Un rapport spécial consacré au transport intermodal de marchandises dans l’Union européenne (UE) a été publié par la Cour des comptes européennes le 27 mars 2023 .
Le document précise, tout d’abord, ce qu’est l’intermodalité :
- « Il s'agit de transporter des marchandises dans une seule unité de chargement (comme un conteneur ou une caisse mobile) en combinant plusieurs modes de transport (route, rail, voies navigables, aérien) ».
- « L’intermodalité consiste donc à tirer parti des points forts des différents modes de transport ».
La Cour a aussi analysé les textes européens qui peuvent favoriser le transport intermodal, elle constate :
- Le seul acte « spécifique » au transport intermodal de marchandises est la directive sur les transports combinés de 1992 qui « est dépassée et inefficace ». La Commission européenne a tenté à plusieurs reprises de réviser cette directive, « sans pouvoir obtenir l’accord des États membres ».
- Il existe d’autres textes « visant à promouvoir les modes de transport alternatif » mais « ils sont obsolètes ou contre-productif ».
- Il y a le règlement relatif au réseau transeuropéen de transport (RTE-T), dont la version actuellement en vigueur a été adoptée en 2013 et en cours de révision « qui pourrait améliorer la situation». Mais, « en l’état actuel des choses, le réseau européen de transport de fret n’est tout simplement pas adapté à l’intermodalité ».
Des objectifs de report modal irréalistes
Les conclusions de la Cour sur la situation du transport intermodal de marchandises au sein de l’Union européenne apparaissent ainsi sans appel. Même si elle le dit avec humour en indiquant que l'intermodalité « n’est pas sur de bons rails » :
- Le ferroviaire et le fluvial ne peuvent pas concurrencer la route et la part de celle-ci continue d’augmenter, atteignant environ 77 %.
- Les efforts pour restreindre le fret routier n’ont pas suffi à lever les obstacles réglementaires et infrastructurels qui pénalisent d’autres modes de transport.
- La route est le moyen de transport de marchandises le plus souple, et souvent aussi le plus rapide et le moins cher. Pas étonnant, donc, qu’il soit toujours choisi pour les trois quarts des marchandises de l’UE.
Cette situation nuit aux objectifs en matière de transition écologique des activités du transport de marchandises affichés de l’Union européenne , estime la Cour. « La décarbonation des transports est au cœur de l’objectif de l’UE consistant à réduire les émissions de gaz à effet de serre, tel que le prévoit le pacte vert pour l’Europe. Et l’intermodalité constitue un élément clé pour y parvenir ».
Pour la Cour, la situation qu’elle a constatée montre que « les ambitions affichées au niveau de l’UE pour 2030 et 2050, soit le doublement du trafic ferroviaire et l’augmentation du recours à la navigation intérieure de 50 %, sont tout simplement irréalistes ».
L’UE met pourtant de l’argent sur la table : plus de 1,1 milliard d’euros ont été alloué à des projets visant à soutenir l’intermodalité entre 2014 et 2020.
Absense de stratégie
D’autre part, la Cour constate qu’il n’existe pas de stratégie de l’UE consacrée au seul transport intermodal de marchandises.
- « L’intermodalité relève plutôt de stratégies plus larges d’écologisation du fret, qui définissent des valeurs cibles quantitatives spécifiques en ce qui concerne le recours accru au rail et à la navigation intérieure.
- Toutefois, celles-ci n’étant pas contraignantes, les États membres ont fixé leurs propres valeurs cibles, qui ne sont pas toujours comparables avec les objectifs européens ou alignées sur ces derniers.
- Il est donc impossible d’évaluer si les efforts conjugués des États membres sont suffisants pour réaliser les objectifs globaux de l’UE en matière de transfert modal ».
Le rapport de la Cour des comptes est disponible en ligne.