« Il faut remettre le fret ferroviaire au centre du transport de marchandises »

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La rencontre « fret ferroviaire du futur et OFP » a eu lieu le 28 novembre 2023 et abordé de nombreuses thématiques dont les voies capillaires fret, le rôle des régions, l’utilisation des CEE ou encore qu’en est-il des objectifs de doublement de la part modale… La matinée a aussi été marquée par la venue du ministre des Transports Clément Beaune qui a insisté sur le rôle de fret ferroviaire pour atteindre les objectifs de décarbonation du secteur des transports.

« Les régions ont la volonté d’articuler l’ensemble des mobilités et des différents modes, il n’y a pas d’opposition », selon Jean-Luc Gibelin, vice-président de la commission mobilités de Régions de France, également vice-président de la région Occitanie, intervenant lors d’une table ronde de la matinée « fret ferroviaire du futur et OFP » le 28 novembre 2023. Concernant plus particulièrement le ferroviaire, selon lui, « il y a un travail intelligent mené entre les différentes régions et SNCF Réseau pour les sillons et les travaux pour trouver des solutions pour le transport de voyageurs et de fret ».

Pour lui, une majorité des « protocoles relatifs au volet mobilités 2023-2027 » des contrats de plan Etat-Région (CPER) pourrait être signée au cours du premier trimestre 2024 plutôt que d’ici la fin de l’année 2023. Tous devraient comprendre un volet « fret ». « Après il faudra voir comment tout se concrétise, les engagements et les projets », citant plus particulièrement ceux concernant les chantiers de transport combiné, les ports et l’intermodalité.

Pour Paul Mazataud, directeur de programme fret ferroviaire chez SNCF Réseau, « les informations sur le contenu des volets mobilités des CPER laissent présager une ambition assez forte. Nous anticipons des financements pour la régénération d’une quarantaine de voies capillaires fret sur un total d’environ 140 qui sont actives, soit à peu près un tiers, c’est beaucoup. Le montant serait de l’ordre de 500 millions d’euros jusqu’en 2027, soit à peu près 100 millions d’euros par an. C’est un chiffre record assez comparable à celui qu’on a eu en 2021 et 2022 et très supérieur aux 30 millions d’euros par an qu’on avait dans les années 2010. Les années qui viennent seraient ainsi assez ambitieuses en matière de régénération des voies capillaires fret ».

Deux analyses pour les voies capillaires fret

Le sujet des voies capillaires fret a été abordé lors de la matinée par deux intervenants pour deux analyses différentes.

Du côté de SNCF Réseau. Paul Mazataud a assuré de la volonté de SNCF Réseau, en consensus avec les autres parties prenantes, de « maintenir en exploitation tous les capillaires fret qui donnent lieu à des circulations à quelques exceptions près et quelques ouvertures par ci par là ».

Du côté d’un opérateur. Olivier Deprez, directeur du développement infrastructure d’Europorte, a rappelé « la fermeture de 833 km de voies capillaires fret depuis 2018, c’est inquiétant ».

Selon ce responsable : « On est toujours dans un cercle vicieux pour ces lignes à l’infrastructure vétuste avec peu de trafics, donc peu de redevances et un manque de financements, une maintenance limitée au minimum voire moins, une dégradation des conditions de circulation qui se poursuit entraînant les trafics à la baisse et à la fermeture ».

Il a regretté le peu de recours à des contrats de gestionnaire d’infrastructure conventionné (GIC) qu’il voit comme « une solution pour régénérer les capillaires ». Il a donné en exemple la ligne capillaire de Mezy à Artonges de 17km et connaissant un trafic de 110 000 tonnes avec un céréalier embranché et un atelier de maintenance. Le risque de suspension d’exploitation date de 2022, la convention a été signée en décembre 2022, la ligne sera transférée au premier trimestre 2024. Les montants investis en termes de Capex sont de 4 millions d’euros (34% Etat, 50% région, 5% industriel, 11% SNCF Réseau) et d’Opex de 3,4 millions d’euros (22% industriel, 78% SNCF Réseau).

Autre exemple : la fermeture d’une ligne capillaire entre Grande Synthe et Leffrinckoucke pour laquelle une solution ferroviaire a été trouvée en passant par le port de Dunkerque puis les derniers kilomètre en poids lourds. Mais une telle solution en recourant toujours au rail n’est pas toujours possible.

Pascal Mazataud a reconnu la nécessité d’améliorer « les bonnes pratiques autour des GIC » tout en estimant que « le déclin des capillaires fret a cessé. Il y a une vraie inflexion tout de même depuis 2021 ».

Les deux intervenants ont partagé le même constat : aujourd’hui, la gestion des capillaires relève essentiellement des délégations régionales de SCNF Réseau, retrouver un niveau national serait bénéfique pour un meilleur partage des informations et innovations.

