Quelle gouvernance commune autour du fleuve ?

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La navette fluviale de Transdev relie les deux rives de la Seine à Rouen, avec environ 6000 passagers par mois. 

Crédit photo Clotilde Martin
Comment poursuivre les échanges initiés lors de la première édition des Assises nationales du fleuve dans un cadre peut-être plus structuré pour aller vers « une gouvernance commune du fleuve » a été l’objet des discussions lors de la matinée du 4 octobre 2023. Plusieurs modèles existants de coopération, de lieux d’échanges ont été évoqués.

Donner de la visibilité aux enjeux économiques liés aux fleuves, canaux et rivières de France, au-delà du seul transport, faire en sorte que les différents usagers de ces gisements d’eau (agriculture, industrie, énergie…) se parlent et partagent une vision commune était l’un des objectifs des Assises nationales du fleuve, organisées à Rouen les 3 et 4 octobre 2023 par Entreprises fluviales de France (E2F) et Ilago avec le soutien de la métropole de Rouen Normandie.

Comment poursuivre les échanges initiés lors de cette première édition dans un cadre peut-être plus structuré pour aller vers « une gouvernance commune du fleuve » a été l’objet des discussions lors de la matinée du 4 octobre 2023 de cet événement. Plusieurs modèles existants de coopération, de lieux d’échanges ont été évoqués.

L’occasion d’entendre que l’unanimité en matière de gouvernance se fait sur un impératif : ne pas rajouter encore un énième « comité Théodule » alors que les structures sont déjà nombreuses constituant un « mille feuilles » peu satisfaisant sur le plan opérationnel. Une autre idée semble avoir également convaincu largement : tenir compte des spécificités de chaque bassin et axe.

Toutefois, cette cohésion achoppe très vite sur la question de savoir qui doit être le pilote de la gouvernance. Pour certains, le leadership doit revenir aux acteurs économiques privés, pour d’autres seule la puissance publique est légitime. L’avis d’un représentant de l’Etat apparaît très (trop ?) concensuel : « La meilleure gouvernance possible est celle qui associe tout le monde ».

La solution est-elle de « travailler en mode projet » autour de quelques thématiques fortes, avec une planification sous forme de feuille de route et d’actions qui relèverait d’acteurs définis ?

L’avenir le dira avec en perspective la tenue d’une nouvelle édition des Assises annoncée sur un rythme annuel : rendez-vous est donné les 2 et 3 octobre 2023 dans une ville restant encore à valider qui sera « probablement au bord d’un fleuve » et qui ne sera pas Rouen.

Tour d’horizon de modèles existants de gouvernances

Du côté de la Loire. Parmi les exemples de gouvernances mise en place autour d’un fleuve, Anthony Descloziers, vice-président de Nantes-Métropole, a parlé de la conférence permanente Loire (CPL), installée en 2016 et résultat d’un grand débat mené en 2015 qui a aussi abouti à la rédaction de 30 engagements. S’assurer de la mise en œuvre de ceux-ci est le premier rôle de la CPL qui peut également relayer des initiatives, alerter sur des situations, rendre des avis… L’histoire et le développement de la métropole nantaise sont intimement liés à la Loire, qui la traverse pendant 47 km et offre 110 km de berges. Elle revient ces dernières années au cœur du quotidien des habitants.

La CPL compte une vingtaine de membres : des élus métropolitains, un représentant du GPM de Nantes-Saint Nazaire et un de Voies navigables de France (VNF), des « personnalités qualifiées » (universitaire par exemple), des citoyens, des associations ou des « collectifs » dans les domaines de l’environnement, du patrimoine, des transports…

« La gouvernance de la Loire est complexe, l’une des difficultés est d’avancer dans le dialogue entre rive droite/rive gauche, entre aval et amont. Il s’agit d’être au service du fleuve, de sa préservation, de son animation, des activités. Parmi les projets en cours de réflexion, il y a par exemple les navettes fluviales sur la Loire », a indiqué Anthony Descloziers.

Du côté d’un acteur portuaire. Un autre modèle de coopération présenté est celui de l’Union portuaire rouennaise, association qui rassemble 140 entreprises et les représente en tant qu’interlocuteur unique auprès de Haropa Port ou d’autres organismes ou institutions.

« La Seine est sous-utilisée par rapport au transport routier, notamment pour les conteneurs, alors qu’elle devrait être privilégiée vers le Havre et la région parisienne, a relevé Gilles Kindelberger, président de l’UPR et directeur général de Senalia. Seulement, 10% des conteneurs importés/exportés par Le Havre passe par la Seine alors qu’une barge, ce sont 80 conteneurs transportés à bord, de manière décarbonée. Pourquoi le fleuve est-il sous-utilisé ? Peut-être par méconnaissance des capacités, des services ». Peut-être faudrait-il aller vers un « tapis flottant » entre Rouen et Gennevilliers, c’est-à-dire des navettes régulières dans les deux sens, comme la navette Senalia que nous avons mise en place et pour laquelle nous avons tout fait pour donner l’habitude de l’utiliser. Il faut aussi travailler avec les lignes maritimes, les booking au Havre. J’avoue franchement : on entend la volonté politique pour le fluvial entre Paris et Le Havre mais on attend toujours une concrétisation. Le fleuve, au-delà du transport de passagers et des activités touristiques doit être un vecteur du transport de fret, d’une logistique « verte ». Il s’est interrogé, s’il fallait en arriver à taxer les poids lourds ?

