Déclinaison dans les territoires
En parallèle de la convention au plan national entre les deux gestionnaires de réseau, la démarche se décline au niveau des territoires. Pour le bassin de la Seine, une convention a été signée entre la direction territoriale de VNF (DTBS) et la direction territoriale de SNCF Réseau Normandie et le sera prochainement avec la direction territoriale de SNCF Réseau Ile-de-France. Cela avance également dans le Sud du pays pour le bassin-Rhône-Méditerranée (où la Compagnie nationale du Rhône serait aussi partie prenante), dans le Grand-Est (Strasbourg, Nancy), dans les Hauts-de-France pour le bassin du Nord-Pas-de-Calais. « L’ambition est de tirer parti des forces des deux modes pour les combiner et offrir, dans un contexte qui leur est favorable avec leurs atouts environnementaux et sociétaux, des solutions logistiques vertueuses », explique Dominique Ritz, directeur de VNF bassin de la Seine.
Un convoi fluvial transporte jusqu’à l’équivalent de deux cents camions en un seul voyage, consomme trois à quatre fois moins d’énergie, et émet trois à cinq fois moins de CO2 que ce même transport réalisé par la route. Le fret ferroviaire émet près de 10 fois moins de carbone que le transport routier. Les deux modes contribuent à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, à la diminution de l’accidentologie routière, à la décongestion des axes routiers. Il ne faut pas oublier non plus que ces deux modes s’appuient sur des réseaux d’infrastructures peu saturés à forte capacité de croissance de trafics, avec la possibilité de relier de grandes distances pour le rail et d’aller au cœur des agglomérations pour le fluvial.
« Il s’agit aussi de sortir de l’idée que le ferroviaire et le fluvial sont concurrents et uniquement pertinents pour le transport des vracs et des pondéreux. Ces deux points ne sont plus vrais. La conteneurisation permet à ces deux modes de transporter tous les produits possibles », ajoute Dominique Ritz.
Certes, les zones de chalandise des trains et des bateaux sont différentes. Les deuxièmes ne peuvent pas sortir de la voie d’eau où ils naviguent. Les premiers évoluent dans un périmètre plus large mais sont soumis à des contraintes d’exploitation élevées. Pour faire circuler des trains de fret sur le réseau ferroviaire, il faut des sillons pour lesquels la concurrence est forte avec ceux dédiés aux voyageurs. Les trains de fret circulent de nuit, moment où se font les travaux sur le réseau ferroviaire, réduisant d’autant les disponibilités de sillon pour le fret. Et compte tenu de l’ampleur des travaux de régénération à réaliser sur le réseau ferroviaire au cours de la prochaine décennie, faire circuler des trains de fret la nuit va être encore plus complexe. « Dans ces conditions, combiner le ferroviaire et le fluvial prend tout son sens pour permettre de maintenir et développer ces deux modes massifiés. En construisant des offres attractives, les deux peuvent devenir plus performants. C’est ce travail que nous avons engagé sur l’axe Seine où il y a un constat fort et partagé sur les contraintes existantes pour les deux modes », souligne Dominique Ritz.
Une démarche concrète
Concrètement, l’idée est que les directions territoriales de VNF et de SNCF Réseau démarchent ensemble les chargeurs, devenant ainsi des acteurs de la promotion des deux modes. VNF et SNCF Réseau ne sont pas des opérateurs de transport mais, avec cette démarche de promotion commune, ils vont permettre à plus de bateaux de naviguer et à plus de trains de circuler.
« Les deux modes sont sous-utilisés pour du transport de marchandises et sont méconnus des chargeurs. Ceux-ci sont aussi pris par la force de l’habitude du mode choisi ou dont le choix a été délégué à un autre. Mais il y a une évolution des chargeurs de plus en plus sensibilisés aux effets environnementaux des activités et qui cherchent des solutions logistiques plus pérennes, plus durables, ce qui les conduit à réinterroger leur chaîne de transport », selon Dominique Ritz.
Combiner le ferroviaire et le fluvial pourrait, par exemple, permettre de ramener sur de longues distances par le train des marchandises jusqu’à la voie d’eau par laquelle les bateaux peuvent aller jusqu’au cœur des agglomérations. Cela existe, par exemple, avec les Carrières du Boulonnais. Pour le dernier kilomètre, des solutions comme des vélos-cargos électriques depuis le quai jusqu’à la destination finale sont à envisager.
« Il faut toutefois comprendre que la coopération entre le ferroviaire et le fluvial ne se fait pas au détriment de la route qui reste indispensable pour les pré- et post-acheminements. Il s’agit de répartir la longue distance au train, la moyenne distance aux bateaux, la courte distance aux entreprises de transport routier locales. La coopération entre le ferroviaire et le fluvial s’inscrit ainsi dans un rééquilibrage global des flux vers les entreprises françaises de transport routier dans les territoires, permet le maintien d’emplois, la création de services ».
La coopération entre VNF et SNCF Réseau permet aussi de partager les arrêts programmés ou impromptus de circulation afin de proposer, dans la mesure du possible, des solutions de substitution d’un mode vis-à-vis de l’autre. Sur l’axe Seine, une première illustration pourrait être la coupure de la voie ferrée pour des travaux sur une trémie à Rouen rive gauche en 2021 et 2022 et qui va interrompre les trafics desservant notamment les industriels du port. « On regarde s’il est possible de reporter ces trafics ferroviaires sur le fluvial pendant la durée des travaux ».
Dans le cadre de la coopération, une cartographie la plus fine possible va être dressée pour visualiser les complémentarités entre les deux modes, pour les flux existants et ceux potentiels à développer, les caractéristiques des réseaux, les interconnexions, l’identification de terrains SNCF à proximité de voies d’eau permettant la mise en place de synergies fer/fleuve, les caractéristiques des filières industrielles utilisatrices, etc.
La stratégie concertée entre VNF et SNCF Réseau concerne aussi les ports, pouvant contribuer à leur compétitivité, en valorisant et en constituant un réseau de plateformes trimodales, afin d’accroitre leur desserte par les modes massifiés.