Au cours de la campagne 2022-2023 d’exportation, Sénalia a maintenu un volume d’expédition de 4,1 Mt ; le fluvial et le ferroviaire atteignent une part de 42% à eux deux pour les apports en entrée des silos d’exportation à Rouen. La campagne en cours affiche un retard alarmant du fait d’un manque de compétitivité des céréales françaises. Cet acteur de l’agro-logistique avance par ailleurs sur la diversification de ses activités.
L’activité de Sénalia a légèrement diminué au cours de la campagne d’exportation 2022-2023 : l’union coopérative a manutentionné 6,7 Mt, soit 3 % de moins qu’au cours de la campagne précédente. C’est surtout l’activité de logistique agro-industrielle qui décline : trituration de colza pour Saipol (1,7 Mt) blé pour la fabrication d’éthanol par Tereos (759 000 t) et aussi cacao et sucre.
Le volume des exportations maritimes de céréales au départ des silos du port de Rouen, qui constituent le cœur historique de l’activité de Sénalia, se maintient. Sur les 4,1 Mt de céréales exportées, on compte :
- 2,7 Mt de blé (+2%),
- 876 000 t d’orge fourragère (-7%)
- 459 000 t d’orge brassicole (+13%).
Sénalia a ainsi expédié 45% des 9 Mt de céréales ayant transité via le port de Rouen, et s’adjuge le quart des exportations françaises de céréales.
Modes massifiés. Ces céréales parviennent majoritairement à Rouen par le transport routier, mais les modes massifiés continuent à progresser, totalisant 42 % des apports en entrée des silos d’exportation :
- Le ferroviaire est passé de 7 % à 10 % des approvisionnements.
- La voie d’eau atteint 32 %, le nombre de bateaux fluviaux ayant progressé de 27 % en deux ans pour atteindre 1180 au cours de la campagne 2022-2023.
Des marges de progression sont encore possible en matière de transport fluvial jusqu’à Rouen depuis le bassin de la Seine, estime Gilles Kindelberger, directeur général de Sénalia.
Ce dernier estime que c’est du côté du ferroviaire qu’il y a le plus d’efforts à fournir pour améliorer les choses : « La profession doit se saisir de la question. Intercéréales y travaille et Sénalia se mobilise aussi. Les organismes stockeurs doivent se fédérer pour créer sur les territoires des moyens communs pour charger sur le fleuve et le rail, comme Sénalia le fait pour la réception des céréales à Rouen et le chargement des navires. Des coopératives très proches géographiquement ont parfois chacune leur embranchement ferroviaire et leur propre équipe formée au chargement sur train. Il pourrait y avoir, dans l’intérêt des agriculteurs, des unions pour une mise en commun des moyens car la filière n’a plus les moyens d’entretenir autant de silos de chargement ferroviaire pour si peu d’utilisation ».
Les destinations. Trois pays totalisent 61 % des céréales exportées par Sénalia :
- La Chine (27 % avec 37 navires expédiés), importe habituellement de l’orge, mais la tendance aux achats de blé tendre se confirme et constituera une tendance durable selon Sénalia.
- L’Algérie (18%) les achats de blé français ont repris avec +26 % en blé meunier même si ce pays à revu son cahier des charges pour importer davantage de blé de la mer Noire,
- Le Maroc (16%).
Parmi les autres destinations, on trouve les clients habituels des céréales expédiées par Sénalia : Union européenne (6%), Égypte (4%), Tunisie (4%), Gabon (3%), Cameroun (3%). D’autres destinations sont plus nouvelles : Colombie, Pakistan, Iran, Jordanie…
Qu’en est-il de la campagne 2023-2024 ? Pour la campagne d’exportations en cours, qui a débuté au 1er juillet 2023, la Chine ne devrait plus être la principale destination puisque les achats du Maroc deviennent prépondérants.
Le volume des expéditions réalisées depuis six mois accuse du retard par rapport à celui constaté lors de la campagne précédente. Les exportations de blé sont en recul de 52 % et celles d’orge brassicole de 43 %. Seules les orges fourragères progressent (+115%) mais le total des céréales expédiées de juillet à décembre 2023 n’atteint que 1,7 Mt, soit 31 % de moins qu’au cours de six premiers mois de la campagne 2022-23.
