« Les territoires permettent de valoriser la voie d’eau et inversement »

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Entretien avec Thierry Guimbaud, directeur général de Voies navigables de France, qui revient sur le contenu du contrat d’objectifs et de performance de l’établissement pour la période 2020 à 2029 signé tout récemment.

« Le contrat d’objectifs et de performance de Voies navigables de France (VNF) était prévu dans la loi d’orientation des mobilités. La Cour des comptes l’avait réclamé plusieurs fois. Il n’y avait jamais eu de contrat entre l’Etat et VNF. En avoir un, c’est un événement important et le résultat de 10 ans d’effort », explique Thierry Guimbaud, directeur général de VNF. Le contrat d’objectifs et de performance (COP) de VNF a été signé officiellement entre l’Etat et l’établissement le 30 avril 2021.

« Il y a des aspects formels » autour de ce contrat, indique le directeur général de VNF. Il va être transmis au Parlement où les députés n’ont pas la possibilité de modifier son contenu mais peuvent organiser des auditions et exercer leur rôle de contrôle. Un rapport annuel auprès du Parlement est également prévu pour rendre compte de l’avancement des projets et objectifs, des moyens financiers, etc.

Une ambition partagée autour des 3 missions de VNF

Pour Thierry Guimbaud : « Le contenu du COP montre le partage avec l’Etat de l’ambition de ce qu’est Voies navigables de France dans les voies fluviales. La plénitude du rôle de VNF est consacrée dans ce contrat pour la première fois. Il rappelle clairement les trois missions-clés de l’établissement qui peuvent se résumer en quelques mots : logistique plus verte, territoires, l’eau ».

La première mission de VNF est en effet de développer la logistique fluviale en renforçant sa compétitivité par des infrastructures capacitaires, des services performants et la recherche d’une empreinte environnementale toujours moindre.

La deuxième est à favoriser le développement des territoires par la valorisation de l’attractivité économique et touristique de la voie d’eau en partenariat avec les collectivités territoriales traversées.

La troisième est de garantir le transport de l’eau et ses usages par une exploitation rigoureuse de l’infrastructure, économe de la ressource et respectueuse de son environnement.

Le COP de b est la marque d’une ambition fluviale nationale renouvelée au service de la réussite de la transition écologique et du développement des territoires. Pour parvenir à concrétiser cette ambition, le COP détaille des objectifs, des moyens, des trajectoires.

« Doper les ressources propres de VNF »

« Les moyens d’investissement, sur la période décennale du COP, représentent 3 milliards d’euros pour le fluvial. Bien évidemment, ce n’est pas une décision budgétaire décennale à laquelle s’opposent toutes les règles de comptabilité publique. Mais c’est une orientation politique et ce n’est pas rien », relève Thierry Guimbaud.

Sur cette trajectoire au cours des années, les députés peuvent jouer un rôle à l’occasion des rapports annuels qui leurs seront transmis.

Pour les années 2021 et 2022, près de 300 millions d’euros sont prévus, après 220 millions en 2020 et 170 millions en 2019. Les montants représentent ainsi à peu près le double de ce qui était consacré aux voies d’eau en France au cours des dernières années.

« Ces investissements nous obligent considérablement, passer du simple au double, ce n’est pas simple en termes d’ingénierie et de pilotage des marchés », souligne Thierry Guimbaud. Cette situation a été anticipée en interne avec la création de la DIMOA pour une maîtrise d’ouvrage au niveau national et non plus local. Cette direction pilote la plupart des grands investissements. « Cela permet de mutualiser les moyens, les connaissances, les expertises qu’une trop forte dispersion sur le territoire ne facilitait pas précédemment ».

Concernant les moyens de fonctionnement, « pour la première fois, nous sommes sur une orientation de stabilisation sur 10 ans, c’est nouveau ».

Bien évidemment, là aussi, sous réserve des décisions budgétaires annuelles de l’Etat mais le fait que tout est écrit noir sur blanc dans le COP permet de réagir en cas de révision des moyens alloués.

Le COP prévoit également d’élaborer une stratégie économique de long terme visant à diversifier les recettes de VNF et développer ses ressources propres. Sur ce point, pour Thierry Guimbaud : « Nous allons devoir doper les ressources propres de VNF. Je suis frappé de constater à quel point nous savons très peu faire rentrer les recettes existantes. Il y a une richesse qui est là mais nous ne la captons pas. Nous devons nous interroger sur notre capacité à créer de la valeur et en prendre notre part avec d’autres. Nous générons peu de valeur et nous la partageons mal. Nous avons 40 millions de recettes domaniales, pour un budget de 650 millions, la valeur des terrains de VNF a en gestion peut générer davantage.

