Le transport de vins : une niche pour le fluvial interbassin ?

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« Et vogue le vin », une opération organisée ce printemps 2022 par l’office de tourisme Béziers-Méditerranée pour promouvoir son vignoble à Paris, a mis un coup de projecteur sur la coopérative Les Canaliens et ses liaisons fluviales de circuits-courts agroalimentaires. Avec l’inflation et l’augmentation du prix du carburant, pour certaines filières, le fluvial devient plus compétitif que la route.
Parmi les nouveaux artisans-bateliers en quête de fret agro-alimentaire, le transport de palettes de bouteilles de vin par la voie d’eau fait partie des niches des plus convoitées. Le transport fluvial berce le vin et les doux rêves de report modal. D’autre part, dans les filières agro-alimentaires, « petits » producteurs et nouveaux commerces se confrontent aux limites des flux tendus avec un problème de stockage. Pour les accompagner, certains territoires se tournent vers la logistique fluviale. Dans ce cadre, en avril 2022, l’office de tourisme de Béziers a chargé 600 bouteilles de vins dans la cale tempérée de la péniche Séraphine. Un bateau de 34 mètres qui transporte depuis 2014 des produits régionaux entre le Languedoc et l’Ile-de-France pour des « petits » commerces et cavistes des centres-villes. Le canal du Midi est porteur d’histoires et de sens et, intrinsèquement lié au vignoble du Biterrois. Deux emblèmes. Alors en voyant passer régulièrement une péniche équipée d’une grue, quelques élus ont voulu sauter à l’eau. « Le canal est lié à l’histoire de notre territoire, notamment à l’âge d'or viticole qu’a connu Béziers. Autrefois, les vins produits chez nous étaient acheminés par voie fluviale. L’idée était de plonger dans cette époque en faisant la promotion des vins des coteaux de Béziers à Paris », commente Lauren Broersen, chargée de l’événement pour l’office de tourisme Béziers-Méditerranée. L’opération « Et vogue le vin » a joué la carte du transport fluvial comme outil promotionnel d’un territoire. « Pour nous, c’est une réussite. Les visiteurs étaient nombreux, à Béziers, à assister au chargement de la palette et au départ de Séraphine. Ils ont pu suivre le parcours et les différents arrêts de la péniche sur le réseau fluvial français grâce à nos réseaux sociaux et notre site Internet », précise Lauren Broersen. Sept domaines et caves du territoire et leurs IGP coteaux de Béziers ont été mis à l’honneur, empruntant, durant deux mois, le réseau Freycinet : depuis la partie Est du canal du Midi -segment aux écluses rallongées- puis le Rhône, la Saône, les canaux du Centre, latéral à la Loire, de Roanne, de Briare, du Loing… Pour une arrivée à Paris début juin. Les vins ont ensuite été acheminés chez un grossiste par vélo-cargo. 

Un engagement depuis 2014

Pour les transporteurs, le bilan est mitigé. Si vu de Béziers, quelques habitants ont été fiers de pouvoir suivre Séraphine tout au long de son périple, le montage de l’opération n’a pas été fluide. « En arrivant à Paris, les vins n’ont pas facilement trouvé leurs clients et nous nous demandons si ce voyage sera suivi par d’autres », s’interroge Théophane Tardy, un des membres de la Scic Les Canaliens, propriétaire de la péniche. Un transport qui a pu être économiquement possible grâce aux chargements complémentaires pris en charge par Les Canaliens et l’association Fleuve de Liens.  La Scic Les Canaliens est un collectif composé de vignerons, de coopérateurs et autres militants. Depuis 2014, deux voyages par an sont organisés entre l’Hérault et Paris avec des vins et des produits artisanaux chargés en Occitanie et en Ardèche. Une niche qui commence à agrandir son réseau de clients à Paris. « Nous chargeons entre 25 et 40 tonnes deux fois par an, avec quatre voyages, nous deviendrons rentables. Nous pouvons compter sur une bonne vingtaine de vignerons aujourd’hui. Récemment, certains producteurs-chargeurs incluent le transport fluvial comme critère de commercialisation, c’est en bonne voie », rapporte Théophane Tardy. Forte d’un pilote et d’un matelot embauchés ponctuellement et avec l’aide de bénévoles, la coopérative tisse doucement sa toile entre producteurs, clients, magasins, épiceries ; le contexte économique devenant porteur. « Cette année avec la hausse du prix du carburant pour certains vignerons, nous sommes plus compétitifs que la route », se félicite Théophane Tardy. Séraphine a amené les marchandises jusqu’au bassin de la Villette et, pendant trois jours, les vélos-cargo se sont activés pour livrer plus d’une quinzaine de clients. « Le coût du transport aujourd’hui se situe entre 60 centimes et 1 euro la bouteille, on se stabilisera à 1,20 tout compris avec le post-acheminement ». Dans la cale, à côté des vins et d’autres produits régionaux, des confitures ardéchoises, un vrai marché dans la capitale : « Nous avons une trentaine d’épiceries dans Paris pour deux approvisionnements par an ». Ce travail de longue haleine répond à des problématiques actuelles de logistique et d’approvisionnement des villes en produits de terroir : « Nous chargeons le vin immédiatement après la mise en bouteille, ce qui permet d’assurer une part de stockage pendant le trajet et de livrer au bon moment deux fois par an. Idem pour d’autres marchandises, nous permettons de libérer des espaces de stockage ».

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