NPI : Entreprises fluviales de France est co-organisateur de la première édition des Assises nationales du fleuve, pour quelles raisons ?
Didier Léandri : Nous poursuivons un objectif : donner de la visibilité aux enjeux économiques liés aux fleuves, canaux et rivières de France, au-delà du seul transport, et élever le niveau de priorité politique du sujet.
Si la disponibilité en eau est une nécessité absolue pour faire naviguer nos bateaux, elle l’est tout autant pour l’alimentation humaine, l’agriculture, l’industrie et l’énergie. Ajoutons que la mutation de notre industrie suppose des quantités en eau encore plus importantes que par le passé, ce qui se sait peu. L’avenir de nos différents secteurs économiques dépend donc de la bonne gestion de la ressource en eau, or cette ressource, que l’on croyait éternelle, subit les conséquences du changement climatique.
Ces Assises seront l’occasion de décloisonner les secteurs et de partager une vision commune. Nous souhaitons faire de cet événement un rendez-vous récurrent, dont la réussite résidera dans la qualité des débats et la capacité des participants à se parler.
NPI : Au-delà de la question de l’infrastructure, quels défis se posent à vos entreprises notamment dans le fret ?
Didier Léandri : Il est clair que les bouleversements de tous ordres qui frappent notre économie vont induire beaucoup d’adaptabilité de la part des transporteurs et un soutien dans la durée de la part des chargeurs qui doivent comprendre que pour un mode massifié comme le fluvial, il ne faut pas jouer le court terme mais miser sur le partenariat industriel de long terme.
La tension sur l’emploi et la hausse des charges contraintes (qu’il s’agisse du carburant, de la maintenance, des loyers et péages) devront trouver des réponses appropriées pour passer le cap difficile que nous traversons.
NPI : Le tourisme fluvial retrouve à peu près ses niveaux d’activité d’avant la pandémie et les confinements, est-ce une reprise durable ?
Didier Léandri : Les tendances sont favorables et nous sommes nous-mêmes étonnés du rebond d’activité qui a suivi la pandémie.
Il y a tout lieu de penser que la reprise est durable. Elle repose sur l’attractivité de la destination France s’agissant de la clientèle étrangère et sur la capacité à proposer à la clientèle française des produits adaptés en termes de prestations et de prix.
Des évolutions très nettes ont été opérées ces 3 dernières années vers des offres misant de plus en plus sur la proximité et l’interactivité avec le territoire. Des bateaux plus petits, plus qualitatifs faisant de plus en plus appel à une motorisation verte. Nous observons également un développement des consultations conduites par les collectivités en faveur d’offres de mobilité fluviale.
NPI : Quels sont les freins à lever pour un regain du transport fluvial de marchandises en France où sa part modale demeure modeste malgré ses atouts et les déclarations sur son rôle en matière de report modal dans le contexte du défi climatique ?
Didier Léandri : On nous renvoie souvent à notre part modale il est vrai très faible. Ceci n’a pas de sens. Non seulement, là où l’infrastructure existe, la part modale atteint bien souvent 10 %, mais la question est plutôt celle des enjeux attachés à l’utilisation ou pas du transport fluvial.
Peut-on imaginer l’achèvement du Grand Paris Express sans fluvial ? Pourra-t-on atteindre les objectifs du plan stratégique de Haropa sans transport fluvial ?
Plus globalement, pourra-t-on sans report modal massif atteindre les niveaux d’engagement de la France en matière de réduction des GES dans le transport de fret ?
La réponse à toutes ces questions est indiscutablement non. C’est la démonstration du caractère éminemment stratégique du transport fluvial dans l’évolution de la mobilité.