Le Consortium international des voies navigables et multimodales, qui pousse depuis 70 ans à la modernisation des voies navigables de l’Est de la France, promeut désormais, en plus du fluvial, le transport ferroviaire, comme l’a montré un colloque organisé fin novembre 2023. Une manière de prendre acte du report du projet liaison Saône-Moselle/Saône-Rhin suite aux avis du Conseil d'orientation des infrastructures (COI).
Un peu d’histoire. « Notre association s’est ouverte à la multimodalité, la perspective d’une liaison fluviale [à grand gabarit entre le bassin du Rhône et celui du Rhin] s’étant éloignée », a déclaré Jean-Michel Zorn à la centaine de participants réunis à la CCI de Mulhouse le 23 novembre 2023. Le président du Consortium international des voies navigables et multimodales intervenait en ouverture du colloque organisé pour les 70 ans de l’association.
Sans détailler toute l’histoire du Consortium, qui se confond avec celle du transport fluvial en région Grand Est, Jean-Michel Zorn a évoqué les « 70 ans de lobbying » de l’association. Fondé en 1953 sur l’initiative du président du Port autonome de Strasbourg, le « Consortium pour la modernisation du réseau navigable de l’Est et du Sud-Est » demandait à l’époque l’amélioration du réseau Freycinet pour la navigation de bateaux chargés à 350 t. Il était alors animé par les armateurs français du Rhin, l’hinterland fluvial des ports rhénans s’étendant à l’époque jusqu’à la sidérurgie lorraine et l’industrie franc-comtoise. Depuis, le Saône et la Moselle ont été aménagées à grand gabarit.
Le poids de l’avis du Conseil d'orientation des infrastructures (COI)
Devenue « consortium international » pour impliquer les ports allemands dans l’obtention d’une liaison à grand gabarit entre les bassins du Rhin et du Rhône, l’association a ensuite été renommée « consortium international des voies navigables et multimodales ». Une ouverture vers le ferroviaire qui fut motivée par le peu de perspectives côté fluvial, le Conseil d’orientation des infrastructure (COI) ayant repoussé une éventuelle liaison Saône-Moselle/Saône-Rhin pour après 2050.
Le COI indique qu’il « ne dispose pas des éléments qui justifieraient de relancer un tel projet ». Mais son rapport précise : « il pourra être utile que l’État examine de façon approfondie les possibilités de développement de l’offre de transport de marchandises combinant le fer et le fluvial avec les infrastructures existantes et les projets déjà prévus concernant l’axe Rhin-Rhône ».
C’est en faveur du lancement d’une telle étude que le Consortium insiste désormais, misant sur la complémentarité du ferroviaire et du fluvial. Avec l’idée que le rail pourrait remplacer le chaînon manquant à la liaison fluviale entre la Méditerranée et l’axe rhénan.
« Le marché est celui des conteneurs »
Un colloque organisé par l'association le 23 novembre 2023, intitulé « logistiques décarbonées entre Rhône et Rhin », réunissait donc des intervenants du monde fluvial comme du domaine ferroviaire.
- « Les études de flux ont identifié 360 000 t de fret routier, susceptibles de basculer vers les modes bas carbone », indique Yann Quiquandon, directeur territorial de VNF Strasbourg. En l’absence de liaison fluviale, c’est le rail qui est attendu pour ce report modal.
- « Le marché est celui des conteneurs ; il y a une forte attente aussi pour le transport ferroviaire de semi-remorques », constate Pascal Thorens, de la direction territoriale Grand Est de SNCF Réseau, qui souligne que les deux lignes reliant Mulhouse à Dijon doivent être mises à jour : celle passant par la vallée du Doubs est limitée en gabarit par la hauteur des tunnels, l’autre est au gabarit GA, mais non électrifiée et limitée en capacité par une signalisation peu performante.
Des lignes ferroviaires inadaptées
C’est pourquoi les trains de conteneurs entre le Rhin et le Rhône font un détour par le nord. Naviland Cargo, qui propose une navette Strasbourg-Lyon via son terminal de Dijon, fait passer ses trains par Saverne et Nancy, contournant les Vosges par le nord. « Pour les clients, cela n’a pas d’impact sur les délais, car les trains circulent de nuit ; mais cela occasionne des frais supplémentaires de péage et de temps de conduite », explique Thierry Clergues, responsable de l’agence Naviland Cargo de Strasbourg.
Une ligne ferroviaire directe dont le gabarit serait adapté aux transports d’unités multimodales permettrait sûrement d’augmenter les flux entre Rhin et Rhône. Cette mise au gabarit représenterait un chantier ferroviaire d’importance, mais dont le coût serait sans commune mesure avec une nouvelle liaison fluviale. À plus long terme, cette augmentation des transports de conteneurs entre Strasbourg et la Méditerranée pourrait relancer l’intérêt du grand gabarit fluvial.