Inquiétude autour de la mise en œuvre de la stratégie nationale ferroviaire

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La « journée du fret ferroviaire » a été organisée à Paris le 23 novembre 2022 par Objectif OFP.

Les réactions d’inquiétude au sujet des moyens mis à disposition de la stratégie nationale ferroviaire ont dominé les échanges lors de la « journée du fret ferroviaire », organisée à Paris le 23 novembre 2022 par Objectif OFP. Cette stratégie a pour objectif de doubler en dix ans la part modale du ferroviaire.

Les pouvoirs publics ont-il pris des mesures répondant au défi que constitue l’augmentation de la part modale du ferroviaire ? Non, selon le sénateur du Doubs Jean-François Longeot, président de la commission du développement durable et de l’aménagement du Sénat : « Dans le contrat d’objectif et de performance, il va manquer 1,3 milliard d’euros, alors que l’ambition de doubler la part modale du fer figure dans la loi climat et résilience. Il faut se dépêcher de mettre les camions sur les trains, comme le font l’Allemagne et la Suisse, sinon la France va devenir le mauvais élève de l’Europe ».

Olivier Salesse, directeur ferroviaire de l’Autorité de régulation des transports (ART), a lui aussi la dent dure contre le contrat d’objectif et de performance (COP, signé entre l’État et SNCF Réseau au printemps 2022 et courant jusqu’en 2030, NDLR) au sujet duquel l’ART a rendu son avis en début d’année. « Il ne s’agit pas d’une feuille de route industrielle, estime-t-il. Le but est le retour à l’équilibre financier du gestionnaire du réseau. Il faut que la mise à jour, en 2024, ajoute à ce nécessaire volet financier un volet industriel pour expliquer comment on arrive au doublement et comment on mesure la performance ».

La stratégie nationale pour le développement du fret ferroviairedévoilée par le gouvernement en septembre 2021, comprend un ensemble de 72 mesures avec l’objectif de faire passer de 9 % à 18 % d’ici 2030 la part modale du fer. Le rail transportait plus de la moitié des marchandises il y a un siècle, et encore 15 % au début des années 2000. Certaines régions les plus industrielles, comme les Hauts-de-France, sont encore au-dessus de ce pourcentage. « Le Grand Est, avec 18 % de part modale pour le fer, concentre à lui seul 20 % du fret ferroviaire national », rappelle le président de la région, Jean Rottner, par ailleurs président de la commission transport des Régions de France, qui estime que « l’État doit renforcer le dispositif d’aide à la pince, aujourd’hui encore trop encadré et limité dans son montant ».

Frémissement de la part modale à 10,7 %

Frémissement : le mot était sur toutes les lèvres à la journée du fret ferroviaire d’Objectif OFP. Quel frémissement ? Celui de l’augmentation de la part modale du fer, qui a atteint 10,7 % en 2021. « Cette hausse de la part du fer vient-elle des décisions prises, ou de la crise Covid ? », s’interroge cependant François Grivot, président de la CPME. Le représentant des entreprises de moins de 250 salariés estime que ses adhérents sont « confrontés au mille-feuille territorial dès qu’ils veulent aller vers un OFP ou vers un capillaire » et dénonce par ailleurs des implantations logistiques loin des voies ferrées et l’absence de guichet unique pour le fret ferroviaire.

Pour François Meyer, directeur logistique d’Eqiom et président de la commission ferroviaire de l’Association des utilisateurs de transport de fret (AUTF), le recours accru à l’utilisation du rail vient aussi d’une meilleure qualité de service : « Depuis deux ans, le taux de réalisation est passé de 75 % à 90 ou 95 %. Ce sont des trains en plus, et donc des camions en moins ». Quoi qu’il en soit, les conditions pour une « décarbonation » des transports ne sont pas réunies, selon François Grivot , qui la juge « impossible » d’ici 2030. Pour lui, la crise climatique représente « un problème, mais pas une urgence telle qu’il faudrait faire immédiatement des choix qui pourraient ne pas être les bons ».

Une analyse que ne partage pas Jean-François Lagane, de Nestlé Waters, vice-président de la commission ferroviaire de l’AUTF : « Il y a urgence. Il y a une volonté des chargeurs de décarboner. Il faut y aller, et y aller fort ! » La logistique des eaux en bouteilles du groupe suisse a progressivement basculé sur le rail, avec aujourd’hui en France 1100 trains par an. Jean-François Lagane plaide pour la création de davantage d’OFP, et appelle à trouver du fret retour pour remplir les trains dans les deux sens.

Huile de colza et hydrogène

Si la « décarbonation » du fret peut passer par le rail, la « décarbonation » du rail passe par des carburants alternatifs car les voies des premiers et derniers kilomètres sont souvent dépourvues de caténaires et la traction s’y fait souvent avec des locomotives diesel. D’où le développement par Alstom d’une locomotive où une pile à hydrogène prend le relais de l’électricité du réseau. « Cela fait quatre ans que l’on travaille à un générateur à pile à combustible, sorte de sous-station mobile alimentée par de l’hydrogène contenue dans un conteneur de 20 pieds », explique Thierry Tournier, directeur de l’innovation d’Alstom. Une innovation qui s’appuie sur l’expérience acquise en Allemagne depuis 2018 dans les trains à passagers à hydrogène, mais qui doit s’adapter au surcroît de puissance requis par les trains de fret. Ceux de Nestlé Waters, en l’occurrence, qui participe à l’expérimentation.

Chez Europorte, c’est l’huile de colza qui a été choisie pour « décarboner » la traction ferroviaire, principalement pour des clients du secteur agricole. « Après 18 mois de fonctionnement, on a vu que l’huile de colza n’est pas à l’origine de pannes moteurs. Nous ne sommes plus dans l’expérimentation mais dans l’exploitation, et même dans le développement avec la recherche de nouveaux clients », explique Raphaël Doutrebente, président d’Europorte.

« Bouillonnement » du combiné ferroviaire

« Le combiné est la locomotive de la croissance du ferroviaire », constate Olivier Salesse, de l’ART. « Dans le combiné, on n’en est plus au frémissement mais au bouillonnement », renchérit Aurélien Barbé, délégué général du Groupement national du transport combiné (GNTC), chiffres à l’appui : en 2021, le rail-route a progressé de 16,6 % par rapport à 2020 et représente désormais 39 % du volume total du fret ferroviaire national (voir article de NPI).

Les leviers à actionner par l’État et par SNCF Réseau sont encore nombreux pour amplifier le mouvement, selon le GNTC. Citons, entre autres : l’augmentation du nombre et de la qualité des sillons, la création de 15 nouveaux terminaux, la rénovation des terminaux existants et l’allongement des concessions pour permettre davantage d’investissement privé, le développement de l’expérimentation du 46 t, ou encore le soutien aux opérateurs via le prolongement de l’aide à la pince au-delà de 2024.

Sur ce dernier point, le ministre des transports Clément Beaune, qui intervenait en clôture de la journée du fret ferroviaire d'Objectif OFP, l’a rappelé : « Le gouvernement s’est engagé à prolonger les aides jusqu’à la fin du quinquennat, et à les renforcer lorsque cela est nécessaire, par exemple avec le financement du report modal par les certificats d’économie d’énergie ».

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