Sur le canal du Midi, le bateau de 30 mètres Le Haricot noir accueille de 8 à 12 personnes à bord depuis 1976 pour des croisières avec équipage. Celui-ci est désormais sous la responsabilité de Maurine, la fille de Sylvette et Pierre Gaudry.
« La reprise de l’activité en 2021 a eu lieu fin juin pour les bateaux comme le nôtre avec hébergement à bord, plus tard que ceux qui font de la promenade. Sur le canal du Midi, la fréquentation a été en moyenne de 30 % de celle d’une année normale pour l’ensemble des péniches-hôtel », explique Pierre Gaudry.
En temps habituel (hors pandémie), la clientèle sur le canal du Midi est majoritairement internationale (70 %) à bord de péniches-hôtel « de luxe » et secondairement française et européenne (30 %) à bord de bateaux d’autres gammes. En 2021, le premier segment n’a que peu vu venir les touristes des pays lointains à cause du contexte sanitaire.
Pour le deuxième segment, selon les chiffres de la direction territoriale de VNF Sud-Ouest, les touristes français sont venus dans les mêmes proportions qu’en 2019. « Soit les efforts de promotion n’ont pas vraiment eu d’effet pour attirer davantage la clientèle française, soit ils ont seulement permis de maintenir à l’identique la fréquentation sur ce segment-là », relève Pierre Gaudry qui ajoute : « Nous avons eu beaucoup de demandes que nous n’avons pas pu satisfaire car nous sommes limités par les capacités des bateaux qui peuvent naviguer sur le canal du Midi ».
Le gabarit possible est de 30 mètres ce qui limite le nombre de passagers à 6 ou 8 à bord des péniches-hôtel « de luxe » et 10 ou 12 à bord des unités d’autres gammes au lieu de 20 à 24 à bord de bateaux de 38 mètres. « Ce gabarit de 30 mètres jamais finalisé en 38 mètres, c’est le handicap du canal du Midi qui a des conséquences économiques sur nos activités et notre rentabilité. Nous travaillons avec des clients qui regardent de suite le prix. Et faire un prix passe par la capacité du bateau », souligne Pierre Gaudry.
Les professionnels ne sont pas suffisamment écoutés
Il se trouve aussi qu’une perte de cale est à l’œuvre sur le canal du Midi : « Des unités s’en vont ou sont reprises par des néophytes qui démarrent une activité avec une orientation chambre d’hôte à quai sans proposer de navigation fluviale pour laquelle il faut des compétences, être formé. Il y a aussi des bateliers qui partent à la retraite et ont des difficultés pour vendre leur bateau », explique Pierre Gaudry.
Dans ce contexte, la directive (UE) 2017/2397 du 12 décembre 2017 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la navigation intérieure qui fait évoluer les conditions d’entrée dans la profession et va s’appliquer à partir du 1 janvier 2022 peut avoir des conséquences négatives.
« Les nouvelles règles rallongent les temps d’apprentissage, ce qui n’est pas bon pour notre activité où il y a beaucoup de reconversion. Les personnes qui viennent sur le petit gabarit ne sont pas bateliers d’origine. Par exemple, pour être matelot de pont, il va falloir 3 ans d’apprentissage, pour être capitaine 5 ans. Autrement dit, quelqu’un déjà dans la vie active et qui veut se reconvertir vers le fluvial va devoir exercer jusqu’à 5 ans avant de lancer son activité, c’est une hérésie. C’est peut-être valable pour quelqu’un en cursus scolaire mais dans le cadre d’une reconversion, ce n’est pas possible. Les avis des professionnels ne sont pas écoutés ni entendus. Le facteur humain n’est pas pris en compte. La reprise n’est pas assurée sur le plan des ressources humaines ».
Un manque de visibilité pour 2022
Pour 2022, Pierre Gaudry indique : « Nous sommes dans l’expectative pour la clientèle française et européenne et sur les comportements après la pandémie. Le facteur prix reste tout de même essentiel. Les reports de nos clients français ou européens ont été programmés en 2021 ou annulés et remboursés.
Nous attendons du monde mais 2022 va être une année dure pour le tourisme fluvial sur le canal du Midi avec les augmentations des taxes et redevances ainsi les évolutions sur les conventions d’occupation temporaire, les stationnements, tout cela a été présenté par la direction territoriale de VNF Sud-Ouest en octobre 2021. Le fait que nous sommes des entreprises avec des activités et des besoins spécifiques n’est pas pris en compte ».
De leur côté, les péniches-hôtel « de luxe » ont engrangé des reports de réservation de touristes internationaux qui devraient pouvoir avoir lieu en 2022, si le virus le veut bien.