Un exemple d’utilisation de CEE

Danone a fait part du lancement d’un nouveau flux ferroviaire à partir de janvier 2024 qui répond à une volonté de « décarbonation » d’un de ses clients mais aussi à des soucis de livraison par le mode routier en 2022. Un coupon de wagons va être livré une fois par semaine à ce client qui va en profiter pour revoir sa gestion de stock.

Avec ce client, Danone a conduit un travail d’évangélisation, en quelque sorte, sur la pertinence de la solution ferroviaire. Sachant que se lancer dans l’utilisation du fret ferroviaire n’est pas simple pour des entreprises qui ne l’ont jamais pratiqué, a relevé Yves Antoine, directeur global logistics procurement d'Arkema, pour lequel les grands chargeurs habitués au fret ferroviaire ont un rôle à jouer pour entraîner des PME vers ce mode. 

Danone a indiqué avoir saisi l’opportunité d’utiliser les certificats d’économie d’énergie (CEE, fiche TRA 116) fin 2022. « C’est un flux en report de la route au rail, a expliqué Simon Peres, Primary Logistic Procurement manager de Danone. On a intégré la fiche CEE dans notre business model et cela a permis d’aller chercher une économie entre 10 et 13% du coût du transport et de lancer le flux tout au long de 2023. Nous allons renouveler en 2024 ».

Qu'en est-il de la hausse de la part modale du fret ferroviaire ?

D’ici 2030, l’objectif est de multiplier par deux la part modale du fret ferroviaire, c’est-à-dire de la faire atteindre 18%, et par trois celle du transport combiné.

« On n’y est pas, a dit Olivier Salesse, directeur ferroviaire à l’ART. Deux facteurs clés doivent être mis en œuvre : les investissements dans les infrastructures et les actions pour améliorer la qualité de service. Il y a des signaux positifs en termes d’investissements mais il faut aller plus loin et donner une visibilité sur 10 ans. Pour le développement du transport combiné, il faut avancer sur les plates-formes ».

La stratégie nationale du fret ferroviaire qui compte 72 mesures a permis des avancées, un peu plus de deux ans après sa signature, principalement sur les actions à mettre en œuvre rapidement comme les hausses sur les aides à l’exploitation, selon Vincent Ferstler, chef du bureau rret ferroviaire et transport combiné à DGITM. Il a ajouté qu’il reste toutes les mesures de long terme sur lesquelles les travaux avancent : schéma directeur pour le transport combiné, autoroute ferroviaire…

Il a estimé qu’une révision de cette stratégie n’était pas nécessaire à ce stade, mieux vaut continuer à avancer sur les mesures encore non mises en place. Un avis partagé par Florence Rodet, secrétaire générale de l’Alliance 4F.

Les mots du ministre des Transports

Pour Clément Beaune, ministre des Transports, qui est venu en fin de matinée délivré son message (et non pas par vidéo interposée), la multiplication par deux de la part modale du fret ferroviaire d’ici 2030 reste la priorité : « Il faut garder le cap, c’est une nécessité absolue, le transport de marchandises doit contribuer à la décarbonation des activités de la France. Il faut remettre le fret ferroviaire au centre du transport de marchandises ».

Confiance en l’avenir. Après toutes les difficultés depuis la fin 2022 et au cours du premier semestre 2023 pour la filière qu’ont été les mouvements sociaux et la hausse de l’électricité puis l’interruption du trafic ferroviaire entre la France et l’Italie avec l’éboulement en vallée de Maurienne en septembre, le ministre veut croire en un rebond en 2024 : « Je crois à un retour de la croissance en 2024 après la progression enregistrée en 2021 et 2022 qui a porté la part modale à 11%. Beaucoup de projets émergent, dont je vois arriver certains sur mon bureau, il y a une envie de fret ferroviaire parmi les entreprises ».

Des aides confirmées. Il a rappelé le soutien apporté par l’Etat à la filière :

  • dans le cadre du Plan de relance (250 millions d’euros),
  • avec les aides à l’exploitation qui à partir de 2025 vont être augmentées (passant de 170 millions d’euros à 200 millions d’euros) et prolongées jusqu’en 2030. Le total des aides de 2025 à 2030 va atteindre 330 millions par an,
  • avec les investissements dans les infrastructures « scandaleusement vétustes », a relevé le ministre. « L’Etat sera au rendez-vous avec les collectivités » dans le cadre des volets mobilités des CPER 2023-2027, citant les deux tout juste signés. « Il y a des engagements forts pour le fret ferroviaire dans les CPER ».

Il a aussi rappelé les travaux pour les gares de triage de Miramas, Wappy, Bourget et Sibelin.

Il a indiqué porter la demande de loi de programmation pluriannuelle mais sans encore de résultat et a répondu qu’il était « ouvert à travailler sur un aspect réglementaire » pour une éventuelle obligation de prévoir le rail quand des plate-forme logistiques se créent.

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