JO 2024 : l’inquiétude de la filière céréales face à la décision d’interdire la navigation fluviale dans Paris

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Intercéréales, interprofession du secteur céréalier, alerte sur les conséquences de la mesure annoncée par la préfecture de Paris d’interrompre le transport fluvial sur la Seine dans la capitale avant la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques 2024. Elle présente des propositions pour permettre le passage des bateaux et demande des précisions sur les autres mesures.

Une première restriction forte. « Nous avons participé à plusieurs réunions de travail organisées par la préfecture de Paris où nous avons essayé d’exprimer nos priorités et parmi celles-ci la nécessité du transport fluvial de céréales par la Seine pendant la période estivale au moment des Jeux Olympiques de Paris en 2024. Nous sommes aujourd’hui face au mur de la décision d’interrompre la navigation fluviale sur la Seine dans Paris pendant au moins 7 jours avant la cérémonie d’ouverture. C’est une première restriction forte », précise Jean-François Lépy, membre du bureau et référent logistique d’Intercéréales, l'interprofession du secteur céréalier (voir encadré).

Ce que cela signifie. Interdire la navigation sur la Seine dans Paris revient tout simplement à empêcher les bateaux de relier la Seine amont à la Seine aval (dans un sens comme dans l'autre) : il n’y a pas d’itinéraire alternatif. Les canaux de Paris seront eux aussi fermés à la navigation. D’autre part, le bras de Saint Denis sera également fermé (à cause de sa proximité avec le Village olympique où logent les athlètes) et la solution par le bras secondaire de Gennevilliers, s’il permet de desservir par exemple Bonneuil-sur-Marne, n’offre pas de solution pour relier les deux parties du fleuve.

D’autres mesures restrictives. « Pendant les Jeux eux-mêmes, d’autres mesures de restriction sont prévues qui ne sont pas encore complètement précises. Il y aurait des fermetures de la Seine entre 2h et 11h du matin tous les jours mais aussi des journées complètes de fermeture lors de certaines épreuves prévues dans le fleuve », ajoute ce responsable,

Les épreuves olympiques de natation en eau libre et de triathlon sont en effet prévues dans la Seine (si la qualité de l’eau le permet, ce qui n’a pas vraiment été le cas lors des répétitions l’été 2023).

Pas de solution alternative au fluvial. « Les perturbations vont être très fortes et nous voulons alerter sur le fait qu’en juillet et en août de chaque année, ce sont 600 000 tonnes de céréales qui passent par la Seine dans Paris depuis l’amont jusqu’à Rouen et les bateaux font aussi le trajet retour. C’est la période de dégagement de la moisson, les produits ont besoin de circuler à ce moment-là. Et le transport fluvial est indispensable car aucun report n’est possible : le ferroviaire n’est pas pertinent sur l’itinéraire avec la traversée de la région parisienne, la route est déjà saturée et les coûts supplémentaires seraient faramineux », poursuit Jean-François Lépy.

Les chiffres. Intercéréales a effectué un « macro-chiffrage » et évalue à 500 millions d’euros le surcoût possible pour toute la profession agricole sur l’ensemble de la chaîne économique en cas de retard, d’attente de livraison, de stockage supplémentaire…

En 2023, la même semaine de juillet que celle au cours de laquelle la navigation fluviale sera interdite en 2024, ce sont 204 000 tonnes de marchandises qui ont été enregistrés à l'écluse de Suresnes (la « porte fluviale » sur cette partie de la Seine) avec le passage de 432 bateaux.

En juillet et août, ce sont 600 000 tonnes de céréales qui passent sur la Seine dans Paris sur un total de 3 millions de tonnes.

Un équilibre à trouver entre sécurité/sûreté et activité économique

« Nous comprenons bien évidemment la volonté de faire en sorte que les Jeux olympiques se passent dans les meilleures conditions possibles mais il faut aussi trouver un équilibre entre la sécurité/sûreté et les besoins des filières économiques comme la nôtre », ajoute le référent logistique d’Intercéréales.

Cette interprofession a présenté des propositions à la préfecture comme des contrôles des bateaux et des chargements en amont et en aval, un système d’autorisations de passage... qui n’ont pas retenu l’attention des autorités.

