Les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris (JOP) en 2024, c’est d’abord une longue période qui s’étend du 1er juillet au 15 septembre 2024 au cours de laquelle 185 km de voies routières vont être réservées, ponctuellement ou en continu entre 6h du matin et minuit, pour faciliter la circulation des véhicules transportant les « accrédités » (athlètes, « famille olympique », médias) ainsi que les taxis, transports en commun et véhicules de secours.
La liste de ces voies est définie dans un décret du 4 mai 2022 (2022-786) et comprend des portions du boulevard périphérique, des autoroutes A1, A4, A12, A13 ainsi qu’une cinquantaine de rues de la capitale. Sachant que dans la ville, il y a une concentration des JOP entre Concorde et Trocadéro sans oublier les sites en Seine-Saint-Denis, ce qui étend le périmètre des mesures à la région francilienne. Logistic Low Carbon a réalisé une cartographie dynamique, disponible sur le site internet de Lud+, qui traduit de manière concrète les 185 km de ces voies « réservées » aux JOP de ce décret, un outil utile.
Un travail est en cours au niveau de l'Etat pour déterminer les mesures de sécurité autour des sites de compétition qui se traduiront par une circulation restreinte et des stationnements eux aussi restreints, avec l’objectif d’aboutir à des propositions à l’été 2023. Elles feront l’objet d’un texte réglementaire de la part de la préfecture de police de Paris.
Il ne faut pas oublier non plus le pouvoir de police de chacun des maires des 136 communes franciliennes concernées plus ou moins par les JOP qui vont émettre eux aussi leurs propres mesures de restriction. Concernant celles-ci, le cabinet Logicités, bureau d’études en logistique urbaine, a élaboré avec d’autres partenaires, une base de données commune pour les arrêtés de circulation et de stationnement en Ile-de-France qui peut s’avérer utile pour les mesures prises par chacune des communes lors des JOP. Encore faut-il que ces dernières fassent la démarche de les communiquer à la plate-forme.
« Les Jeux sont une opportunité mais supposent aussi des mesures et des contraintes fortes qui vont avoir des impacts sur la circulation et les activités. Il est nécessaire de se préparer en organisant ou réorganisant les flux logistiques, les itinéraires, les horaires de livraison… pour que les activités et la vie des habitants se poursuivent », a dit Florent Bardon, coordonnateur national des mobilités pour les Jeux Olympiques et Paralympiques Paris 2024, dans un message vidéo, au début du webinaire du programme Lud+ avec le Club logistique en or et Logistic Low Carbon, organisé le 3 février 2023.
Entre opportunités et contraintes
Le webinaire portait sur « la logistique du quotidien des JOP », un thème autour duquel s’est constitué le Club logistique en or, une démarche lancée en 2019 par l’Union TLF qui a rassemblé des associations, fédérations et syndicats professionnels du secteur du transport et de la logistique souhaitant s’investir dans la réussite de cet événement.
« La démarche a été collaborative, associant des acteurs privés et publics. L’ambition est de réussir pendant l’événement mais aussi d’accélérer vers une logistique urbaine innovante dans le contexte de la transition écologique », a rappelé Jérôme Douy, directeur délégué de l’Union TLF, intervenant lors de la première table-ronde du webinaire. Il s’agit ici de la dimension « héritage » des JOP « qui ne tient que si tous les acteurs, collectivités, entreprises, territoires anticipent et se préparent aujourd’hui ».
Le Club a rédigé 53 propositions, lesquelles, après un nouveau travail avec la DGITM, la ville de Paris et la délégation interministérielle des JOP, ont servi à l’élaboration d’un guide qui présente « les acteurs du transport multimodal de marchandises en Ile-de-France » au service des JOP.
Pour Xavier-Yves Valère, chef de la mission fret et logistique à la DGITM, autre intervenant de la première table-ronde, les JOP « vont créer deux bouleversements auxquels il faut se préparer : un choc de la demande avec certains acteurs qui vont faire plus d’affaires et d’autres moins, un choc en lien avec la réglementation d’exception. L’une des responsabilités de l’Etat est de donner de la visibilité sur ce deuxième aspect, en prenant en compte que d’autres mesures vont s’ajouter au niveau local ». Pour lui, « chaque acteur, public et privé, doit jouer son rôle, et le cadre de Lud+ est intéressant pour cela ».
