« Utiliser le fluvial n’est pas une révolution »

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Les témoignages des groupes Bayer et Adeo, utilisateurs du fluvial respectivement depuis 2014 et 2005, ont montré lors de Riverdating 2020 que le choix d’un transfert vers ce mode se fait sans difficulté opérationnelle majeure. Le transfert peut se faire simplement et rapidement en travaillant avec les acteurs de la filière qui sont des professionnels compétents.

« Le report modal vers la voie d’eau concerne des flux imports et exports maritimes, du fret palettisé et conteneurisé, pour des produits classés marchandises dangereuses. Le choix de la voie d’eau se fait à chaque fois que cela ne remet pas en cause la date de livraison de nos conteneurs vers le client à l’export et l’approvisionnement de nos sites de production à l’import », a expliqué Violaine Lafond, sourcing manager logistics France de Bayer SAS lors d’une table ronde de Riverdating le 2 décembre 2020.

En termes de volumes, en 2018, à l’export sur le bassin Seine, ce sont 100 EVP et à l’import/export confondu sur le bassin Rhône-Saône 500 EVP. « Cela représente environ 40 % de nos volumes à l’import, et 20 % à l’export ». Les chiffres étaient sensiblement équivalents en 2019.

Le choix de la voie d’eau par le groupe Bayer SAS s’inscrit dans une volonté d’atteindre une neutralité carbone à l’horizon 2030, dans le cadre d’une stratégie de développement durable. « Nous allons intensifier tous nos efforts avec nos partenaires pour y parvenir, augmenter la part de report vers la voie d’eau en plus d’autres axes de travail ».

La réflexion du groupe Bayer pour un recours au fluvial a été lancée en 2013 et s’est concrétisée dès 2014. « Cela s’est fait relativement vite. Quand on ne connaît pas le transport fluvial, on peut avoir l’impression que c’est compliqué mais il y a des professionnels et des partenaires qui sont là et disponibles. Ce sont les équipes de VNF, de Lyon Terminal, de Medlink Ports, mais aussi des opérateurs fluviaux, des transitaires, etc. C’est un travail d’équipe. Il faut aller au-delà des barrières mentales qu’on peut avoir au premier abord. Il faut se dire que c’est possible en allant visiter les infrastructures aussi. Ensuite, c’est un vrai travail de conviction à mener en interne de l’intérêt d’utiliser la voie d’eau. Au final, utiliser le fluvial n’est pas une révolution. Rencontrer les acteurs permet de démystifier les éventuels freins auxquels on peut penser par rapport au fluvial ».

« Le fluvial s’impose par défaut »

Pour le groupe Adeo, qui rassemble des grandes enseignes de bricolage, décoration et loisirs, les premiers transports fluviaux datent de 2005 pour des flux imports. « Aujourd’hui, partout où c’est possible, le mode fluvial s’impose par défaut. Cela est possible car la majorité des entrepôts sont proches de ports intérieurs, à des distances raisonnables. Il y a eu la volonté du groupe de s’engager vers la voie d’eau dans le cadre d’une démarche sociétale et environnementale globale », a précisé Olivier Martineau, responsable du service transport et douane. Seuls deux entrepôts ne sont pas bien situés pour utiliser le fluvial.

En 2019, un total de 11 921 EVP a été transporté pour Adeo par la voie fluviale sur les bassins du Nord, de la Seine et Rhône-Saône.

« Les temps d’approvisionnement ont été rallongés de quelques jours avec le transit fluvial mais nous avons revu nos schémas logistiques pour prendre en compte ce délai supplémentaire. Nous négocions directement avec les opérateurs fluviaux, avec les volumes que nous faisons, nous constatons une économie de 15 % par rapport aux coûts d’un transport par la route. Nous nous sommes engagés vers le fluvial en dehors de tout soutien », a ajouté Olivier Martineau.

Ce responsable a aussi évoqué les frais de manutention qui s’appliquent au fluvial et pas au transport routier. Pour lui, cette situation « vient déséquilibrer la balance dont pourrait bénéficier le fluvial d’un point de vue strictement économique par rapport au routier. Il faudrait peut-être mettre l’Etat en face de ses engagements en faveur du report modal et donner les moyens aux opérateurs et aux chargeurs de privilégier le mode d’acheminement fluvial ».

Etre pragmatique

Cette table ronde de Riverdating 2020 a permis à EDF d’indiquer que la route représente 90 % des flux alors que compte tenu des colis exceptionnels de cet énergéticien, le fluvial a une pertinence (composants de très grande taille et de très grande masse jusqu’à 400 t) notamment avec le gabarit adapté des voies d’eau et une réglementation plus simple que pour un transport par la route.

Pour un représentant d’EDF : « La voie d’eau est une solution dans nos flux logistiques mais il y a aussi des aspects économiques qui interviennent, notamment dans le choix de l’itinéraire. Notre objectif est de construire un avenir neutre en CO2. Les critères environnementaux sont de plus en plus regardés pour une bascule entre le routier et le fluvial. Nous sommes sur des transports ponctuels. Tous nos flux ne sont pas fluvialisables, tous nos sites n’étant pas au bord de la voie d’eau. L’un des freins majeurs est l’aspect économique lié à la rupture de charge pour les opérations de chargement et déchargement qui complique l’utilisation du fluvial. Il manque des portiques, par exemple, sur des quais, ce qui oblige à faire venir des moyens de manutention ». La convention signée entre VNF et EDF en 2019 a d’ailleurs pour objectif de trouver des solutions à ces problématiques.

En conclusion des échanges, Gilles Daenen, président de la commission fluviale de l’AUTF, également expert logistique de l’éco-organisme Ecosystem qui a opté pour un report modal vers la voie d’eau depuis 2007, a indiqué : « En tant que nouveau président de cette commission à l’AUTF, je souhaite avancer sur des sujets opérationnels, faire rêver avec le fluvial ceux qui s’occupent des transports dans les entreprises et qui utilisent uniquement la route. Avec les chargeurs qui n’utilisent que le transport routier, il faut présenter une transposition pragmatique vers le fluvial pour lequel il n’y a pas vraiment de difficulté, il faut juste savoir s’entourer comme pour d’autres projets d’évolution au sein d’une entreprise ».

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