La présidence de la Commission centrale pour la navigation du Rhin (CCNR) tourne tous les deux ans entre les cinq Etats membres. Depuis le 1er janvier 2024, le tour revient aux Pays-Bas (après la France) avec comme président Michiel van Kruiningen lequel relève depuis février 2023 du ministère néerlandais de l’infrastructure et de la gestion de l’eau en tant que directeur des affaires maritimes et responsable de la navigation intérieure et des voies navigables, de la navigation, des ports maritimes, du transport multimodal de marchandises et des pipelines.
Les Pays-Bas ont fait part de priorités plutôt classiques pour la plupart mais l’une d’entre elles est plus originale.
Renforcer la coopération avec l’Union européenne. Les Pays-Bas veilleront aux compétences relevant de la CCNR par rapport à celles de l’UE. « Des questions essentielles se posent autour de l’adaptation de diverses directives, les procédures de coordination, le fonctionnement du Comité européen pour l’élaboration de standards dans le domaine de la navigation intérieure (CESNI) ».
Comme exemple de dossier, sont citées « les négociations sur la révision du règlement RTE-T avec des thèmes abordées comme l’infrastructure des voies d’eau, le développement durable, l’adaptation au changement climatique ou la numérisation ayant un impact direct sur les activités de la CCNR et du CESNI ».
Œuvrer en faveur du développement durable. Le premier chantier ici concerne les travaux menés par l’UE pour l’élaboration d’une directive sur la taxation de l’énergie qui concerne aussi les carburants de la navigation intérieure. Il se trouve que pour celle-ci sur le Rhin, un accord de 1952 interdit le prélèvement de droit d’accise sur les carburants.
Le deuxième chantier concerne le financement de la transition énergétique de la navigation intérieure européenne. Il va s’agir de poursuivre les échanges avec l’UE pour « améliorer la réglementation actuelle ». En clair, il s’agit d’obtenir que cette filière accède plus aisément à des financements européens pour le « verdissement » des bateaux, en allant « si possible » jusqu’à la création d’un fonds dédié.
S’adapter au changement climatique. Cette expression désigne les phénomènes naturels de crue, d’étiage (ou basses eaux), de précipitations, de sécheresse, lesquels avec le changement climatique « deviennent plus extrêmes ». La volonté affichée est « d’assurer la fiabilité de la navigation intérieure », autrement dit de faire en sorte que les bateaux puissent naviguer y compris dans des conditions extrêmes de niveaux d’eau, notamment lors des basses eaux. Des programmes ont été mis au point en Allemagne ou aux Pays-Bas qui mettent en avant la nécessité de « mener les actions à un niveau international dans la mesure où les voies d’eau dépassent les frontières nationales ».
Développer la navigation intelligente. Il s’agit de poursuivre vers une navigation automatisée et la conduite à distance dans la suite des récentes décisions prises lors de session plénière de la CCNR du 6 décembre 2023 autorisant des dérogations aux règlements pour la réalisation de projets-pilote.
Coopérer sur des dispositions transitoires à long terme. Les Pays-Bas font ici part de leur volonté « d’accorder une attention particulière à la thématique des dispositions transitoires à long terme et de leur expiration ».
Il faut comprendre que :
- Lorsque de nouvelles prescriptions techniques sont adoptées au sein de la CCNR concernant les bateaux de navigation intérieure, des dispositions transitoires peuvent être mises en place pour l’adaptation progressive de la flotte existante.
- Les bateaux existants bénéficient ainsi d’un délai pour la mise en conformité vis-à-vis de ces nouvelles prescriptions techniques.
- Malgré les dispositions transitoires, pour certains bateaux, la mise en conformité n’est parfois pas réalisable techniquement ou entraînerait des dépenses déraisonnables.
Les Pays-Bas rappellent que « sur la base d’une recommandation établie par la CCNR, des dérogations à ces prescriptions peuvent être accordées pour un bateau donné. C’est l’application de la « clause de sauvegarde » ».
Il se trouve que des dispositions transitoires arrivant à expiration lors du renouvellement des certificats en 2035/2041, « le risque de goulets d’étranglement pour certaines catégories de bateau s’accroit », selon les mots des Pays-Bas.
Pour le dire plus clairement, selon des acteurs de la navigation intérieure européenne (vor article de NPI), la fin des dispositions transitoires et l’obligation pour les « petits » bateaux (notamment les plus anciens et d’un tonnage allant jusqu’à 1500 tonnes) de s’adapter à des normes actuelles sinon ils ne pourront plus naviguer signifie la disparition de ces unités pourtant encore utiles car pouvant naviguer sur l’ensemble des voies navigables, y compris celles au « petit » gabarit. Dans le contexte du changement climatique et des volontés de report modal affichés vers la navigation intérieure, est-ce bien pertinent ? se demandent certains acteurs de la profession.
Selon les Pays-Bas, « la clause de sauvegarde peut, dans certains cas, offrir une solution ». Ils proposent « d’imaginer au niveau international (CCNR/CESNI) des solutions collectives qui pourraient également représenter une option ».
Ils ajoutent que « des travaux préparatoires sont en cours aux Pays-Bas pour proposer de telles solutions collectives pour les bateaux de petite taille ».
Il n’est pas très étonnant que les Pays-Bas souhaitent avancer sur ce dossier car les « petits » bateaux y sont encore nombreux. Et c’est aussi un pays phare de la navigation intérieure qui représente une part modale de 41,29%.
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