« L’idée d’utiliser le transport fluvial repose sur le constat qu’il est temps d’arrêter le tout poids lourd, de montrer qu’on peut faire sans la route. C’est une action de décarbonation de nos flux de transport mais aussi d’image et de communication » explique Stéphane Guesney, responsable recyclage et logistique d’Adivalor, éco-organisme dont la mission est d’organiser, gérer et valoriser les déchets d’agrofourniture.
Une rencontre. C’est au salon Riverdating, il y un an et demi, qu’un premier échange a eu lieu entre Adivalor et la SAS l’Equipage qui a déjà réalisé plusieurs expérimentations de transport fluvial de fret sur le canal du Midi, dont un tout récemment encore (voir article de NPI).
Le test. Ce mois de novembre 2023, l’équivalent de quatre bennes de 50 tonnes de films de paillage usagés a été chargé à l’écluse d’Avance, située à quelques kilomètres de Marmande où se trouve un lieu de stockage de ces déchets au sein du site de la coopérative Terres du Sud.
La marchandise a été chargée à bord du bateau Tourmente de la SAS l'Equipage au moyen d’un grappin intégré au poids lourd. La navigation a duré 10 jours pour atteindre un quai de Voies navigables de France (VNF) à Palavas où la marchandise a été déchargée de la cale. Des poids lourds ont pris le relais pour le trajet des derniers kilomètres jusqu’à Vendargues, à l’est de Montpellier, où est implanté une première usine française de traitement et valorisation des films de paillage usagés.
Le témoignage et l’analyse du chargeur
Les enseignements. « Pour nous, ce premier test visait à faire le tour de la solution sur les plans technique, économique, connaître le temps passé, le coût, le bilan carbone avec le fluvial », indique Stéphane Guesney.
La marchandise transportée est un produit en vrac, non périssable, auquel le temps de 10 jours de navigation convient sans difficulté. « Le délai nous importe peu », dit le responsable d’Adivalor.
Concernant le coût : « C’est le double par rapport au transport routier de marchandises », indique Stéphane Guesney. Pour le faire diminuer, l’une des options est d’augmenter le tonnage en passant à l’équivalent de 6 bennes de 50 tonnes soit 300 tonnes à bord, ce qui va se faire en mars 2024. « Le nouvel essai plus grand va servir à optimiser le chargement, le temps que cela prend, les kilomètres parcourus… Transporter davantage peut réduire le coût supplémentaire du fluvial par rapport à la route à 30%, ce qui devient intéressant », selon Stéphane Guesney.
Et après ? Adivalor pourrait effectuer jusqu’à 5 voyages par an sur le canal du Midi avec un chargement d’environ 300 tonnes à chaque fois. Sachant qu’en France, ce sont 10 000 tonnes de films de paillage usagés qui sont collectés pour être traité et valorisés, dont 50% dans les régions PACA et Occitanie.
Adivalor étudie actuellement les possibilités de soutien financiers (PARM de VNR, CEE ReMoVe) existants.
« Nous sommes un important faiseur de transport et de logistique », souligne Stéphane Guesney. Chaque année, Adivalor organise la récupération, le tri et le traitement de près de 100 000 tonnes d’emballages et de plastiques usagés après leur utilisation par 350 000 agriculteurs depuis 7000 centres de collecte (généralement situés dans des « cours » des coopératives ou de centres de négoce où les déchets sont amenés par les agriculteurs eux-mêmes) vers 70 points de traitement et fait appel pour cela à 70 prestataires de transport routier. Les produits prétraités sont ensuite livrés à 40 usines de valorisation.
Il est bien évidemment impossible de transférer la totalité du tonnage annuel gérés par Adivalor de la route vers le fleuve compte tenu notamment des implantations des sites de collecte, de traitement et de valorisation qui ne sont pas tous situés à proximité d'une voie d’eau. Mais là où c’est possible, la volonté d’Adivalor est d’aller vers une solution alternative à la route. En plus de ce qui est testé sur le canal du Midi, l’éco-organisme envisage du transport fluvial pour des flux situés dans la région Grand Est (vers Metz, Nancy, Reims, Troyes) pour rejoindre le Rhône.
Le témoignage et l’analyse du transporteur
La nouveauté. « C’est significatif que deux entreprises, comme Adivalor et les Cafés Di-Costanzo viennent sur le canal du Midi pour des expérimentations cette année 2023. C’est le signal d’un réel intérêt pour le transport fluvial, d’autant plus qu’il s’agit de flux qui peuvent devenir réguliers. Ce ne sont plus des opérations uniques mais des flux qui peuvent devenir pérennes », relève Jean-Marc Samuel, de la SAS Equipage, patron du bateau Tourmente, également président d’Agir pour le fluvial (APLF).
Le constat. « Comme pour les autres tests menés au fil des années, ces derniers transports ne font que montrer que les obstacles pour passer à des flux réguliers et pérennes sont toujours les mêmes : manque de quais, d’engins de manutention, de dragage... On a besoin de « mini hubs » tout au long de l’itinéraire, après il sera possible de proposer une offre pertinente. Aujourd’hui, on fait avec ce que l’on peut mettre en place. Mais on a une infrastructure disponible, des chargeurs motivés, on a besoin de l’engagement de Voies navigables de France, des collectivités pour donner les moyens au transport fluvial de fret de se déployer sur le canal du Midi, en prenant en compte aussi qu’on commence à voir une viabilité économique ».
Une table-ronde. Le « retour d’une navigation commerciale sur le canal du Midi » va d’ailleurs faire l’objet d’une réunion de travail le 28 novembre 2023. Organisée par Agir pour le fluvial (APLF) avec le soutien de la préfecture de région Occitanie, ce rendez-vous s’inscrit dans l’action 28 du plan de gestion élaboré par l’Entente pour le canal du Midi dont l’objet est la promotion du fret fluvial sur cette voie d’eau qui reste une infrastructure de transport qui peut ne pas seulement être dédiée aux activités touristiques.
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