L’association Objectif OFP a organisé sa rencontre annuelle à la fois « en présentiel » et à distance, ce qui lui a permis de rassembler près de 450 personnes le 17 novembre 2021 autour du thème « le fret ferroviaire, enfin une vision à 10 ans ? ».
Une interrogation posée deux ans après l’adoption de la LOM, 15 mois après la présentation du plan 4F, trois mois après la loi « climat et résilience », un mois après la publication de la stratégie de développement du fret ferroviaire.
Comme en 2020, le ministre délégué aux transports, Jean-Baptiste Djebbari a participé par une vidéo enregistrée et mis en avant l’objectif de doublement de la part modale du fret ferroviaire d’ici 2030 (soit 18 % au lieu de 9 %) écrit dans la loi climat et résilience, qu’il estime atteignable.
Il a rappelé la pérennisation du soutien à l’exploitation jusqu’en 2024, la modernisation des infrastructures avec 1 milliard d’euros dans le plan de relance, l’amélioration du service sur le réseau ferré national avec les accord-cadre de nouveau effectifs à partir de 2022.
Il a conclu son propos en évoquant la stratégie nationale de développement du fret ferroviaire dont la réalisation et le succès passent par la mobilisation de tous, Etat, chargeurs, gestionnaires d’infrastructures, opérateurs.
Etre concret, selon la DGITM
La présentation de cette stratégie a fait l’objet d’une première table-ronde de la matinée d’Objectif OFP.
« C’est une vision globale pour le fret ferroviaire, partagée par tous, avec la volonté d’être concret. Elle compte 72 mesures opérationnelles, un calendrier associé, des responsables de mise en œuvre. Elle définit un chemin pour parvenir à l’objectif de doubler la part du fret ferroviaire d’ici 2030, désormais inscrit dans la loi climat et résilience », a indiqué François Lavoué, sous-directeur transports ferroviaires et collectifs à la DGITM.
Ce responsable a détaillé les trois axes de la stratégie :
- « Refaire du fret ferroviaire un mode attractif et compétitif ».
Cela passe par l’adéquation de l’offre ferroviaire à la demande et aux besoins des chargeurs, par l’amélioration de la qualité de service, la compétitivité des opérateurs (prix et productivité interne du secteur), aller plus loin dans le verdissement de la flotte mais aussi dans l’acceptation de l’activité par la société en continuant à lutter contre le bruit et la pollution sonore, être présent sur la logistique urbaine, poursuivre les innovations.
- « Aller chercher les potentiels de croissance partout où ils peuvent être » sur les différents segments du fret ferroviaire : train entier, wagon isolé, transport combiné. « Cela veut dire mieux travailler avec le maritime et le fluvial. Nous avons travaillé avec les ports maritimes pour les pousser à inclure le fret ferroviaire dans leur stratégie, à mieux donner une place au ferroviaire dans leur hinterland, ce qui n’est pas toujours le cas.
Avec le fluvial, le but est de travailler sur des offres complémentaires intermodales avec le ferroviaire. Il faut travailler de manière commune sur une meilleure connaissance mieux connaître des marchés, des clients communs. Cela veut dire aussi renforcer les infrastructures ferroviaires dans les ports intérieurs pour favoriser l’intermodalité », a expliqué François Lavoué.
Cet axe comprend aussi un travail au niveau des corridors ferroviaires européens.
- Les infrastructures sont le troisième axe de la stratégie.
Il s’agit de la régénération du réseau structurant, de la modernisation d’infrastructures dédiées au fret, d’une réflexion sur celles dont a besoin le fret ferroviaire au-delà des 4 ou 5 ans et d’ici 2030-2040 et aussi déterminer le bon niveau d’investissements correspondant.
« Il faut désormais faire vivre la stratégie, cela relève de l’Etat mais aussi de toutes les autres parties prenantes, a souligné François Lavoué, d’où la signature du Pacte entre SNCF Réseau, l’AUTF et 4F ».
