E2F : une nouvelle fédération pour le renouveau du fluvial

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La conférence de presse organisée pour le lancement de E2F a apporté des précisions sur le contexte, les objectifs, les priorités d’action de cette nouvelle organisation professionnelle représentative de la navigation intérieure. De son côté, le ministère des transports a réagi à la mise en place de cette nouvelle fédération. La conférence de presse organisée le 5 novembre 2019 pour le lancement de E2F, sigle d’Entreprises fluviales de France, a apporté des précisions sur le contexte, les objectifs, les priorités d’action de cette nouvelle organisation professionnelle représentative de la navigation intérieure. Depuis le 1er novembre 2019, E2F réunit toutes les familles du transport fluvial : artisans-bateliers, armateurs, transporteurs de passagers, opérateurs en compte propre, croisiéristes, péniches-hôtels… Son fonctionnement interne repose sur 3 collèges : un collège fret artisans, un collège fret armateurs, un collège passagers, des commissions de travail sur différents thèmes (flottes industrielles, passagers, conteneurs, social, technique, verdissement), 5 délégations régionales (Nord, Seine-Loire, Est-international, Rhône-Bourgogne, Ouest) dont les membres éliront un délégué à leur tête. E2F compte aussi une commission paritaire sociale ainsi qu’un conseil d’administration.

Un contexte favorable mais sortir de la confidentialité

Lors de la conférence de presse, la création d’E2F s’inscrit dans un contexte favorable au fluvial, a expliqué Didier Leandri, président de la nouvelle fédération : « Il y a une ambition retrouvée du côté des pouvoirs publics pour les voies navigables ». Tout dernièrement, le premier ministre Edouard Philippe a mis en avant les atouts du mode (voir notre article). Il y a une croissance des trafics côté marchandises de +13 % en tonne par kilomètre et de +9 % en tonnage à la fin août 2019 par rapport à fin août 2018. Ce sont les trafics nationaux–comprenant ceux vers les ports maritimes- qui progressent alors que les internationaux sont à la peine. Le transport de passagers n’est pas en reste avec 11 millions de personnes transportées, même si la croissance est moindre en 2019 qu’en 2018 pour le secteur du tourisme fluvial qui avait alors battu des records après une période plus difficile suite aux attentats. Il y a des perspectives de développement avec des grands projets d’infrastructures -et donc des transports de déblais et de matériaux- Grand Paris Express, Seine-Nord Europe-Seine-Escaut, les Jeux olympiques de 2024… Il y a la nécessaire transition écologique et énergétique où le fluvial présente de bonnes performances en termes d’émissions de CO2, 3 à 4 fois inférieures à celles du transport routier de marchandises même s’il faut aller plus loin.

Ce contexte positif n’empêche pas qu’il est « nécessaire de sortir le fluvial d’une certaine forme de confidentialité dans lequel il se trouve » et telle est bien l’une des ambitions de E2F, tout en étant au plus près des membres, des territoires, des acteurs de la filière et de l’ensemble de la chaîne de valeurs. E2F « définira et mettra en œuvre une politique globale apportant visibilité et cohérence à un secteur souvent perçu jusque-là comme isolé et morcelé, pour qu’il puisse se faire davantage entendre et se développer. La fédération assurera la défense des intérêts des transporteurs dans leur diversité, et portera une voix forte et unique dans les instances professionnelles et auprès des pouvoirs publics locaux, nationaux et européens ».

Travailler tous ensemble

Pour Pascal Girardet, de Sogestran-CFT, président du collège fret armateurs, la création d’E2F « marque une évolution et un rapprochement inéluctable et nécessaire entre le monde industriel et le monde artisanal entre lesquels la différence devient de moins en moins réelle. Des problématiques communes sont apparues sur lesquelles nous travaillons déjà ensemble ».

Il a rappelé que les opérateurs travaillent dans le même espace européen de voies navigables avec des règles définies par l’Union européenne. « C’est en partant des besoins et des attentes du marché que la règlementation doit évoluer si l’on souhaite qu’elle soit comprise et respectée et utilisée à des fins de développement. Ici, le rôle des institutions est crucial, d’autant plus à la veille de l’ouverture du canal Seine-Nord Europe et de la concurrence des pays voisins ». Pour lui, le canal Seine-Nord Europe constitue un challenge sur lequel il faut travailler pour que sa mise en service « ne se fasse pas au détriment de notre flotte ». Il faut, par exemple, mener une réflexion sur les règles sociales françaises par rapport à celles qui s’appliquent sur le Rhin ou à l’international. « Il s’agit de trouver un milieu équilibré entre les règles rhénanes et françaises ».

Un autre axe de travail porte sur « l’évolution majeure des carburants. Le GNR est en bout de course. Il faut trouver les bonnes solutions et les bonnes énergies d’avenir ». A court terme, il y a le Gas to Liquid (GTL), pourquoi pas l’Oleo 100, qui tous les deux n’entraînent pas de transformation de motorisation à bord. A plus long terme, il y a les solutions électriques, navigation sur batterie ou pile à combustible et hydrogène, branchement à terre pour couper les groupes électrogènes. « Nous devons y travailler tous ensemble car chacun seul, nous n’y parviendrons pas. Pour cela, nous avons aussi besoin de chantiers navals, d’aides publiques ».