Une liste de questions en suspens
C’est une longue liste de questions et de sujets que permettent d’établir les échanges lors des tables-rondes avec des représentants des différentes fédérations professionnelles soit OTRE (organisation des transporteurs routiers européens) FNTR (fédération nationale des transports routiers), CGF (confédération des grossistes de France) CGAD (confédération générale de l’alimentation en détail), FCD (fédération du commerce et de la distribution) :
- « On pourra produire, la difficulté sera d’être livré et de livrer nos clients ».
- « Les fournisseurs sont partout en France pas seulement en Ile-de-France. D’un point de vue logistique, c’est un sujet national pas seulement francilien ou parisien ».
- La réussite des Jeux, « c’est aussi faire que l’économie fonctionne » : les commerces doivent être livrés, auront sans doute besoin de services autres que pour produire ou vendre (dépannage…).
- « C’est maintenir les activités autres que celles autour du sport » même s’il faudra sans doute faire des choix en matière d’organisation d’événements autres qu’en lien avec les JOP.
- Faire que les habitants vivent, s’approvisionnent, circulent eux aussi, sachant que les Jeux Paralympiques se déroulent début septembre, soit au moment de la rentrée.
- Les Jeux signifient des consommateurs, des visiteurs (par exemple 600000 pour la cérémonie d'ouverture sur la Seine), des touristes (13 millions, un nombre similaire à une année ordinaire) , 15000 athlètes, 20000 journalistes... et tous les besoins correspondants.
- Le constat du manque d’espace logistique et de zone de stockage suffisant dans Paris ; les entrepôts sont en Ile-de-France.
- Les JOP ont lieu lors de la période la plus forte des déménagements de particuliers, d’entreprises : tout ne pourra pas être anticipé ni différé.
- Le stationnement : mettre en place un système de réservation dans Paris comme cela se pratique dans certaines communes limitrophes, mais aussi simplement penser à laisser de l’espace disponible pour stationner et livrer.
- Quel système de contrôle des accès, badge à demander en ligne, un registre des conducteurs, une plate-forme…
- Des besoins de recrutement et de salariés disponibles alors que c’est la période de congés payés d’été.
- Quels itinéraires alternatifs possibles aux 185 km de voies réservées ? Circuler le long de la Seine sera-t-il possible (voies sur berge).
- Changer les fréquences et les rythmes des livraisons, aménager les horaires de livraison (actuellement surtout le matin, parfois la nuit).
- Livraison la nuit en empruntant les voies réservées quand elles sont libres d’accès pour tous (entre minuit et 6h) ? Encore faut-il avoir les salariés pour réceptionner. Et attention à la nuisance sonore pour les riverains, utiliser des véhicules « silencieux » (biométhane, électricité…).
- Stocker davantage pour réduire les fréquences de livraison est-ce possible ? Pas pour tous les commerces.
- La problématique des allers-retours à Rungis des commerçants, à confier plutôt aux grossistes ?
- Optimiser les chargements dans les véhicules.
- Mutualisation : plutôt pour la logistique retour (palettes…). Les discussions entre les acteurs de la grande distribution portent actuellement sur ce sujet-là.
- Numérisation, digitalisation pour mieux évaluer, suivre les flux et les optimiser.
- Des textes réglementaires clairs, simples, partagés pour que les acteurs économiques puissent anticiper les mesures « car il est difficile pour des entreprises de s’adapter du jour au lendemain », sachant que le TRM est majoritairement composé de PME : « penser à des solutions adaptées à ce type de structures ».
- Un calendrier clair et une géographie précise des événements et des épreuves sportives.
- Attention aux surcoûts possibles pour les entreprises, à la baisse de leur performance.
Ville de Paris et Métropole du Grand Paris, aussi mobilisées
« La Ville de Paris est partie prenante de l’organisation des Jeux et pour maintenir les activités, a indiqué Yasmina Channaoui, chef de projet mobilités. Nous envisageons de réorganiser l’espace public selon les besoins et les impératifs. Actuellement, nous sommes dans le temps de l’échange avec les différents acteurs, par exemple, nous avons organisé une réunion mi-janvier 2023 avec les fédérations professionnelles des commerçants. Nous apporterons des réponses à partir de juin. Nous travaillons sur les besoins en foncier : cour d’école, micro-hub logistique… »
La Métropole du Grand Paris va organiser une première réunion le 13 mars 2023 sur « la logistique du quotidien des JOP 2024 », a annoncé Jean-Michel Genestier, élu métropolitain et maire du Raincy. L’objectif est de rassembler un grand nombre d’acteurs du transport et de la logistique et leurs fédérations, des chargeurs, des représentants des collectivités, des filières économiques, des établissements publics, de l’Etat « pour entendre et répondre aux questions et aux inquiétudes pour ce qui relève de la métropole ».