Guy Erat : « Les basses eaux ne porteront pas préjudice au fluvial »

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Guy Erat, directeur général de Danser France, présente l’activité de cette filiale française de l’armement néerlandais. Il revient sur le phénomène des basses eaux sur le Rhin depuis juillet 2018, sur les solutions mises en place pour lutter contre la congestion dans les ports d’Anvers et de Rotterdam, sur l’évolution de la gouvernance des ports intérieurs français dans le Grand Est.

NPI : quelles sont les liaisons exploitées par Danser France ?

Guy Erat : Nous sommes actifs dans deux régions principales : l’Alsace et le Nord de la France. D’Ottmarsheim et Strasbourg, nous effectuons trois départs par semaine vers Anvers et Rotterdam. Dans le Nord, nous desservons Lille, Dourges et Halluin, avec un départ par jour à destination de Rotterdam et surtout d’Anvers. Nous avons aussi une activité en Belgique, avec trois à quatre trajets par semaine entre Mons et Anvers en partenariat avec la société de manutention Deschieter, ancienne filiale de la CFNR. À Lille, Strasbourg et Ottmarsheim, nous sommes présents en direct avec une équipe d’une vingtaine de personnes qui organise le transport fluvial, la manutention et le pré et post-acheminement routier avec des tractionnaires locaux. Au total, le groupe Danser a transporté 1,6 MEVP en 2017, ce qui en fait le deuxième opérateur européen. Danser France représente 20 à 25 % de l’activité du groupe : même si les volumes sont limités, 60 000 EVP pour le Nord et l’Est de la France et 20 000 EVP en Wallonie, ils sont transportés sur de longues distances.

NPI : de quelle flotte disposez-vous pour ces transports ?

Guy Erat : Sur le Rhin, nous disposons en propre de quatre convois, chacun constitué d’un automoteur et d’une barge pouvant transporter 350 EVP sur quatre hauteurs. Nous avons aussi des contrats d’affrètement à l’année sur le Rhin, dans le Nord de la France et en Wallonie. Enfin, nous avons recours à l’affrètement spot pour absorber les pics de trafic. Le groupe Danser travaille avec soixante bateaux en permanence, ce qui en fait une des plus grandes flottes d’Europe pour les conteneurs. Pour les transports sur le Rhin, Danser France réserve des capacités après de sa maison-mère qui gère la flotte. Cette organisation nous permet de faire passer des bateaux d’une ligne à l’autre selon l’activité ou le niveau d’eau du Rhin, avec des limites liées au gabarit des voies d’eau. Nous nous engageons aussi dans la mise à disposition de bateaux auprès de gros chargeurs, ou de terminaux à conteneurs pour le repositionnement des boîtes. Cela évacue pour nous le risque lié au remplissage du bateau, mais avec, en contrepartie, un moindre retour sur investissement. Dans le Nord de la France, l’organisation est différente puisqu’elle ne repose pas sur notre flotte propre, mais entièrement sur l’affrètement.

NPI : de quelle façon votre activité est-elle impactée par les basses eaux sur le Rhin ?

Guy Erat : Les basses eaux durent depuis juillet 2018 sur le Rhin, avec, depuis septembre, des conséquences très sévères sur notre activité. Nous restons prudent pour éviter tout échouement. En dessous de 80 cm à l’échelle de Kaub, située près de Coblence, il devient très difficile de naviguer et nous sommes déliés de nos obligations de transport. Or ce niveau a été atteint dès le mois d’août, nous obligeant à réduire de moitié le chargement des bateaux et posant des problèmes de sécurité et de fiabilité. Fin octobre, le niveau est descendu en dessous de 50 cm. Nous avons subi deux semaines d’interruption complète de la navigation, avec un chômage technique partiel pour nos équipes. Les précédents épisodes de basses eaux étaient de moindre durée. Et historiquement, les bateaux du Rhin étaient moins gros. Aujourd’hui, il nous faut 2,8 à 3 m pour charger à plein.

NPI : quelles solutions peuvent être apportées à ce phénomène des basses eaux ?