Concernant une gouvernance du fleuve, pour lui, s’il faut en créer une, « pour qu’elle soit efficace, simple, il faut qu’elle soit dirigée par les entreprises et accompagné par les riverains et après l’Etat et Haropa. Car ce sont les entreprises, les industries qui tirent l’économie, apporte la valeur ajoutée. Et il ne faut pas être 50 dans la gouvernance ».

Du côté de la supply-chain. Pour Florence Robinet-Guentcheff, directrice générale Logistique Seine Normandie (LSN), « il n’y a pas forcément besoin de créer une nouvelle structure de gouvernance du fleuve. Le constat est que nous travaillons trop en silos, selon des thèmes comme l’infrastructure, l’environnement ? etc. Pourquoi ne pas partir sur un task force rassemblant des acteurs dans par exemple trois domaines, le pilote en serait Entreprises fluviales de France avec ses délégations régionales car il importe de prendre en compte les spécificités par bassin, avec l’appui de l’Etat et des collectivités territoriales. Suivrait l’établissement d’une feuille de route avec des responsables pour chaque action et on voit comment les choses avancent ».

Du côté de l’Alsace. « Le Rhin est un espace transfrontalier entre trois pays, une dorsale, une colonne vertébrale pour l’économie, Entre Allemands, Suisses et Français, nous avons construit un dialogue et un travail en commun autour du Rhin car il y a des enjeux communs comme la préservation, la sécurité, la nappe phréatique, le transport, les activités touristique, l’hydroélectricité... Il n’y a pas d’homogénéisation mais un partage de connaissances, de bonnes pratiques. L’objectif est d’avoir une approche globale, cohérente, ce qui n’empêche pas les points de tension, de divergence », est intervenu Frédéric Bierry, président de la Collectivité européenne d’Alsace.

Pour lui, « le rêve du guichet unique, il faut l’oublier. S’appuyer sur les entreprises car le monde économique produit de la richesse ». Mais « c’est au politique de porter la vision ».

Du côté de la CNR. La concession de la Compagnie nationale du Rhône (CNR) a été prolongée jusqu’en 2041 par la loi « aménagement du Rhône » du 28 février 2022, promulguée le 1er mars. Avec cette prolongation, les « missions d’intérêt général » de CNR en tant qu’aménageur de la vallée du Rhône sont devenus des « plans 5Rhône » qui sont programmes quinquennaux, dotés de 165 millions d’euros tous les 5 ans. Ces plans doivent se décliner sur les territoires riverains du fleuve aux travers de 5 thématiques : production d’électricité hydraulique et autres usages énergétiques, navigation et transport fluvial, irrigation et autres emplois agricoles, environnement et biodiversité, actions complémentaires en lien avec les territoires. Ces plans s’accompagnent d’une évolution de la gouvernance avec les territoires concernés pour répondre à leurs besoins spécifiques dans une vision commune d’aménagement de la vallée du Rhône.

« La gouvernance, c’est d’abord expliquer à un grand nombre d’acteurs les plans auprès de comités réunissant des usagers, des associations, des élus, en fonction des thèmes, a expliqué Clémence Aubert, chef de projet 5Rhône à la CNR. C’est intrinsèque à la concession. Le fleuve est un lien de réconciliation. Un autre exemple de lieu d’échange peut être le Club de la croisière sur le Rhône. On peut citer aussi le plan Rhône-Saône entre les 4 régions concernées qui est un lieu de discussion technique sur le fleuve, avec une vision politique de développement durable de la vallée, des aspects financiers ».

Elle a aussi mentionné le Conseil de coordination interportuaire et logistique (CCIL) de l’axe Rhône-Saône Méditerranée qui travaille, entre autres, à des actions et mesures pour avancer vers le projet du Président de la République Emmanuel Macron, d’un grand port fluvio-maritime de Marseille à Lyon.

Gestion paritaire ? « La seule gouvernance possible associe tout le monde, a estimé Marc Guillaume, préfet de la région Ile-de-France, président de l’Agence de l’eau Seine-Normandie. Il reste la question du pilote qui peut varier selon les actions, les projets, les travaux. Une gestion paritaire pourrait être envisagée entre élus, monde économique, Etat, pour un équilibre entre les acteurs ». Il partage la nécessité de prendre en compte l’importance des spécificités par bassin.

 

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Sur les premières Assises nationales du fleuve, organisées par Ilago et Entreprises fluviales de France avec le soutien de la métropole Rouen Normandie les 3 et 4 octobre 2023 et qui ont réuni plus de 350 participants dans la cité normande :

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