Un événement organisé par le Groupement national du transport combiné (GNTC) a montré la croissance de cette filière, aussi bien pour le rail-route que le fleuve-route, mais aussi les freins à lever pour réaliser les ambitions de développement à l’avenir.
En 2021, le transport combiné apparaît en progression de +12 % en nombre d’UTI par rapport à 2020 et de +4 % comparativement à 2019 (avant la pandémie). En 2021, la croissance pour le segment rail-route est de+16,6 %. Le transport combiné représente 14 milliards de tkm sur le total de 36 milliards de tkm pour le fret ferroviaire dans son ensemble.
Sur environ 1 million d’UTI transportées par an en France, le segment fluvial-route participe à ce total à hauteur de 300 000 UTI, soit à peu près 600 000 EVP. « Depuis 7 ou 8 ans, la tendance est à la croissance, de 3 à 4 points par an, pour le combiné fluvial. On progresse même s’il y a une grande disparité entre un fort dynamisme sur la Seine et le Nord tandis que le Rhône est un marché atone. Pour l’Est, avec les étiages sur le Rhin notamment, la situation est davantage contrastée », a souligné Didier Leandri, président délégué général d'Entreprises fluviales de France (E2F), lors d’un événement organisé par le Groupement national du transport combiné (GNTC) le 20 octobre 2022, qui donnait la parole en ouverture au combiné fleuve-route.
Pour E2F, la coopération entre le fluvial et le ferroviaire est essentielle. « Ce n’est pas culturel en France mais on apprend à le faire », a dit Didier Leandri qui a rappelé à quel point les deux modes peuvent être complémentaires, citant comment le fluvial a pris le relais du ferroviaire en 2017 suite à un affaissement de voie lié à la construction d'un tunnel à Rastatt en Allemagne. En 2018, c’est le ferroviaire qui a pallié, « mais pas en totalité », les difficultés de la navigation fluviale lors de basses eaux exceptionnels du Rhin.
Permettre le report modal vers les combinés au pluriel
La coopération entre les deux modes est ainsi une réalité opérationnelle et « s’exerce également sur le plan institutionnel », a continué Didier Leandri, par exemple pour les systèmes d’aide au transport combiné qui s’appliquent aux opérateurs fluviaux comme ferroviaires permettant d’éviter une distorsion de la concurrence entre eux. « Il faut maintenir ce cap. L’objectif est de permettre le report modal vers les combinés au pluriel », a insisté le responsable d’E2F pour lequel un autre axe de travail important concerne la coopération avec le gestionnaire d’infrastructure ferroviaire, SNCF Réseau, pour travailler à améliorer les plates-formes multimodales et celles dans les ports.
L’importance de disposer et de proposer des infrastructures adéquates a aussi été évoquée par Lionel Rouillon, directeur du développement de Voies navigables de France (VNF), qui a indiqué que l’évolution des concessions portuaires vers un système alliant un ou des opérateurs privés dans le cadre de Semop (société d'économie mixte à opération unique), par exemple dans le Grand Est au port de Colmar-Neuf Brisach avec la CFNR Transport SAS, est une solution pour aller vers davantage d’efficacité et de qualité et favoriser le développement du fluvial. Un modèle qu’envisage de décliner VNF pour d’autres concessions portuaires arrivant à échéance sur d’autres bassins.
Ce responsable a rappelé la convention signée entre VNF et SNCF Réseau en 2021 avec trois axes de travail : améliorer la complémentarité entre les deux modes lors des travaux sur l’un ou l’autre réseau, bâtir une offre conjointe, réfléchir aux besoins de dessertes ferroviaires des ports intérieurs.
La logistique urbaine constitue un marché potentiel pour le fluvial : « 13 villes y réfléchissent », a dit Lionel Rouillon, rappelant la réalité des solutions existantes à Paris, à Strasbourg, à Lyon. Parmi les autres villes qui pourraient sauter le pas : Toulouse, Rouen, Arles, Avignon…
Des freins à lever pour tripler les volumes traités d’ici 2030
Ivan Stempezynski, président du GNTC, a appelé à « encourager le développement du transport combiné fluvial, c’est un segment en devenir ». Parmi les mesures nécessaires : la poursuite d’une trajectoire financière en hausse de VNF pour la modernisation, la régénération et le développement des infrastructures ainsi qu’un accompagnement des opérateurs fluviaux notamment concernant la compensation des surcoûts de rupture de charge. Pour lui, « le transport combiné fluvial peut aussi gagner des parts de marché en étant mieux (ré)intégrer dans les chaines logistiques. Nous encourageons aussi les coopérations entre le fluvial et le ferroviaire ».
Il a rappelé les ambitions de la stratégie nationale du fret ferroviaire de triplement des volumes traités par le transport combiné rail-route d’ici 2030 dans le cadre de la multiplication par deux de la part modale du fret ferroviaire en France (de 9 % à 18 %). « Le recul ou la stagnation du transport combiné marquerait l’échec de cette stratégie et de ces ambitions. La croissance du combiné rail-route en 2021 aussi bien par rapport à 2020 que 2019 montre que nous ne sommes plus dans l’incantatoire mais un marché qui s’affirme. Les transporteurs routiers ont confirmé les vertus de cette solution de report modal. Les chargeurs optent pour nos offres car elles répondant à leurs préoccupations de capacité, qualité, décarbonation ». Le combiné rail-route répond aux besoins de l’économie en général en matière de logistique des industries manufacturières, de la grande distribution, « contribue à la productivité industrielle », selon le président du GNTC. « Le combiné rail-route est un facteur d’attractivité économique des territoires et de développement des ports en assurant la connexion avec les grands corridors européens. C’est aussi un facteur d’emplois ». Grâce à son efficacité énergétique, il est un atout dans le contexte de sobriété énergétique mais aussi sur le plan écologique en réduisant les externalités négatives.
Toutefois, pour continuer son développement, le combiné rail-route doit pouvoir offrir une qualité de service « proche de celle de la route en capacité et en circulation », ce qui n’est pas vraiment le cas « alors que les opérateurs jouent leur rôle », compte tenu de l’état dégradé du réseau ferroviaire, des besoins de sillons « robustes » répartis sur les 24 heures et en saut de nuit, du mauvais état des terminaux existants. Sans oublier le manque de terminaux : le GNTC porte le projet de création de 15 nouveaux sites.
Aussi, face à ces constats, le GNTC a lancé avec le cabinet Altermind une réflexion pour aboutir à l’élaboration d’un plan de développement stratégique du transport combiné rail-route autour de trois axes : investissements nécessaires sur le réseau ferroviaire et les terminaux, soutien aux opérateurs, accompagnement à la transformation des clients. Ce plan pourrait nourrir « une loi de programmation », a indiqué Ivan Stempezynski.
Il a aussi insisté sur des demandes importantes pour la filière du combiné comme « un plafonnement des prix de l’électricité au niveau européen » dans le contexte de hausse des prix, la pérennisation des aides à l’exploitation du gouvernement au-delà de 2024.
Le GNTC est aussi vigilant à la prochaine révision des directives européennes sur le transport combiné, annoncée pour 2023.