Manque de compétitivité. « Ce retard tient à un manque de compétitivité des blés français », estime Gilles Kindelberger, pour qui « la principale préoccupation est d’avoir de la capacité de stockage disponible pour la prochaine récolte ». Sénalia mise pour cela sur une accélération des expéditions à la faveur d’un ajustement des prix. Cette accélération est possible, souligne le directeur général, en vertu des grandes capacités de chargement des silos rouennais de Sénalia : à titre d’exemple, le 16 octobre 2023, 80 000 t ont été mises sur navires en une seule journée.
Diversification. Logisticien au service des coopératives agricoles qui l’on créée, Sénalia a déjà, dans ses activités historiques, d’autres compétences que le chargement de céréales sur navires maritimes depuis ses silos d’exportation de Rouen. Des prestations sont ainsi réalisées pour la trituration de colza par Saipol, pour la fabrication d’éthanol par Tereos, pour la logistique du sucre (Robust) ou encore du cacao (Cargill, Barry-Callebaut).
Logistique conditionnée. A ces activités, réalisées pour certaines de longue date, s’ajoute une diversification plus récente : celle de la logistique conditionnée, c’est -à-dire une incursion hors des vracs que Sénalia est habituée à manutentionner.
C’est la création de la société GQ Logistics en 2021 qui a marqué l’entrée de Sénalia dans ce nouveau secteur d’activité. Cette année-là, avec le rachat de Normandie Logistique, Sénalia met la main sur un entrepôt de 14 000 m² au Grand-Quevilly, dont 6 000 m² sont dédiés à son client Cargill.
« On s’est lancés dans la logistique conditionnée et nous avons vu que ça fonctionnait », indique Gilles Kindelberger, qui ajoute : « Nous multiplions nos surfaces de stockage par cinq et nous ne nous arrêterons pas là ! »
Des entrepôts. Avec deux nouveaux entrepôts en projet, Sénalia change désormais d’échelle puisque la capacité d’entreposage de sa filiale GQ Logistics atteindra 80 000 palettes dans 75 000 m² répartis en trois sites proches les uns des autres, dans la zone industrialo-portuaire de Rouen, en rive gauche de la Seine, entre Rouen et Moulineaux.
Deux nouveaux entrepôts sont donc au programme. Le premier, situé à Petit-Quevilly, est mitoyen de l’actuel entrepôt GQ Logistics. Il s’agit de l’ancien site d’Europharma que Sénalia acquis en décembre 2023 pour 17 M€ et qui est en cours d’aménagement. Il sera opérationnel en octobre 2024. La construction du second vient de commencer sur le site de l’ancienne raffinerie Petroplus de Petit-Couronne. Il sera livré en décembre 2024.
Trois métiers. « Avec ces trois implantations nous avons désormais trois métiers : le logistique portuaire, la logistique des flux vracs agro-industriels amont et aval, et enfin l’entreposage et les prestations logistiques associées », expose le président de Sénalia, Thierry Dupont. « Nous développons ce troisième métier comme alternative contra-cyclique pour devenir acteur régional de la logistique conditionnée, mais Sénalia restera centrée sur la performance de la filière céréalière rouennaise ».
D’autres projets sont aussi en cours, mais semblent moins avancés. L’importation de produits agricoles, par exemple, est envisagée. Il s’agirait d’importer des produits ou des qualités de céréales dont la filière française ne dispose pas. Des diversifications pourraient aussi être envisagées dans la chimie verte, la méthanisation ou le stockage de carbone.
Des trajets jusqu’à destination sont aussi prévus, avec prise en charge de la logistique portuaire à l’arrivée. Des discussions ont eu lieu à ce sujet avec l’Algérie, le Maroc et le Qatar. Cela pourrait se concrétiser avec ce dernier pays, qui a lancé un appel d’offres pour l’exploitation de nouveaux silos portuaires pour l’importation de blé, de riz, de sucre et d’huiles alimentaires.
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