Saint Gobain utilise le transport fluvial en région parisienne, notamment pour approvisionner les agences de sa filiale Point P, et veut aller plus loin en livrant des matériaux sur les chantiers de BTP par la voie d’eau. Mais ce n’est pas simple, les paramètres à prendre en compte sont nombreux tout comme les freins à lever.
« Nous voulons livrer les matériaux sur les chantiers de BTP par la voie fluviale et non plus seulement approvisionner nos magasins situés en bord de Seine. Sachant que les produits à livrer sont lourds, palettisés, pas chers, et les clients multiples. Nous travaillons à trouver la meilleure solution dont l’un des paramètres est d’anticiper le plus en amont possible pour préparer les approvisionnements par une logistique fluviale », a indiqué Olivier Arnault, directeur aménagement et logistique chantiers de Saint Gobain Solutions France dont Point P est une filiale, lors d’une matinée « multimodalité urbaine » le 19 mai 2022 à Paris (voir article de NPI).En Ile-de-France, le groupe est déjà un utilisateur de fluvial depuis plusieurs années avec deux automoteurs de 1100 tonnes équipés d’une grue qui livrent chaque semaine les agences Point P localisées en bord de fleuve depuis des usines elles aussi installées au bord de la voie d’eau. Le bateau Freedom, « 100 % Point P », approvisionne les agences depuis Montereau tandis qu’Andromède (affrété par Lafarge) part de Bernières et passe aussi par Bonneuil-sur-Marne (où se trouve dans le port une installation de Weber Saint Gobain).Cette utilisation du transport fluvial s’inscrit pour le groupe Saint Gobain dans une démarche globale de neutralité carbone à l’horizon 2050 et de développement d’une économie circulaire de l’ensemble de ses activités qui se sont diversifiées vers une large gamme de production et distribution de matériaux de construction et non plus seulement le verre. Celui-ci étant son produit le plus connu depuis le 17ème siècle et la création de la manufacture des Glaces.
Un ensemble à mettre en place
Parmi les chantiers de BTP repérés pour une livraison fluviale des matériaux, il y a le chantier du village des athlètes des Jeux Olympiques et Paralympiques à Paris en 2024. Le flux peut s’intégrer dans la rotation des deux bateaux car ils passent déjà devant le chantier qui se trouve sur l’Ile Saint Denis et permet de limiter les livraisons par la route dans un lieu très contraint et avec une circulation très dense. Une livraison est réalisée une fois par semaine.Toutefois, les contraintes sont importantes, l’infrastructure de quai n’est pas vraiment adaptée. Un test avec le Zulu 3 de Sogestran est prévu soit ce mois de juin soit en septembre pour déterminer si son pont plat peut faciliter le déchargement.Dans Paris et sa proche banlieue, d’autres chantiers sont plutôt bien situés par rapport au fleuve et pourraient tirer profit d’une logistique fluviale pour leur approvisionnement. Le responsable de Saint Gobain a cité les travaux au 36 quai des Orfèvres, de Notre Dame de Paris, de la Tour d’argent, de la station de métro Saint Michel, de l’ile Seguin, de l’éco-quartier fluvial (de nouveau ile Saint Denis).Mais tout n’est pas résolu seulement avec le bon bateau, le bon équipement de manutention à terre ou intégré à bord, le bon quai, il y a aussi toute la dimension des échanges documentaires lors des livraisons au bon client et pour lesquels des solutions numériques apparaissent pertinentes, à condition de les imaginer et de les mettre en place. Sans oublier la question de la « reverse logistic », c’est-à-dire, trouver un flux retour pour que l’ensemble de la rotation trouve un certain équilibre économique.
Changer les mentalités et habitudes
C’est ainsi tout un ensemble à réfléchir, à organiser et à mettre en place, au-delà du transport fluvial en lui-même. Et aussi parvenir à faire bouger les lignes des habitudes et les mentalités pour lesquelles le chantier de reconstruction de Notre Dame de Paris peut constituer un exemple. Son emplacement est idéal sur l’ile de la Cité et a déjà fait ses preuves lors de la construction au Moyen Age.Toutefois, selon Entreprises fluviales de France (E2F), « après des mois d’efforts tant de notre côté que de celui de VNF, de Haropa, de la Communauté portuaire de Paris et de la délégation interministérielle à l’aménagement de la vallée de la Seine, force est de constater qu’aucun transport fluvial n’est prévu, à ce stade, avec les lots déjà attribués. Sans même être examinée ni quottée, la solution fluviale semble, aujourd’hui, a priori écartée sur le thème : « Le fluvial est trop cher, trop compliqué et nous préférons continuer avec le camion que nous connaissons ». Pourtant, les autres acteurs du BTP avec qui nous travaillons en Ile-de-France reconnaissent tous les intérêts du transport fluvial, parfois sur le prix, parfois sur la ponctualité, parfois sur la surface nouvelle rendue disponible pour les chantiers, parfois sur les solutions techniques et parfois sur tout à la fois. Notre Dame sera-t-elle reconstruite sans l’aide du transport fluvial alors même qu’il a été l’artisan de sa construction ? »