Deux axes sont donc proposés par la note de l’institut Montaigne : d’une part, la massification des flux terrestres de conteneurs grâce au report modal vers le fleuve, d’autre part, le développement de « zones de compétitivités » industrielles, c’est-à-dire des ports francs.
Concentrer l’aide à la pince sur la Seine et le Rhône
Sur la question du report modal, le laboratoire d’idées se fait plus dirigiste que libéral. Il faut dire que le constat est implacable : la part modale du fluvial stagne, alors que celle du ferroviaire plonge d’année en année. Est pointée « une absence de culture tendant à l’utilisation des solutions de report modal », contrairement aux ports d’Europe du Nord, mais la note souligne aussi que « les surcoûts structurels de l’utilisation du ferroviaire et du fluvial, en raison de la rupture de charge qu’elle implique, sont également bien identifiés ».
Plutôt que des objectifs à long terme fixés en haut lieu pour l’évolution des parts modales, l’institut Montaigne préconise que les ports et les opérateurs privés décident conjointement, chaque année, du but à atteindre. « En contrepartie de la réalisation de ces objectifs, les opérateurs privés bénéficieront de diverses mesures incitatives qui devront permettre de compenser en partie le surcoût structurel du transport fluvial ». Avec, par exemple, une augmentation conséquente de l’aide à la pince, mais uniquement concentrée sur les deux axes fluviaux majeurs, la Seine et le Rhône. Ou encore une solution pour le surcoût de la manutention fluviale, à l’instar de ce que le port de Dunkerque a mis en place. Et enfin un label valorisant les opérateurs utilisant les transports massifiés.
L’auteur de la note va encore plus loin, en proposant que les autorisations d’occupation temporaire, nécessaires pour implanter une activité privée dans un port, soient soumises à la réalisation par l’opérateur portuaire d’objectifs précis en termes de parts modales. Il met en avant le « Green Deal » portuaire néerlandais, où l’État est intervenu pour pousser le port de Rotterdam à s’orienter vers la croissance verte.
Lors de la conférence de presse sur les résultats des trois ports de l’axe Seine le 28 janvier 2021, la note de cet institut a fait l’objet d’une question à laquelle a répondu Baptiste Maurand, directeur général du port du Havre : « Nous investissons dans une stratégie maritime et portuaire dont l’un des objectifs est de nous réinventer. Nous sommes engagés dans une transition et une transformation des ports. Nous progressons sur le ferroviaire qui est un point fort et important mais aussi sur le fluvial ». Il a indiqué : « Nous pensons aussi fortement à compléter les aides à la pince pour le ferroviaire et le fluvial ».
Création de zones franches portuaires
Le deuxième axe d’action proposé par Pierre Sallenave ne concerne pas le report modal, mais le « développement de zones de compétitivité industrielle à forte valeur ajoutée sur l’axe Seine ». Il s’agit de faire des ports de l’axe Seine non seulement des lieux de passage des marchandises, mais aussi des sites d’implantation d’activités industrielles ou logistiques créatrices de valeur. Les orientations, ici, sont plus nettement libérales. Il s’agirait d’accorder, pour certaines zones portuaires, des exonérations de droits de douanes, d’impôt foncier et d’impôt sur les sociétés.
« Plusieurs zones gagneraient à être établies le long de l’Axe-Seine. Une zone au sein du PLNP3 pourrait être étudiée au Havre. À Rouen (RSVL Amont) et Port-Jérôme (zone industrielle portuaire multimodale) des zones de compétitivité portuaire pourraient également être proposées, qui comprendraient a minima un volet fiscal ». L’exonération de droits de douane permettrait le stockage et les transformations industrielles, les droits n’étant payés qu’à la sortie des marchandises de la zone. Les exonérations fiscales, en revanche, « agiront comme des leviers additionnels d’attractivité portuaire » mais seront limitées dans le temps, voire dégressives. L’institut Montaigne rappelle qu’il existe déjà 80 zones franches en Europe, dont plusieurs ports francs comme Riga, Luxembourg, Brème, Trieste ou Le Pirée, et deux zones franches portuaires en France : en Guyane et à Bordeaux, au terminal du Verdon.