«Dans le cadre de nos missions de conseil et d'accompagnement auprès des métropoles comme Aix-Marseille, Toulon-Provence-Méditerranée et Nice-Côte-d’Azur, nous travaillons sur les stratégies de Smart City et Smart Port, mettant en place le partage de données entre les deux univers et ouvrant à de nouvelles possibilités de régulations des métiers de la ville et du port. Une dynamique intelligente ville-port peut conduire à une amélioration de la qualité de l’air », relève Christophe Rochegude, responsable en charge des territoires intelligents, au sein du cabinet de conseil Wavestone.
Dans le Sud de la France, les villes-ports accueillent des activités variées et complexes au cœur de la cité : du fret, conteneurs et vracs, des ferries, des navires de croisière et de commerce, de la plaisance, de la pêche, une flotte militaire dans le cas de Toulon, une industrie et la logistique liée en proximité. La mauvaise qualité de l’air est due, entre autres, aux émanations de dioxyde de soufre des paquebots de croisières, dont l’activité était en progression croissante avant le Covid-19, mais aussi des ferries, des navires de commerce.
Des projets européens
Une partie de la solution est en cours de mise en place avec les armateurs et les ports. L’électrification des quais et des navires doit permettre de stopper les moteurs polluants et limiter très nettement les nuisances. Ce n’est pas la seule piste « intelligente » à terme. Les ports sont des lieux privilégiés pour la mise en place de « smarts grids », ces nœuds de gestion intelligente de l’énergie. De nouvelles énergies locales renouvelables sont amenées à compléter sur les zones portuaires l’énergie du réseau Enedis : géothermie marine, solaire, éolien, transformation de l’énergie fatale des activités portuaires, etc. Des expérimentations sont menées par le Grand port maritime de Marseille (GPMM) qui souhaite se doter d’une dimension « Smart Port », aux côtés d’Euromed, de la CCI Aix-Marseille-Provence et la métropole Aix-Marseille. « Essayons d’utiliser l’énergie locale, de récupérer l’énergie d’un data center situé en proximité ». C’est un enjeu clé des territoires dans l’objectif de dé-carbonation de l’énergie et d’application de l’Accord de Paris. « Ce sont des énergies renouvelables qui ne sont pas faciles à déporter. On cherche à les consommer localement », explique Wavestone. Ces énergies doivent être mixées avec l’énergie du réseau national car qui dit énergie solaire suppose qu’il y ait du soleil et pour l’éolien du vent. On va même jusqu’à stocker de l’énergie sur des batteries sur des durées très courtes. « Il faut qu’il y ait un smart grid intelligent qui tienne compte de la météo et qui corresponde à cette équation ».
L’Union européenne s’intéresse à cette problématique de la qualité de l’air et a financé un projet innovant dénommé « Diams », proposé par la métropole Aix-Marseille. « L’objectif est de mieux mesurer la qualité de l’air sur le port et le centre-ville de Marseille et d’agir pour l’améliorer », précise Christophe Rochegude. Cela va permettre de tester certaines améliorations de la qualité de l’air avec un big data qui va recueillir des informations sur la météo, sur le trafic routier et portuaire pour mieux comprendre les phénomènes chimiques liés à la pollution de l’air. « Il y a plusieurs algorithmes pour arriver à une interprétation des données telles que l’intensité de la pollution en rapport avec le taux d’humidité ».
À Toulon, une démarche Smart Port a également été mise en place avec des partenaires économiques ainsi que l’armée. Un autre projet, « Marittimo », a également été financé par l’Union européenne. Il concerne les villes des départements du Var et des Alpes-Maritimes, la Corse, et des cités italiennes dans différentes régions du pays. Il a quatre axes prioritaires d’intervention, dont la promotion de la compétitivité des entreprises dans les filières transfrontalières, la création et le renforcement des PME qui opèrent dans le nautisme et les chantiers navals, le tourisme innovant et durable, les biotechnologies et les énergies renouvelables. Il vise à l’amélioration des connexions des territoires et à la durabilité des activités portuaires avec l’augmentation de l’offre de transport, le développement de la multi-modalité.
La mobilité est un des sujets en lien avec les ports dont les activités créent des flux de voitures et de poids lourds. « La logistique rentre dans la ville du fait du port ». Et c’est l’un des problèmes majeurs : côté ville, on a envie de garder l’attractivité économique du port tout en recherchant une qualité de vie. Un paradoxe que les villes doivent gérer comme réduire les flux routiers alors qu’ils sont inhérents à l’activité économique portuaire.
Gérer les paradoxes
Pour Christophe Rochegude : « En tant que cabinet de conseil, nous accompagnons les acteurs sur la conception de solutions intelligentes. Il y a encore des marges de manœuvre pour améliorer la gestion de ces problématiques. Un des enjeux de la Smart City, c’est de mieux superviser les flux sur le territoire et de mettre en place des mobilités plus adaptées, de décongestionner, de limiter la pollution liée au trafic ». Cela peut passer par l’association de plusieurs modes de déplacement : marche à pied, bus, vélo parking-relais, train. Reste la question pour les personnes qui rejoignent un ferry ou un paquebot de croisière, en plein centre-ville. L’horaire d’arrivée d’un ferry n’est pas facilement modifiable, mais la régulation routière est dynamique, et un événement peut être calé en tenant compte des rotations des ferries. « Il faut avoir une supervision globale des flux de mobilité sur le territoire qui inclut ceux liés au port. Il faut réguler les activités et les flux avec des systèmes intelligents de planification, d’anticipation et d’actions coordonnées sur tout le territoire sans fausse frontière entre le port et la ville », ajoute Christophe Rochegude.
Une coopération ville-port est essentielle, conclut le responsable. « On a véritablement besoin d’agir, d’avoir une coopération ville-port, d’échanger des données pour permettre aux acteurs de la ville et, au-delà, de la métropole, de décider en ayant connaissance des données du port. Il faut en rester à des solutions simples et commencer par décloisonner : ne pas rester chacun chez soi. Il faut, avant tout, vouloir avant de pouvoir et, notamment, partager des données ».