L'Union maritime et portuaire (Umep) du Havre a organisé un colloque intitulé les « voix de la performance » le 5 novembre 2021. L’événement a réuni de nombreux intervenants qui ont débattu de la conjoncture économique actuelle dans les secteurs maritime et portuaire et, plus précisément, de la manière dont Haropa et, particulièrement, le port du Havre ont su se mobiliser et s'adapter au nouveau contexte de ces derniers mois.
Jérôme de Ricqles, expert dans le domaine du transport maritime, analyse les raisons du bouleversement que connait actuellement le marché en faisant un retour en arrière. Le contexte « pré-pandémique » en 2016-2017 avait été marquée par la faillite retentissante de Hanjin qui a, selon lui, positionné les armements dans une logique de « survie » pour éviter de perdre de l'argent. « C'est à partir de ce moment que l'on a vu des lignes maritimes devenir de moins en moins régulières, cassant les cadencements de service avec des répercussions directes sur l'organisation du travail dans les ports, quelque chose qui perdure encore aujourd'hui ».
En mars 2020, la reprise de l'économie chinoise fait que la demande s'emballe avec un effet domino et une pénurie de conteneurs. « La gestion des conteneurs vides pour les armements est source de coûts. Au cours des six derniers mois, des efforts ont été faits mais la demande est tellement forte fait que la pénurie perdure ».
Autre constat, les trois grandes alliances (M2, Ocean Alliance et The Alliance) maintiennent leur parts de marché et leurs rangs respectifs et cela malgré la pandémie. « Finalement, tout a changé mais rien a changé. Le marché reste très concentré. Ce qui a changé, c'est le comportement des compagnies maritimes qui sont aujourd'hui décomplexées. Elles sont conscientes qu'elles ont la main sur le marché, qu'elles peuvent faire peser des augmentations conséquentes. Elles revendiquent leur part du gâteau après avoir vécu des années difficiles. Aujourd'hui, elles ont un certain intérêt à maintenir la pression sur le marché », analyse Jérôme de Ricqles.
Un port peu congestionné
La reprise économique plus forte que prévu a entrainé une congestion des ports à travers le monde, un phénomène que le port du Havre semble ne pas connaître.
Haropa, ces derniers mois, tire son épingle du jeu avec d'excellents résultats en matière de trafic conteneurs. Le fait de pouvoir accueillir des escales supplémentaires non prévues et destinées à l'origine aux concurrents a joué, l'accès maritime du port n'étant pas congestionné.
« Au Havre, nous avons su bien gérer cette crise grâce à une bonne gestion des flux. A l'Umep, nous avons essayé d'anticiper les choses pour avoir de la visibilité sur les problèmes et les résoudre. Ce n'est pas toujours facile. C'est avant tout un travail en commun. Il faut constamment nous adapter », explique Simon Farhat, vice-président de l'Umep. Il indique que le temps d'attente en rade du Havre est en moyenne de 10 à 12 heures alors que dans les ports nord européens, il faut attendre une semaine ou plus.
Georges Denise (Générale de manutention portuaire), président de la commission promotion commerciale de l'Umep, se dit également confiant en l'avenir : « Nous servons les navires mieux que nos concurrents. Nous devrions atteindre les 3 millions d'EVP d'ici la fin de l'année. C'est +30 % que ce que nous avons réalisé en 2020. Mais 2020 n’est pas une année de référence à cause de la pandémie. C'est +9 % par rapport à 2019, une année sans crise ». Il cite un exemple, celui du trafic de marchandise à température dirigée, en essor ces dernières années et la tendance est la même en 2021 avec une progression de l'ordre de +8 à +10 %.
Le responsable rappelle que la capacité actuelle du Havre pour traiter le trafic conteneurs est de 4 à 4,5 millions d'EVP tous terminaux confondus. Avec la création en cours de deux postes supplémentaires sur Port 2000, la capacité sera portée à 5,5 millions d'EVP. Et c'est sur terre que le défi reste à relever : « Le port ne peut fonctionner sans post- et pré-acheminement efficace ».
Investir dans le report modal
La multimodalité au Havre est donc cruciale si le port veut avoir des perspectives de développement. Un paramètre d'autant plus important que l'activité de ces derniers mois est particulièrement tendue sur les terminaux havrais.
Un état des lieux que confirme Simon Farhat et Brice Vatinel, le président du STH (syndicat des transitaires du Havre). Ils rappellent que la fluidité du passage de la marchandise est une vraie problématique, à court et moyen terme, d'où la nécessité de massifier les flux notamment avec le fluvial.
David Giboudeau (Grimaldi), membre du Ghaam (groupement havrais des armateurs et des agents maritimes) estime que la crise devrait laisser des traces : « Faut-il espérer retrouver le monde d'avant ? Nous estimons que non. Travailler avec des navires en fenêtres, à l'heure fixe sera très difficile. Charge à nous de nous adapter, d'être flexible pour répondre aux enjeux du monde de demain. Ce qui peut faire la différence au Havre face aux concurrents, c'est cette capacité de gérer les pics, de gérer la dernière minute. Cela demande une gymnastique dont nous n'avions pas l'habitude jusque là. Investir dans le report modal, c'est aussi l'élément majeur ».