Fret ferroviaire : le plan de relance sur de bons rails ?

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Solène Garcin-Berson, la nouvelle déléguée générale de l’Association française du rail (AFRA) qui regroupe les opérateurs ferroviaires alternatifs à la SNCF, lors du colloque du 4 octobre 2023.

Crédit photo Etienne Berrier

Avenir des trafics effectués par Fret SNCF, investissements dans la régénération du réseau et effet de la baisse du péage sur l’augmentation des flux étaient au menu de la conférence annuelle de l’Association française du rail (AFRA).

La baisse du montant des péages ferroviaires permet-elle de faire augmenter le nombre de trains ? C’est la question qui a été débattue en ouverture du colloque de l’Association française du rail (AFRA), le 4 octobre 2023, après le discours d’introduction de Solène Garcin-Berson, la nouvelle déléguée générale de cette association qui regroupe les opérateurs ferroviaires alternatifs à la SNCF.

Un exemple italien. Le cabinet Sia Partners a mené pour l’AFRA une étude fondée sur l’exemple de l’Italie, où les péages ferroviaires ont été diminués de 40 % dans les années 2010, avec pour résultat un afflux de voyageurs vers les lignes à grande vitesse. D’où un nombre plus élevé de train et, à l’arrivée, davantage de recettes financières pour le gestionnaire italien des infrastructures ferroviaires.

Un exemple que Sia Partners propose d’appliquer à la France, où les péages sont parmi les plus élevés d’Europe. Mais avec une baisse de seulement 20 % puisque, contrairement à la situation italienne de référence, les trains à grande vitesse sont déjà abondamment fréquentés en France.

Un exemple transposable pour le fret ?

Un choix à faire. La question des péages, finalement, revient à se demander qui, de l’utilisateur du réseau ou du contribuable, doit supporter le coût d’aménagement et d’entretien des rails.

Pour le fret, le choix a été fait en France de ne pas faire payer aux compagnies ferroviaires l’entièreté des coûts fixes du gestionnaire d’infrastructure, comme c’est le cas pour les voyageurs, mais seulement les coûts imputables à la circulation de chaque train, soit environ 20 % des coûts fixes.

« Si on baisse les péages, il faudra faire des choix entre davantage d’investissement public et des fermetures de lignes », résume Olivier Salesse, de l’Autorité de régulation des transports, qui rappelle que 1,5 Md€ par an sont nécessaires pour régénérer et moderniser le réseau.

Des péages plus chers pour des sillons de qualité

Une éventuelle diminution des péages réglés à SNCF Réseau permettrait-elle aussi, en diminuant le coût du transport ferroviaire, de développer le trafic fret ?

Des conditions. La réponse est négative selon Alexandre Gallo, PDG de DB Cargo France et président de l’AFRA : « Le fret ferroviaire en France a un niveau de péage parmi les plus bas en Europe. Nous sommes même prêts à payer les péages un peu plus chers si on nous donne des sillons, de la vitesse et de la qualité de service. Cela passe par une meilleure infrastructure, une meilleure programmation et une meilleure attribution des sillons dans les horaires demandés. Mais les péages, pour le fret, ne sont pas un problème ».

Un repli des recettes de péages aurait même un effet néfaste, à l’heure où des fonds sont plus que jamais nécessaires pour la rénovation du réseau ferroviaire. « L’amélioration du réseau constitue un levier majeur pour le développement du fret ferroviaire », estime ainsi Solène Garcin-Berson, qui se « réjouit que 2023 ait enfin vu l’annonce d’un plan ambitieux pour le rail, avec des investissements très importants ».

Des investissements pour être au rendez-vous de 2030

Doubler la part modale. Les conditions seront-elles réunies pour parvenir au doublement de la part modale du ferroviaire pour le transport de marchandise, qui constitue l’objectif affiché pour 2030 par la profession comme par les pouvoirs publics ?

« L’objectif est tenable si on tient compte des investissements qui ont enfin été annoncés cette année », affirme Raphaël Doutrebente, président d’Europorte, qui préside aussi la commission fret de l’AFRA.

En février 2023, la Première Ministre Élisabeth Borne a en effet annoncé un plan doté de 100 Md€. « Cela ne concerne pas seulement la régénération du réseau, nuance Mathieu Chabanel, PDG de SNCF Réseau. Ce plan va cependant permettre de mettre fin à la détérioration du réseau, puis de le moderniser pour accroître sa performance. C’est le socle, sur lequel pourront se construire plusieurs axes de développement ».

La nouvelle priorité donnée au fret

Beaucoup de promesses. Ces axes de développement concernent notamment le fret. Le plan de relance, demandé et obtenu par l’Alliance 4F suite à la crise sanitaire, a été conforté en juillet par les annonces du ministre des transports Clément Beaune, avec à la clé davantage d’argent pour les capillaires fret et les triages. Les nouvelles lignes à grande vitesse vont aussi permettre de faire passer davantage de trains de marchandises sur le réseau classique.

« Aujourd’hui il y a beaucoup de promesses de financement, mais les annonces sont plutôt floues, tempère Alexandre Gallo. La régénération du réseau ne suffira pas. Il faut aussi améliorer la performance du gestionnaire d’infrastructure, qui s’est dégradée pour des raisons matérielles comme pour des raisons sociales, puisqu’un petit nombre de grévistes suffit à bloquer tout un axe. L’annonce des services expresses régionaux métropolitains est aussi un gros sujet d’inquiétude quant à la disponibilité des voies pour le fret, vu l’état des réseaux ferrés aux abords des grandes villes ».

La priorité, répond-on du côté de SNCF Réseau, n’est plus systématiquement donnée aux voyageurs, des travaux étant désormais programmés de jour comme sur le nord de la Bourgogne ou entre Orléans et Étampes. « Nous assumons de garder de la capacité pour le fret, car c’est le rôle d’un gestionnaire de réseau de trouver le bon point d’équilibre en matière d’allocation des sillons », affirme Mathieu Chabanel.

Quid des trafics de Fret SNCF ?

Responsabilités. La scission de Fret SNCF a aussi, naturellement, été au cœur des échanges lors de ce colloque de l’AFRA. Avec en alternative au remboursement des subventions versées par l’État, réclamé par la Commission européenne, la discontinuité de l’entité Fret SNCF, mise en avant par le gouvernement. « Beaucoup tiennent Fret SNCF pour responsable, mais il ne faut pas oublier les responsabilités politiques », pointe Raphaël Doutrebente, qui rappelle la possibilité de continuité pendant trois ans avec Fret SNCF, dans le cadre d’une sous-traitance, et ce afin de préserver les emplois.

Les trafics cédés par Fret SNCF vont-il intéresser les opérateurs alternatifs ? « Il faut être fier de ce qui a été fait pendant des années par Fret SNCF, qui a longtemps été la vache à lait de la SCNF », affirme Raphaël Doutrebente, qui prévient cependant : « Certains clients devront payer un peu plus cher. Chaque trafic, pris séparément, n’est pas forcément attractif pour un opérateur qui s’alignerait sur le prix précédent. Mais un trafic isolé s’il fait partie d’un contexte plus global pour le compte d’un gros client pourra être intéressant ».

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