7 jours au moins. Pour le moment, selon un artisan-batelier, la préfecture n’a même pas clairement expliqué les raisons de décision d’interrompre la navigation fluviale dans Paris pendant au moins 7 jours avant la cérémonie. Il semble qu’il ne s’agit pas seulement de permettre des répétitions de cette cérémonie ni des installations diverses mais d’abord et avant tout une mesure de sécurité/sûreté de faire le vide y compris sur la Seine dans Paris pour éviter tout acte de terrorisme ou de perturbation quelconque à partir d’un bateau. Il reste par ailleurs une incertitude sur le nombre de jours, pour le moment, « 7 jours au moins » ont été annoncés.

La profession fluviale va devoir se battre pour des compensations face à ces mesures imposées par l’Etat et qui vont freiner ses activités sur une période commençant avant les JO et la cérémonie d’ouverture (prévue le 26 juillet 2024) et courant jusqu’au 2 septembre, date de fin des Jeux paralympiques.

On est bien loin des affirmations rassurantes du premier trimestre 2023.

Quelles sont les demandes de l’interprofession ? Pour la période de 7 jours de fermeture avant la cérémonie d’ouverture, Intercéréales souhaite obtenir la possibilité d’un passage des bateaux « même en mode dégradé ». Les bateaux pourraient naviguer en convoi, après avoir été contrôlés en amont et en aval (selon le sens de leur trajet) par exemple. La navigation la nuit pourrait être une option à envisager.

« Il est possible de mettre en place un système de contrôle en amont et en aval permettant le passage des bateaux même en mode dégradé pour amoindrir le surcoût. C’est cela que nous essayons de faire avancer », dit Jean-François Lépy

Des zones d’ombre à lever. L’interprofession a aussi besoin de faire préciser les mesures annoncées : 

  • « Les jours et les créneaux horaires où la navigation sur la Seine sera possible, nous avons besoin de savoir comment cela va fonctionner : comment on peut organiser le passage des bateaux dans Paris en toute sécurité, en leur permettant de faire les trajets dans les deux sens ».
  • « Il faut aussi bien coordonner avec la préfecture la mise en place de zones d’attente permettant de faire les contrôles de sécurité sur les bateaux en amont et en aval pour améliorer la fluidité quand la navigation est possible ».

Le témoignage d’une coopérative agricole

Axéréal est une coopérative agricole et agroalimentaire française comptant 12 700 agriculteurs répartis sur une zone « centre » allant du sud de Paris au nord de l’Auvergne et témoigne des difficultés à venir.

« Comme beaucoup d’acteurs de l’approvisionnement en grains, Axéréal serait très pénalisé si durant les JO 2024 la circulation fluviale aux abords notamment de ses silos embranchés « fluvial » était suspendue. Il est fondamental que nos clients agroalimentaires, acteurs stratégiques dans ces zones, puissent correctement être livrés en grains. A titre d’exemple et en comparaison à une année classique, 12 bateaux pourraient être nécessaires à notre niveau à cette période.

Le transfert vers une logistique route, en supposant qu’elle soit autorisée ce qui n’est pas garanti à ce stade, se traduirait par des coûts de transfert de grains inter-silos très onéreux, et irait à l’inverse des efforts de réduction de l’empreinte carbone initiés par nos filières, dans un contexte de durabilité pourtant revendiqué par ces Jeux.

Le groupe Axéréal est donc totalement en phase avec les attentes du secteur pour que les Jeux ne paralysent pas l’activité économique et permettent, quitte à s’adapter, un approvisionnement des transformateurs de grains de premier plan dans un secteur devant rester prioritaire ».

 

Qu'est-ce qu'Intercéréales ?

lntercéréales, association privée à but non lucratif, est l’interprofession représentative des céréales (alpiste, amarante, avoine, blé dur et tendre, chia, épeautre, maïs, méteil, millet, orge, quinoa, riz, sarrasin, seigle, sorgho, tritical, tritordeum).

Créée à l’initiative des organisations professionnelles du secteur céréalier, elle réunit tous les acteurs économiques de la filière : la production, la collecte /commercialisation et les acteurs de la première transformation. C’est un lieu d’échange entre ces organisations qui œuvrent ensemble à développer les filières céréalières sur le territoire, à valoriser le savoir-faire français et la qualité des productions et des produits céréaliers à l’international, à défendre leurs intérêts.

 

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