Guy Erat : La solution pourrait être l’aménagement du Rhin, avec des retenues d’eau au niveau du lac de Constance. La Commission centrale pour la navigation du Rhin va porter de tels projets, mais il faut savoir que cela posera d’énormes problèmes techniques et écologiques, et que les quantités d’eau qu’il faudrait stocker sont considérables. À l’avenir, il se pourrait que nous ayons davantage de basses eaux l’été et moins l’hiver, qui était habituellement la saison la plus problématique. Dans l’immédiat, nous essayons de proposer à nos clients des solutions alternatives, mais ce ne sera jamais à l’échelle des besoins : les slots que nous avons sur le train Kehl-Rotterdam ne suffisent pas. D’ailleurs, avec 3 MEVP transitant sur le Rhin chaque année, il est difficile de changer de mode du jour au lendemain. Le fer et la route n’ont pas la capacité d’absorber le trafic naviguant sur le fleuve, qui est d’ailleurs plus économique sur la longue distance. Chaque mode a ses inconvénients : les grèves pour le train, les bouchons et la pollution pour la route… Les basses eaux ne porteront pas préjudice au fluvial. Cela porte un rude coup aux opérateurs fluviaux, mais ce mode reste indispensable à nos clients, qui reviendront sur le fleuve dès que l’eau aura retrouvé un niveau normal. Nous l’avons vu en 2011 avec l’accident du Waldhof : dès que le Rhin a été rouvert à la navigation, les clients ont rapidement rebasculé vers la voie d’eau.

NPI : quel regard portez-vous sur les solutions apportées par les ports d’Anvers et de Rotterdam aux problèmes de congestion des terminaux maritimes ?

Guy Erat : La congestion des terminaux maritimes reste un sujet préoccupant pour nous. Nous participons aux groupes de travail mis en place, mais les choses avancent lentement. Nous avons dans nos contrats des surcharges de congestion pour les deux ports, mais cela ne compense pas les temps d’attente. À Rotterdam, tout a commencé il y a quelques semaines, avec la mise en place d’une grue dédiée au fluvial sur le terminal ECT. Mais cela occasionne un surcoût pour parvenir au terminal maritime. À Anvers, depuis fin octobre, quatre gros terminaux n’acceptent plus les bateaux se présentant avec moins de 20 mouvements à effectuer. Le seuil sera porté à 30 mouvements en décembre. Cette mesure est censée limiter la congestion, les petits lots de conteneurs étant massifiés sur un hub, puis rechargés sur une autre barge. Il est trop tôt pour dire si ce système va donner satisfaction. Pour les trafics rhénans cela ne devrait pas nous toucher, car il s’agit de gros bateaux avec de nombreux conteneurs pour chaque terminal. Mais pour nos lignes en provenance du Benelux ou du Nord de la France, nous utilisons des bateaux plus petits, ce qui nous oblige à faire passer une partie de nos flux via le hub de massification externe du port d’Anvers, situé à Gand. Le port d’Anvers subventionne ces hubs dans un premier temps. Nous espérons que, par la suite, le surcoût de manutention sera compensé par une meilleure exploitation et que nous n’aurons plus de retard de traitement, qui ont pu aller jusqu’à 48 heures. Nous sommes aussi déçus, car les terminaux avaient parlé de s’engager sur des fenêtres de rendez-vous pour les bateaux ayant plus de 20 mouvements, mais cette solution n’a pas été retenue.

NPI : l’évolution de la gouvernance des ports intérieurs français est-elle positive ?

Guy Erat : Il est important, pour que tous les opérateurs continuent à bénéficier d’une manutention correcte, que les ports maintiennent une certaine neutralité afin de ne pas favoriser l’un ou l’autre, comme c’est le cas dans certains ports privés allemands ou suisse, où nous n’allons plus escaler. Il y a le risque que les ports français soient trop liés à de grands groupes privés et perdent leur indépendance, aussi bien en ce qui concerne le traitement des barges que pour les dessertes possibles, un port maritime se trouvant privilégié par rapport à un autre. Nous avons fait acte de candidature pour la gestion du terminal du port de Mulhouse, comme nous l’avons déjà fait en partenariat pour les ports de Bâle ou de Bruxelles. Mais nous ne souhaitons pas nous engager dans la logistique, comme le voudrait l’autorité portuaire, car ce n’est pas notre métier. Nous ne sommes pas non plus candidats pour les ports de la Moselle, car ce n’est pas pour nous actuellement un axe prioritaire pour le développement des conteneurs fluviaux, en particulier à cause de la restriction à deux hauteurs de chargement.

Danser France, filiale française de l’armement néerlandais spécialisé dans les conteneurs, a été créée en 2013 avec le rachat par Danser de l’activité conteneurs de la Compagnie française de navigation rhénane (CFNR). Implanté aujourd’hui en Alsace et dans le Nord, Danser France transporte des conteneurs à destination d’Anvers et Rotterdam. Au total, le groupe Danser a transporté 1,6 MEVP en 2017, ce qui en fait le deuxième opérateur européen. Danser France représente 20 à 25 % de l’activité du groupe : même si les volumes sont limités, 60 000 EVP pour le Nord et l’Est de la France et 20 000 EVP en Wallonie, ils sont transportés sur de longues distances.

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