Engagements pour la croissance verte

Pascal Rottiers, de Fluviatrans, co-président du collège fret artisans avec Pierre Dubourg, de la SARL Fluviale Saône, a rappelé les performances environnementales et sociétales du transport fluvial en matière d’émission de CO2, un atout aussi bien pour les activités marchandises que passagers, ainsi que l’absence de saturation des infrastructures fluviales. « Il faut faire connaître ces réalités auprès des chargeurs du fret et des clients du tourisme pour pousser au maximum notre avantage concurrentiel. Mais il faut aussi évoluer et s’inscrire dans une trajectoire de verdissement de la flotte en bâtissant un cadre réglementaire et en obtenant des incitations financières ». Pour E2F, c’est le sens des engagements pour la croissance verte (ECV) qui devraient être signés pour le secteur fluvial au début de l’année 2020 (voir encadré). Ces ECV détaillent les mesures à mettre en œuvre pour accompagner les transitions énergétique et écologique du secteur et sont signés entre les représentants des professionnels et l’Etat.

En déclinaison de ces ECV, E2F prévoit de mettre en place courant 2020 une « charte d’engagement » pour les opérateurs et « un label » dont l’objectif est de donner de la visibilité au fluvial et à ses entreprises qui s’engagent dans des améliorations en lien avec le développement durable, les transitions écologiques et énergétiques.

« Nous souhaitons aussi être actif sur tout ce qui concerne le réseau fluvial pour qu’il soit efficace et maintenu pour toutes les activités dans un contexte de rareté des finances publiques et des arbitrages du projet de loi de finances, a indiqué Pascal Rottiers. Nous sommes totalement en opposition avec l’idée d’une dénavigation de 20 % du réseau émise par le conseil d’orientation des infrastructures. Sur ce sujet, le président de VNF, Laurent Hénard, a fait part de son opposition lors de son audition au Sénat ».

E2F participera à la période de concertation qui va s’ouvrir concernant le contrat d’objectif et de performance (COP) entre VNF et l’Etat, qui doit fixer pour 5 ans la trajectoire financière de l’établissement et ses priorités. « Nous veillerons à une trajectoire ambitieuse et au maintien du réseau ». Les partenaires économiques doivent être impliqué dans le COP et son contenu.

Attirer les talents

Frédérie Avierinos, Vedettes de Paris, président du collège passagers, a souligné que le tourisme fluvial est un outil de développement des territoires avec une offre très diversifiée, promenade, péniche-hôtel, croisière… Ce qui signifie des emplois non délocalisables et de nombreux emplois induits. « Il faut promouvoir les activités fluviales dans leur ensemble : le fret, y compris la logistique urbaine, le tourisme qui est lui aussi assez méconnu. Le renouveau du transport fluvial dépendra de sa cohésion et de sa capacité à exprimer d’une même voix une exigence forte pour répondre aux aspirations des citoyens en faveur d’un transport durable et d’un tourisme soutenable au service de notre économie ».

Pour E2F, un axe de travail concerne ici les qualifications professionnelles, comment attirer des talents, garantir les parcours professionnels, favoriser l’évolution des carrières. De trois conventions collectives pour la navigation intérieure –une pour les passagers, une pour les sédentaires fret, une pour les navigants fret- un travail est en cours pour les rassembler en une seule d’ici juin 2020.

Concernant le projet d’interprofession sur lequel le préfet François Philizot conduit une mission qui lui a été confiée par la ministre Elisabeth Borne depuis juin 2018 : « Nous souhaitons nous concentrer sur la nouvelle structure E2F pour laquelle nous avons un programme à trois ans, a précisé Didier Leandri. Nous souhaitons prendre du champ par rapport au projet d’interprofession qui avait sa logique lors du lancement de la mission mais depuis la situation a évolué. Nous avons toutefois toujours l’idée partagée de travailler avec tous les acteurs de l’écosystème fluvial ». (voir aussi notre article)


Le secrétaire d’Etat chargé des transports a réagi à la création d’E2F, saluant « de nouvelles ambitions pour le transport fluvial français »

Le communiqué souligne : « Accueillant en son sein un collège dédié aux artisans-bateliers, la fédération offre aux entreprises de la batellerie artisanale, dépourvues d’organe de représentation depuis la dissolution récente de la CNBA, l’occasion d’être de nouveau représentées et défendues par une organisation professionnelle représentative au niveau national ».

Il estime que « cette création s’inscrit dans la dynamique impulsée par le gouvernement en faveur d’un transport fluvial durable à l’égard duquel il multiplie les initiatives : le projet de loi d’orientation des mobilités ainsi que le projet de loi de finances pour 2020 comportent des mesures fortes de soutien économique au secteur fluvial, dont une trajectoire ambitieuse dans le domaine des infrastructures fluviales, incluant la modernisation du réseau et son développement. En atteste également l’accord sur le financement du canal Seine-Nord Europe entre le gouvernement et les collectivités des Hauts-de-France ».

Le ministère indique que « des discussions sont en cours pour parvenir à la signature au début de l’année 2020 d’engagements pour la croissance verte (ECV) du secteur fluvial qui inscriront pleinement le transport fluvial dans la dynamique de la transition énergétique dont il est un acteur majeur ».

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