Lancé en 2014, Watertruck+ est parti du constat que les « petites voies navigables » (« small waterways », CEMT 1 à 4) était de moins en moins utilisées en raison de la disparition des bateaux adaptés pour y naviguer alors qu’il existe un potentiel de transport de fret sur cette partie du réseau fluvial dans plusieurs pays européens comme les Pays-Bas, la Belgique ou la France.
Le concept du projet repose sur la mise au point et la construction de bateaux adaptés au réseau dit « petit gabarit » c’est-à-dire des barges et pousseurs normalisés, automoteurs ou non, standardisés, avec l’idée d’une formation en convoi possible, si besoin, sur les voies de navigation de plus grande taille. La volonté est également de pouvoir transporter tous les types de marchandises (vrac, conteneurs, palettes) et de combiner, éventuellement, des flux divers. Le projet Watertruck+ entend aussi répondre à la pénurie croissante de main d’œuvre dans la batellerie, favoriser le report modal de la route au fluvial, utiliser des technologies innovantes et met en avant que la navigation intérieure est un moyen de transport respectueux de l’environnement.
L’objectif de Watertruck+ a été, dès le début, de construire une flotte de bateaux, à la différence du projet Watertruck (sans +) qui l’a précédé et a été consacré à des études et des réalisations d’essais.
Interopérabilité des voies navigables
Soutenu par l’Union européenne, le projet Watertruck+ a débuté en 2014 et s’est concrétisé à partir de 2019 avec la livraison de quatre premières barges au groupe De Cloedt et, depuis 2020, un total de 18 bateaux naviguent en Belgique.
C’est largement grâce à l’engagement du groupe De Cloedt que les bateaux Watertruck+ sont devenus une réalité. Sur les 18 bateaux construits, ce groupe en détient 16 tandis que les 2 restants appartiennent à la société André Celis. L’une des caractéristiques de Watertruck+ est ainsi d’avoir mobilisé deux acteurs économiques au côté du gestionnaire des voies navigables flamandes et de l’Union européenne.
Richard Ferrer, responsable de l’équipe d’innovation à l’INEA/Commission européenne, a expliqué : « Nous avons soutenu Watertruck+ car l’Union européenne soutient tous les projets innovants dans les transports. C’est un concept nouveau pour améliorer l’efficacité de la navigation intérieure qui représente aujourd’hui seulement 6 % de part modale pour le transport de marchandises, la marge de progression est donc très importante. Watertruck+ peut apparaître comme un projet local mais les voies navigables ne connaissent pas les frontières. 55 % des flux sur les réseaux fluviaux européens sont transfrontaliers. C’est aussi un projet qui vise à développer l’interopérabilité entre les voies navigables de différents gabarits ».
Patrick Degryse, directeur général du groupe De Cloedt, a indiqué que rien n’avait été facile pour aboutir à la construction des 16 bateaux, le temps nécessaire a été long (5 ans), le coût élevé. L’investissement a été d’environ 10 millions d’euros, cofinancé à 44 % par l’Union européenne.
Les 16 bateaux de De Cloedt se déclinent en 10 unités de type CEMT1 (capacité de 395 t, 38,5 m de long sur 5,05 m de large, tirant d’eau maximal de 2,8 m) et 6 unités de type CEMT2 (capacité de 700 t, 50 mètres de long sur 6,6 m de large, tirant d’eau maximal de 2,8 m). Les 2 de la société André Celis ont une capacité de 500 t.
Les bateaux respectent les normes EuroVI du règlement EMNR avec des moteurs diesel électrique, des systèmes de traitement des émissions, etc. Ils peuvent être adapté à la navigation autonome, ce que prévoit d’ailleurs le groupe De Cloedt. Celui-ci a ajouté que les bateaux pouvaient également être mis à la disposition de chargeurs pour des besoins de transport autres que ceux du groupe.
Pour Nick Celis, directeur général de la société André Celis, les bateaux permettent d’éviter des transports par poids lourds et par des routes congestionnées. Ils optimisent les besoins de transport de la société, les livraisons chez les clients. Pour lui : « Il faut utiliser davantage le potentiel offert par les voies navigables de petit gabarit. Je crois à un service de taxi par les voies d’eau pour le transport de marchandises ».
Importance de la capillarité du réseau
En conclusion, Richard Ferrer a rappelé que la vision de la Commission européenne pour la navigation intérieure est détaillée dans le « Pacte vert » (Green Deal) : « L’objectif est clair : déplacer une large part des transports de marchandises de la route vers les voies navigables et vers le rail, en augmentant les capacités de ces deux modes. La navigation intérieure, comme les autres modes, doit s’engager vers une réduction de ses émissions, notamment ceux des moteurs comme le prévoit le règlement EMNR. Nous savons que cela n’est pas aisé pour le secteur mais la réduction des émissions est un objectif pour la navigation intérieure ainsi que pour les ports intérieurs. L’ensemble du système des transports doit s’engager sur la voie de la décarbonisation. C’est une vision positive. C’est la feuille de route pour la navigation intérieure ».
Ce responsable a ajouté : « Nous sommes en train de finaliser le programme Naiades 3 qui devrait être bientôt publié. Parmi les ambitions, il y a l’augmentation de la part modale de la navigation intérieure pour le transport de marchandises. Il y a bien évidemment la liaison Seine-Escaut mais sans oublier le réseau existant car la capillarité est importante. Pour la navigation intérieure à l’avenir, il y a deux mots importants. Le premier est « durabilité » pour les bateaux, les infrastructures notamment, cela nécessite des investissements et des innovations. Le deuxième est « digitalisation » car nous avons besoin d’une meilleure intégration de la navigation intérieure dans le système global des transports et de la logistique ».
La « Stratégie de mobilité durable et intelligente » présentée par la Commission européenne le 9 décembre 2020 rappelle l’objectif d’une réduction de 90 % des émissions de gaz à effet de serre provenant des transports d’ici à 2050. Et ce document précise pour la navigation intérieure : « La Commission lancera le programme Naiades 3 afin de s’attaquer aux principaux défis tels que la nécessité d’achever les connexions avec le réseau ferroviaire, de rendre les infrastructures résilientes face au changement climatique, de renouveler les flottes et d’améliorer l’accès au financement ».