Un dispositif de suivi de la stratégie est en place avec une première réunion qui a eu lieu début novembre 2021.
Le rôle de SNCF Réseau
Il est ensuite revenu à Arnaud Sohier, directeur commercial de SNCF Réseau, de présenter le rôle incombant à ce gestionnaire d’infrastructure dans cette stratégie : « L’Etat a défini une stratégie nationale, c’est fondamental pour notre établissement public en charge de la gestion d’un réseau national. Sur les 72 mesures, 24 concernent SNCF Réseau, 718 millions d’euros sont sous notre maîtrise d’ouvrage. C’est une chance pour le système ferroviaire mais nous oblige aussi à délivrer des résultats ».
A la suite de la stratégie, l’établissement a bâti un « programme fret ferroviaire largement inspiré également des travaux de 4F. Aujourd’hui, nous sommes dans le déroulement de ce programme. Paul Mazataux a été nommé directeur-coordinateur pour ce programme et des pilotes ont été chargés des différents chantiers, un calendrier a été établi. Les parties prenantes sont aussi impliquées », a détaillé Arnaud Sohier.
Le programme fret de SNCF Réseau compte une dizaine de grands chantiers, voici ceux cités par ce responsable :
- Améliorer la connaissance des besoins des opérateurs et des marchés des clients.
- Livrer des sillons fret répondant aux attentes.
« Nous travaillons pour une livraison du service annuelle pour 2022 le 12 décembre 2021. Nous savons qu’il y a déjà des inquiétudes pour 2022. Nous sommes en retard pour la fourniture de sillons à nos clients pour le transport combiné. Nous n’avons pas encore répondu à l’ensemble des besoins mais nous faisons le maximum », a dit ce directeur commercial.
- Améliorer la régularité/ponctualité des trains.
« Cela passe par des indicateurs » (ponctualité départ et arrivée) pour lesquels une expérience-pilote est lancée avec 50 trains longue distance et des résultats attendus en en avril 2022. Une expérimentation a déjà été menée en 2021. Les deux tests permettront de déployer plus largement des solutions.
- Améliorer la qualité des infrastructures : lignes capillaires, voies de service, chantiers de transport combiné, trains lourds, longs, gabarits...
« L’Etat a prévu 1 milliard d’euros mais il nous faut trouver les co-financements auprès des collectivités, de l’Union européenne, nous nous y employons ».
- Sécurisation des sillons par rapport aux travaux.
SNCF Réseau dispose d’une enveloppe de 210 millions d’euros pour 2021 à 2024 pour couvrir les éventuels surcoûts de réaménagement des travaux pour préserver les sillons. « Il s’agit de concilier au mieux les travaux et les sillons. Le démarrage est un peu poussif aux yeux de nos clients, j’en suis conscient, mais reprogrammer des travaux parfois lourds ne se fait pas en claquant des doigts ».
En 2022, 35 millions d’euros vont être utilisés pour reprogrammer 5 chantiers et 2000 sillons-jour. L’établissement a listé 42 autres chantiers pour les années suivantes.
- Numérisation et digitalisation.
La réussite passe par les clients
Pour Frank Tuffereau, coordinateur de 4F : « Au sein de l’alliance 4F, nous avons pensé chaine logistique globale, le chargeur étant important, comment le faire venir. Il faut de la fiabilité, c’est essentiel. Il y a l’Etat avec des aides et des investissements. Nous construisons, en ce moment les indicateurs de suivi, avons des rendez-vous réguliers.
Mais il y a une condition indispensable à la réussite : c’est trouver des clients, et, d’abord, faire revenir ceux qui ont abandonné le fret ferroviaire pour différentes raisons. Il faut aussi aller chercher des clients nouveaux. Pour cela, nous avons aussi un travail à conduire avec les territoires sur les sujets des capillaires, des ITE, pour favoriser les implantations des nouveaux clients aux bons endroits. C’est un travail de longue haleine, de tous les membres de l’alliance 4F et de tous les autres acteurs. Nous avons encore beaucoup de travail ».