« Le déficit d’emplois est important dans la filière fluviale, la pénurie de personnel est une difficulté pour les entreprises. La branche de la navigation intérieure ne compte que 8000 emplois. Les métiers de la filière ont des atouts mais ils sont méconnus. Simplifier l’accès à nos métiers, aux candidats potentiels, aux demandeurs d’emploi, aux personnes en reconversion, donner envie de nous rejoindre aux jeunes et au moins jeunes est l’une de nos priorités. Le travail avec l’OPCO, avec la réalisation d’une étude, c’est l’un des éléments pour gagner la bataille de l’emploi, attirer les talents, les fidéliser », a précisé Didier Léandri, président d’Entreprises fluviales de France (E2F), lors de la table-ronde sur « les emplois de la voie d’eau » au cours de l’assemblée générale annuelle, le 7 juillet 2023.
L’OPCO Mobilités ce sont 1,6 millions de salariés, 140 000 entreprises, 17 branches dont les transports (navigation intérieure, maritime, ferroviaire, routiers, publics urbains de voyageurs…) mais aussi les ports de plaisance, le remorquage…
« Les branches ont toutes les mêmes problématiques : le recrutement, l’attractivité, l’emploi et le manque de compétences », selon Isabelle Maimbourg, directrice générale adjointe (DGA) de cet « opérateur de compétences des métiers de la mobilité, mandaté par les partenaires sociaux pour mettre en œuvre et décliner leurs politiques de formation et de GPEC... ».
Quels sont les principes de l’étude ?
Pour la branche transport en navigation intérieure, cet organisme mène « une analyse à 360° » avec l’objectif d’interroger le plus grand nombre possible des acteurs de l’emploi, de la formation mais aussi les salariés en poste comme ceux qui ne le sont plus, les employeurs, les organisations syndicales…
En date de début juillet, 4 entreprises et 15 salariés en poste ont été interrogés. D’autres vont suivre. Celles et ceux souhaitant participer peuvent d’ailleurs se manifester auprès de l’OPCO.
Parmi les questions : « Pourquoi ils sont venus dans cette branche, pourquoi ils en sont partis, pourquoi ils ne veulent pas y revenir, quelles sont les conditions d’attractivité qu’ils peuvent proposer pour ces métiers », a poursuivi la DGA.
Une « restitution intermédiaire » de cette étude a été livrée par cette responsable à partir des entretiens réalisés. Sachant que l’analyse comprend trois axes : l’orientation, la formation et la fidélisation.
Quels sont les premiers enseignements ?
- Sur l’orientation : « L’enjeu principal est la visibilité de l’accès aux formations de la navigation intérieure. On ne sait pas comment entrer dans vos métiers, à quelle porte taper. Pôle Emploi ne connaît pas votre secteur et donc n’oriente pas vers lui ».
- Sur la formation : « Sa durée peut être un frein à l’attractivité et à la possibilité d’avoir rapidement du personnel qualifié. Les organismes de formation connaissent des difficultés à remplir leur promotion, le sourcing se fait donc difficilement auprès de la jeunesse. Pour les personnes en reconversion, nous notons qu’il s’agit d’un réel vivier pour la filière fluviale, il faut l’accentuer car cela semble bien fonctionner pour les deuxièmes, voire troisièmes carrières. Il existe un problème de recrutement également pour les formateurs qui doivent être qualifiés, issus eux même du terrain ».
La branche de la navigation intérieure semble se trouver dans un cercle vicieux : « Dans les faits, plus vous êtes attractif, plus vous êtes connu ; plus vous êtes connu, plus vous êtes attractif et plus vous êtes attractif, plus vous avez de gens qui tapent à votre porte », a expliqué la directrice générale adjointe de l’OPCO Mobilités. Telle n’est pas la situation de la navigation intérieure qui demeure méconnue donc peu attractive et peu de « talents » se manifestent pour y travailler.
Elle ajoute toutefois que « la situation évolue. La filière fluviale est davantage en train de « séduire » car aujourd’hui, le recrutement, ce n’est plus seulement tant de CV à analyser mais des opérations de séduction auprès des jeunes et des moins jeunes que vous voulez faire entrer dans vos entreprises ».
- Sur la fidélisation : « C’est ambivalent concernant le temps de travail et l’organisation du travail à bord. Certains salariés apprécient le fait de partir à bord des bateaux pendant plusieurs jours, d’autres non. Une notion est revenue très souvent dans les différents entretiens : la flexibilité offerte par les entreprises employeuses, l’adaptabilité des horaires et des conditions de travail ».
La responsabilité sociétale et environnementale est mise en avant par les personnes interrogées : « Il faut continuer en ce sens, l’accentuer et avoir une organisation du travail qui vous permet d’être attractif aussi avec vos salariés qui sont en poste. [...] La fidélisation c’est aussi trouver le moyen de rendre ses salariés actuels, ambassadeurs, acteurs de la cooptation dans vos entreprises », a ajouté Isabelle Maimbourg.
Les prochaines étapes de l’étude vont se concentrer sur la consolidation des entretiens. L’OPCO Mobilités prévoit de présenter une version finalisée avec des recommandations pour la branche de la navigation intérieure d’ici la fin de l’année 2023.
« Les premiers résultats présentés rejoignent les connaissances empiriques que nous avons de la situation, a conclu Didier Léandri. Donner la parole aux entreprises et aux salariés constitue une approche positive et intéressante ».
A l’issue de la table-ronde, une « charte » a été signée sur la partie tourisme, un point commun entre plusieurs des 17 branches de l’OPCO Mobilités. Pour Isabelle Maimbourg :
- « Nous n’avons pas d’opposition à avoir entre un mode de transport ou un autre, nous avons des opérateurs avec plusieurs casquettes (fret et tourisme par exemple). Nous nous sommes rendu compte qu’il y avait un aspect tourisme au sein de nombreuses branches de la mobilité.
- C’est pourquoi nous avons travaillé sur une convention pour identifier les problématiques communes en termes d’emplois, de qualifications et de certifications, de formation, pour les salariés, les nouveaux entrants, les organismes de formation et pour les CFA.
- Plutôt que de faire des évènements par branche, pourquoi ne pas en faire sur des thématiques transverses, comme le tourisme par exemple. L’idée est d’avoir une marque tourisme et de faire des évènements centrés sur ce thème au travers des différentes branches concernées : transport fluvial, maritime, transport routier de voyageurs… afin de créer des opportunités interbranches ».
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La thématique du manque d’attractivité des métiers fluviaux a déjà été abordé lors de l’assemblée générale annuelle d’E2F en juillet 2022 et lors d’une table-ronde au lors du salon Riverdating en décembre de la même année.
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Les centres de formation comme Promofluvia ou le CFANI ont un rôle à jouer.
Le transport fluvial est réglementé notamment au niveau européen de manière parfois contraignante et peu adaptée à la réalité du terrain.