaptées au transport de palettes… Cela signifie la possibilité de transporter une gamme élargie : produits frais et surgelés, repas préparés, plats de traiteur, des cartons, déchets…
Des vélos mais pas seulement
Derrière les mots de vélo-cargo se cache une grande variété de matériel : « petit » cycle « courrier », biporteur, triporteur (avec ou sans remorque à l’arrière), tricycle.
« Une fois le matériel choisi, l’enjeu est son entretien, sa maintenance y compris préventive, a dit Chloé Aumont. La formation du personnel est ici un point majeur aussi bien à la conduite qu’au soin du matériel. Des réseaux de réparation et de maintenance sont par ailleurs en cours de structuration ».
Il reste des incertitudes réglementaires à lever, par exemple sur les remorques.
Quelle est la performance de la cyclo-logistique ?
« Un vélo-cargo réussit à être plus performant qu’un VUL à isocoût dans les centres urbains denses » car :
- il est plus rapide et plus fiable,
- il ne connaît pas de contrainte de stationnement,
- il profite d’amplitude horaire plus importante en zone contrainte.
« Des adaptations sont toutefois nécessaires pour faciliter la cyclo-logistique d’un point de vue opérationnel » :
- besoin d’entrepôts urbains compatibles aux vélos-cargo et aux autres véhicules (poids lourds, VUL),
- besoin de stocker les vélos-cargo la nuit,
- besoin d'organiser la remise de la marchandise par le donneur d’ordre au cyclologisticien.
Les questions du foncier sont importantes (nouvel usage de parties de parking urbains…).
Pour Chloé Aumont, « il ne faut pas oublier les solutions fleuve-cycle qui peuvent par exemple éviter de recourir à un entreposage à terre », le bateau faisant office d’entrepôt.
Qu'en est-il de l’humain ?
L’étude se penche également sur le personnel en poste et les conditions de travail.
« Le modèle salarié est prédominant avec 83% des livreurs en CDI ou en CDD. Le profil montre un personnel jeune, à 93% masculin et diplômés. Le choix du métier se fait pour son aspect écologique, sportif ou de plein-air », a indiqué Chloé Aumont.
Les besoins des entreprises évoluent en lien avec des tournées de colis en milieu dense qui attirent peu le profil ci-dessus « traditionnel » du livreur à vélo. Pour ces tournées, les cyclo-logisticiens rencontrent des difficultés de recrutement et font face à un turn-over important. C’est tout l’enjeu de la reconnaissance du métier : « il se pose la question d’une formation certifiante ».
La pénibilité du métier est un autre défi : si elle est « très subjective et très variable, selon la chargée de projet. Des EPI adaptés et un matériel de bonne qualité sont incontournables pour assurer la sécurité et la visibilité des livreurs et les protéger ».
« La cyclo-logistique est une brique de la logistique urbaine et évolue comme cette dernière, a noté Vincent Monteil, l’un des fondateurs d’Applicolis, un autre intervenant lors du webinaire. Il y a peu de choses aujourd’hui qu’on ne peut pas transporter par des vélos-cargo. On transporte même des canapés et des réfrigérateurs. L’un des enjeux est d’être reconnus des professionnels des transports ».
Comme un cycle est un véhicule non motorisé, il y a pour le moment un vide juridique qui fait que la cyclo-logistique ne relève pas du droit des transports.