Nous voulons créer davantage de valeur et la partager. Chacun fait un pas  en matière de financement, c’est-à-dire l’Etat, l’Union européenne, les collectivités locales, l’établissement lui-même par sa recherche de ressources propres et de productivité, alors le pari pris est qu’en 10 ans, on marque une inflexion très forte pour le fluvial ».

 Du côté des moyens humains, « une trajectoire de relative stabilité est mise en place » pour les deux premières années du COP. Puis il est prévu de renouer avec le plafond d’emploi comme pour tous les établissements publics relevant de l’Etat.

Un mécanisme de revoyure

Les objectifs définis dans le COP concernent aussi bien les trafics de marchandises que le tourisme. Pour le volume de fret transporté par voie fluviale, il s’agit de l’augmenter de moitié, ce qui porterait le potentiel trafic à plus de 10 milliards de tonnes-kilomètres, soit plus de 75 millions de tonnes de marchandises en 2029.  Pour les activités touristiques, les retombées économiques territoriales liées au tourisme fluvial pourraient atteindre jusqu’à 3 milliards d’euros par an en 2029, soit une augmentation par deux dans les 10 prochaines années par rapport à l’évaluation actuelle de 1,4 milliard d’euros.

 « Ce sont des objectifs de long terme qui sont soumis à tout ce qui peut arriver au cours de la décennie à venir. C’est la raison pour laquelle, le COP comprend un mécanisme de revoyure triennal », précise Thierry Guimbaud

La première période de revoyure va venir très vite car elle est fixée pour 2023-2025 : « Toutes les trajectoires que je viens de détailler, en recettes comme en dépenses, comme en moyens humains seront analysées. Il faudra voir et discuter à ce moment-là, faire arbitrer le maintien de ces trajectoires ou leurs évolutions ».

Une concertation sur les niveaux de service

Il faut aussi comprendre que « le contrat repose sur un concept d’alliance tout azimut », dit le directeur général. Pour lui, « il n’y a pas de voies d’eau qui marchent bien toutes seules. Les territoires sont la clé. Les territoires, pour le tourisme comme pour la logistique, permettent de valoriser la voie d’eau et inversement ».

Une voie d’eau peut être très bien équipée pour la logistique, « ce n’est pas pour autant qu’il y a du trafic dessus. Derrière, il y a tout un choix d’organisation logistique, plate-forme, orientation des chargeurs, des transporteurs, résolution de points de blocage qui ne sont pas forcément sur le fleuve, etc. Quand on dit qu’il n’y a pas beaucoup de trafic sur la voie d’eau, c’est aussi qu’il n’y a pas d’orientation logistique globale.

Cet aller-retour entre les territoires et la voie d’eau est le même pour le tourisme. Quand des passagers louent un bateau ou font une croisière, ils ne veulent pas seulement naviguer, ils veulent découvrir un pays. Il faut donc une offre de territoire pour que le fluvial ait du sens et pour dimensionner le niveau de service sur la voie d’eau. Il faut définir une offre globale territoire et eau ».

C’est dans ce cadre que s’inscrit la concertation sur les niveaux de services selon les itinéraires prévue par le COP et à conduire par VNF avec l’ensemble des parties concernées d’ici la fin 2022, soit avant la période de revoyure.

« Il s’agit de faire un état complet des territoires, en logistique comme en tourisme, sur lesquels on peut redéfinir des niveaux de service en fonction de l’existant et des projets. Il faut mener cette analyse pour mieux déterminer les besoins. En tant que gestionnaire d’infrastructure, VNF ne peut pas dire ni définir ni décider seul du niveau de service nécessaire. Cela n’a pas de sens de soutenabilité économique ni politique. Il faut donc le bâtir avec les territoires ».

La conduite de cette concertation avant la période de revoyure prévue à partir de 2023 est importante car en fonction des besoins et des projets déterminés avec les territoires, une adaptation des moyens pourrait être nécessaire et prises en compte à ce moment-là, ce qui peut adapter les trajectoires de l’établissement telles qu’elles sont inscrites actuellement dans le contrat.

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