Entretien avec Ivan Stempezynski, directeur général de TAB Rail Road et président du Groupement national des transports combinés (GNTC).NPI : Quel est le bilan de la très particulière année 2020 pour le transport combiné rail-route ?Ivan Stempezynski : Au cours de l’année 2020, les transporteurs routiers ou ferroviaires ont pris de plein fouet la crise sanitaire et ses conséquences économiques. Mais les opérateurs de transport combiné ont réussi à démontrer une fois de plus, dans une période critique, la pertinence de ce mode de transport. Tout au long du confinement, l’activité rail-route n’a pas faibli, avec une poursuite de l’activité routière comme ferroviaire pour continuer à acheminer les marchandises. Nous avons dû pour cela engranger des heures et des jours d’attente, pour nous adapter à la désorganisation des bases logistiques du fait de l’absence de certains personnels. Le combiné a montré à cette occasion toute sa souplesse : quand le chargement ne peut pas être livré, il suffit de rapporter la caisse sur le terminal ferroviaire pour la mettre en attente, ce que le transporteur routier ne peut pas faire. Le transport combiné a profité d’un plan de transport excellent pendant cette période, avec un trafic voyageur réduit et une absence de travaux sur le réseau ferré : ceux-ci, se faisant habituellement de nuit, pénalisent avant tout le combiné.Nous avons donc bénéficié d’une qualité de service que l’on n’avait pas connue depuis de longues années. Nos chauffeurs routiers, ne travaillant qu’en local, autour du terminal ferroviaire, n’ont pas souffert des conditions de travail qui étaient celles des chauffeurs longue distance pour qui toutes les infrastructures de services étaient fermées. Nous déplorons cependant au global un effet négatif : la grande distribution a augmenté ses parts, mais les transports liés à la chimie, et surtout à l’automobile, ont été et restent très pénalisés.NPI : Le plan présenté par 4F prévoit la création de 15 nouveaux terminaux : comment le GNTC va en déterminer les lieux d’implantation ?
I.S. : Ce sont les transporteurs routiers du combiné qui savent où sont leurs clients. Avec les opérateurs ferroviaires, c’est à eux de déterminer les meilleures implantations en fonction de l’évolution des chaînes de transport, dans lesquelles la logistique prend un rôle majeur. En région parisienne, par exemple, il y a deux terminaux principaux à Valenton et à Bonneuil-sur-Marne. Or, depuis plusieurs années, les centres logistiques se sont déportés en grande couronne, voire au nord de la région parisienne.
Quant au montage financier, il devra faire intervenir l’État et les régions, mais aussi les opérateurs privés, qui ne doivent plus seulement assurer la gestion quotidienne avec un bail sur un terminal, mais investir massivement sur l’aménagement et l’équipement des terminaux. SNCF Réseau, qui avait historiquement la charge du choix d’implantation et de la construction des terminaux, se concentre sur son réseau et lance des appels à manifestation d’intérêt pour attribuer les terminaux.
NPI : Quels sont les leviers pour développer le transport combiné et faire collaborer le ferroviaire avec les autres modes ?
I.S. :Les routiers ayant déjà leurs contrats et leurs parts de marché propres peuvent faire le choix, sur des critères sociaux, économiques et environnementaux, d’utiliser le train pour la partie longue distance de leurs transports. Nous comptons sur leur adhésion au report modal pour accompagner la croissance du ferroviaire.
Quant au transport fluvial, il aurait pu être intégré à 4F, mais il fallait d’abord rassembler le secteur ferroviaire pour répondre à l’urgence avant de s’ouvrir à 5F. Des contacts sont pris avec les ports intérieurs, avec lesquels nous devons très rapidement mener une réflexion conjointe pour trouver des synergies et établir des continuités de transport. L’entreprise que je dirige, par exemple, est implantée sur le port de Lille. Nous savons donc que faire travailler les modes ensemble est possible.