« Les investissements atteignent un niveau historique avec 330 millions d’euros en 2022 et 340 millions en 2023. C’est exceptionnel et une multiplication par deux par rapport aux années précédentes au cours desquelles les montants étaient plutôt autour de 150 millions d’euros », a rappelé Thierry Guimbaud, directeur général de Voies navigables de France (VNF), lors de la conférence sur le bilan annuel du trafic du transport fluvial de marchandises, organisée le 10 mars 2023 (voir article de NPI).
Ces niveaux d’investissement ont été rendus possible dans la suite de l’adoption de la loi d’orientation des mobilités (LOM) en décembre 2019 et de la signature en mars 2021 du contrat d’objectifs et de performance (COP) entre l’Etat et VNF pour la période allant jusqu’en 2029. Cet établissement « consomme » 98 % des crédits qui lui sont alloués.
Pour le directeur général de VNF :
- « Cette politique d’investissement est un scénario qui doit se prolonger et se maintenir à l’avenir. Il est prévu 3 milliards d’euros sur la durée du COP.
- Le Conseil d’orientation des infrastructures dans son rapport remis récemment à la Première ministre fait d’ailleurs cette proposition de poursuivre l’effort. Dans le scénario retenu par le gouvernement, il y a des milliards d’euros pour le ferroviaire mais aussi des milliards d’euros pour VNF.
- Le COI donne une orientation forte en faveur des infrastructures des gestionnaires des réseaux des modes « lourds », pour la logistique ferroviaire et fluviale avec la priorité donnée à la régénération. Cette proposition a été retenue par la Première ministre ».
Régénération et modernisation du réseau
Les 330 millions d’euros en 2022 et les 340 millions en 2023 permettent d’avancer sur :
- La régénération du réseau fluvial et des ouvrages pour garantir la qualité du service pour les 30, 40 ou 50 prochaines années et convaincre les chargeurs et logisticiens de la pertinence du mode. Parmi les exemples cités : les écluses de Méricourt, de Gambsheim, du Quesnoy-sur-Deûle…
- La modernisation du réseau fluvial, c’est-à-dire instrumenter le réseau pour mettre en place la téléconduite pour le fonctionnement des ouvrages. Il s’agit, par exemple, du site de Waziers sur le bassin du Nord-Pas-de-Calais où 20 écluses grand gabarit seront gérées à distance depuis un seul poste centralisé de conduite (PCC).
La sécurisation des grands axes logistiques et la préparation de la mise en service de liaison Seine-Escaut en 2030 est l’un des axes des travaux de régénération et de modernisation réalisés.
La gestion hydraulique, « une mission qui devient plus importante », est un autre axe avec, par exemple, 50 barrages de retenue d’eau (ou barrages collinaires) dans le portefeuille de l’établissement dont 5 de grandes dimensions. Des investissements sont faits pour les renforcer, les optimiser, les moderniser.
Dans ses 50 barrages collinaires, VNF conserve 160 millions de m3 avec un maximum possible de 190 millions m3 « si on investissait un peu plus et sans créer une réserve supplémentaire ».
Les canaux représentent, eux, 300 millions de m3 de retenues d’eau nécessaires à la navigation mais aussi à de multiples autres usages (des industries, des collectivités locales pour de l’eau potable, de l’agriculture pour l’irrigation).
Concernant la sécheresse de l’été 2022, Thierry Guimbaud a rappelé qu’elle n’a pas entraîné de difficulté pour la navigation : « Le maintien des installations a été assurée sans aucune restriction sur 98 % du réseau fluvial à grand gabarit et à 90 % sur le petit gabarit car nous gérons l’eau ».
JOP et Notre Dame
A environ 500 jours du début des Jeux Olympiques et Paralympique de Paris (JOP) en 2024, ce responsable a rappelé l’importance de la Seine lors de cet événement sportif mondial avec une cérémonie d’ouverture organisée pour la première fois sur un fleuve et non pas dans un stade. Deux tiers des sites olympiques et paralympiques sont sur la Seine ou au bord du fleuve.
Le maintien de la navigation et la poursuite du transport fluvial de fret sont un engagement lors de la période des JOP « même si le fleuve est aussi un élément central » par exemple pour des épreuves de natation.
Le fluvial participe depuis plusieurs années à la préparation des JOP pour l’évacuation des déblais (600 000 tonnes évacués par bateaux) et participe toujours actuellement pour l’approvisionnement en matériaux de construction et autres charpentes en bois des ouvrages olympiques.
Les JOP sont une vitrine pour montrer les innovations à l’œuvre au sein de la filière avec des projets de bateaux « autonomes et décarbonés » qui seront des démonstrateurs et s’inscrivent en « héritage » de l’événement.
Le chantier de Notre Dame de Paris concerne aussi le fluvial qui est mobilisé pour fournir des éléments pour sa restauration/reconstruction :« Ce sont des transports à très forte valeur ajoutée économique et environnementale ».
Le fluvial à Marseille-Fos
La situation peu positive sur l’axe Rhône-Saône-Méditerranée pour le fluvial a aussi été abordée lors de cette conférence de presse. Pourtant « très bien équipé » avec le fleuve Rhône, géré par la Compagnie nationale du Rhône (CNR), cet axe voit fléchir son trafic d’année en année, notamment pour la filière conteneurs (67 000 EVP en 2022 par rapport à 73 600 EVP en 2021).
Pour Thierry Guimbaud :
- « L’Etat et le gestionnaire ont investi sur le Rhône. Après, c’est une question d’organisation de la logistique autour du fleuve, pour l’orienter vers le fleuve. Des choix d’implantation, des décisions de chargeurs entrent en ligne de compte.
- Le Président de la République a lancé une réflexion sur cet axe pour une réorganisation progressive de la logistique autour du fleuve. Les choses avancent.
- Il faut aussi remarquer que sur cet axe, il y a une multiplicité d’acteurs qui ne permet pas une intégration comme celle qui a été possible sur l’axe Seine ».
« La compétitivité du traitement des conteneurs fluviaux dans le port de Marseille-Fos » et « le surcoût de la manutention pour le fluvial » sont aussi à prendre en considération, a ajouté Lionel Rouillon, directeur du développement de VNF. Sur ce dernier point, il a rappelé la décision de CMA CGM en 2022 de le supprimer : « C’est un opérateur, à voir si d’autres vont suivre ».
Le « verdissement » des bateaux
La filière fluviale et ses opérateurs sont engagés dans la transition énergétique ou « verdissement des bateaux », a rappelé le directeur général de VNF.
Il y a une feuille de route avec l’Engagement pour la croissance verte (ECV) signé en 2021, des dispositifs financiers (PAMI, CEE), un panel de solutions et d’expérimentations alliant utilisation de carburants de transition moins polluants (comme le HVO), à des options avec l’électricité, l’hydrogène… Sans oublier les installations de bornes électriques à quai pour couper les groupes électrogènes, les bateaux passant beaucoup de temps en attente ou en amarrage.
Le « zéro émission » en 2050 est l’objectif pour cette filière économique comme pour les autres, en rappelant que si le bilan CO2 du transport fluvial à la tonne transportée est plutôt bon, cela ne suffit pas. L’accélérateur, ce sont notamment les JOP et les bateaux « décarbonés » annoncés à cette occasion.