Au début de la crise du coronavirus, on a connu des problèmes sur l’infrastructure. Mais il n’a fallu que quelques jours d’adaptation à SNCF Réseau et à VNF pour repositionner leurs personnels sur les aiguillages et les écluses. Par la suite, la fermeture puis la réouverture des ports chinois, et donc des réceptions de navires en Europe, a occasionné des effets de dents de scie sur les transports combinés. Les baisses de trafic ont aussi été liées à la fermeture de sites industriels, qui ont même occasionné une diminution des flux plus forte que pour les conteneurs maritimes. Ces brusques variations de volumes sont difficilement compatibles avec les transports massifiés où ce qui compte, c’est le fond de cale garanti chaque semaine.
Le fluvial a souffert de cette situation, mais s’est rattrapé par la suite et a maintenu son niveau de trafic sur l’ensemble de l’année, sans connaître de décrochage. La campagne céréalière est arrivée au bon moment pour pallier la baisse des transports liés à l’industrie. Pour le ferroviaire aussi, ces volumes très fluctuants ont été difficiles à gérer. Mais le secteur a bénéficié, au printemps 2020, d’un accès facilité au réseau en l’absence de nombreux trains de voyageurs.
NPI : Le moment actuel est-il favorable au report modal dans la région ?
F.B. : Oui, indéniablement, la dynamique régionale est là. Il y a une volonté politique et une concrétisation opérationnelle. En témoigne la nouvelle autoroute ferroviaire CargoBeamer entre Calais et Perpignan. À Dunkerque aussi il y a des services ferroviaires, qui peuvent d’ailleurs s’adresser aux conteneurs Transmanche puisque la tendance est au développement du non-accompagné. Il y a de nouveaux trafics à Delta 3, et une belle dynamique à Lille pour le ferroviaire comme pour le fluvial.
La tendance est donc bonne, et l’on sent une volonté de travailler de manière collaborative. Les unités de transport maritime de 20 ou 40 pieds, ou les unités intermodales de 45 pieds, augmentent la porosité entre les modes. Le 45 pieds pallet wide se développe beaucoup dans la région, les transporteurs routiers en ont pris l’habitude et on en voit de plus en plus dans les ports de Lille et Dunkerque, par exemple.
NPI : Comment évoluent les parts modales des modes massifiés en Hauts-de-France ?
F.B. : Les objectifs politiques en matière de report modal sont ambitieux, maisl’évaluation des parts modales actuelles à l’échelle de la région est difficile. Pour le ferroviaire, elle atteint 18 % contre 9 % seulement au niveau national, selon une étude réalisée l’an dernier sur les chiffres 2019. Cela s’explique par l’importance du pôle ferroviaire de Dunkerque, tant sur le transport combiné et les conteneurs maritimes que sur les trafics continentaux liés à l’industrie. Pour le fluvial, nous ne disposons pas du chiffre de la part modale régionale. Nous mettons en place, avec la région et l’observatoire régional des transports, une méthodologie qui nous permette de suivre l’évolution de la courbe du report vers les modes massifiés.
NPI : La stratégie nationale portuaire prévoit une reconquête de parts de marché par les ports maritimes français dans la desserte de leurs hinterlands. Qu’en est-il des ports maritimes de la région ?
F.B. : L’émulation avec les ports voisins, belges ou néerlandais, joue à plein dans le maritime. Les ports de Lille et Valenciennes ont des liens forts avec Anvers et Rotterdam. Contrairement au ferroviaire, il n’y a aucune difficulté pour passer la frontière en fluvial. Avoir de grands ports européens à proximité peut être intimidant, mais ça oblige aussi à collaborer pour s’améliorer.
La reconquête des hinterlands est une très bonne chose, mais il y a aussi la réalité géographique. Il ne peut y avoir de dogme en matière de logistique. Beaucoup dépend de la stratégie des acteurs maritimes internationaux. Même avec la meilleure chaîne logistique, ce sont les armateurs maritimes qui décident de la desserte des ports intérieurs, sans que nous puissions avoir de levier sur cette décision.
Nous travaillons donc à construire un écosystème favorable, en rendant les transports massifiés les plus visibles et les plus compétitifs possibles afin de favoriser le report modal. Pour qu’une entreprise fasse du report modal, il faut qu’elle maîtrise sa stratégie de transport. Beaucoup de PME et PMI n’ont pas la capacité de le faire et passent donc par des prestataires. Les stratégies de transport, dans ce cas, ne sont donc pas forcément décidées sur notre territoire. Nous avons en revanche la chance d’avoir, dans notre région, beaucoup de gros industriels et importateurs qui ont cette capacité de décision.
Norlink à l’œuvre dans la transition énergétique
Afin de guider les propriétaires de bateaux dans leurs choix de carburants alternatifs, Norlink va prochainement lancer, avec VNF, les ports de Dunkerque et Lille, et GRDF, une étude pour déterminer l’énergie la plus adaptée à chaque type du bateau en fonction de sa taille, de son utilisation, de la capacité de stockage à bord et de l’autonomie nécessaire en fonction des voyages effectués.
À partir d’un diagnostic énergétique réalisé pour cinq bateaux, il s’agira de déterminer les besoins en énergie et le carburant alternatif le plus adapté. « Biocarburant, diesel, gaz, électricité, hydrogène… chaque solution a sa zone de pertinence.
On connaît celle de chaque carburant pour le transport routier, mais on ne sait pas le déterminer aussi précisément pour les autres modes », déclare Fabien Becquelin pour souligner l’intérêt de cette étude.
Le travail s’inspire de celui mené par la Communauté portuaire de Paris sur le bassin de la Seine, mais doit être adapté aux Hauts-de-France.
Les voies d’eau y sont en effet canalisées et présentent donc une plus grande résistance à l’avancement tout en comportant davantage d’écluses.
Le bassin Nord-Pas-de-Calais est aussi ouvert sur celui du Benelux, ce qui doit être pris en compte dans l’élaboration d’un schéma d’approvisionnement en carburants alternatifs.
Les résultats de cette étude sont attendus à l’automne.