Stéphane Raison : « A Dunkerque, l’écologie industrielle est dans nos gênes »

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Le président du directoire du grand port maritime de Dunkerque revient sur l’importance de l’écologie industrielle et de ses bénéfices pour les entreprises, le port, le territoire. «Nous avons été précurseurs à Dunkerque pour favoriser la mise en relation des entreprises de la zone portuaire et la réalisation de projets en lien avec l’écologie industrielle. Il est possible de trouver un exemple dès les années 1970 avec une centrale mixte gaz de hauts fourneaux et fioul opérée par EDF (DK4). En 1986, se met en place la récupération de la chaleur fatale issue des hauts fourneaux sidérurgiques d’un industriel présent sur le port, ArcelorMittal, qui voulait voir traiter ses débouchés vers la ville », explique Stéphane Raison, président du directoire du Grand Port Maritime de Dunkerque (GPMD) Depuis 1991, fondé sur la récupération de la chaleur fatale d’ArcelorMittal, le réseau de chauffage urbain et ses 40 km de canalisations permet de chauffer et de fournir en eau chaude l’équivalent de 16 000 logements, l’hôpital, des écoles, une piscine. La puissance totale du réseau de chaleur est de 120 MW. Le système évite l’émission de 450 000 tonnes de CO2 par an. En janvier 2019, le projet de doublement du réseau a été lancé, les travaux devraient commencer en octobre pour une mise en service à l’automne 2020. Ce doublement du réseau est toujours fondé sur la récupération de l’énergie dégagée par les installations industrielles d’ArcelorMittal.

« Nous avons alors travaillé avec le Suisse Suren Erkman, l’un des experts internationaux les plus reconnus dans le domaine de l’écologie industrielle, et nous poursuivons notre collaboration avec lui. Il est donc possible de dire qu’à Dunkerque, nous avons l’écologie industrielle dans nos gênes. C’est même notre ADN », poursuit Stéphane Raison.

L’intérêt pour Dunkerque Port est double. Le premier est d’ordre environnemental en faisant en sorte que les co-produits des uns soient les matières premières des autres en favorisant l’écoute et les échanges entre les entreprises pour parvenir à des synergies. Le deuxième est d’ordre économique : dans une économie mondialisée et libérale, la création de liens entre les entreprises au niveau local favorise leur durabilité et leur compétitivité dans le territoire. 

Des entreprises plus fortes

La crise de 2008 et la volonté d’anticiper de possibles effets domino de fermetures de sites industriels qui se profilaient à l’horizon ont conduit le GPMD à participer à l’élaboration par l’agence d’urbanisme Flandre-Dunkerque d’un outil nommé « la toile industrielle, schéma de relations industrielles » qui répertorie et classe les interactions entre les entreprises du territoire.

Cet outil constitue une nouvelle étape de la démarche d’écologie industrielle du port de Dunkerque. Il permet de voir parmi les industriels qui y figurent les flux de chaleur, d’électricité, de gaz ou de matières premières secondaires, les possibilités de mettre en place des échanges et de proposer des débouchés pour tel ou tel « déchet ». « La toile industrielle » est un outil de promotion pour le port afin de montrer la richesse de ses implantations et d’en attirer de nouvelles. En 10 ans d’existence, « la toile industrielle » a été régulièrement mise à jour et intéresse d’autres sites portuaires comme Fos-sur-Mer et Nantes-Saint-Nazaire.

« A partir de 2014, nous avons entamé un travail pour nouer des liens les plus forts possibles entre les entreprises nouvelles arrivantes et celles déjà présentes dans la zone portuaire », poursuit Stéphane Raison. Rapprocher les entreprises du port les unes des autres permet de rompre leur isolement, de les rendre plus fortes, plus résilientes dans le contexte d’une mondialisation toujours plus poussée tout en prenant en compte les principes d’une production plus propre et davantage respectueuse de l’environnement. Ce travail a abouti notamment à deux implantations d’entreprises qui sont actives dans la valorisation de résidus de production, Indaver et Ecocem.

Annoncée mi-2016, l’implantation d’une usine d’Indaver, acteur européen de la gestion des déchets ménagers et industriels notamment dans les secteurs de la pharmacie, de la chimie et de la métallurgie, est en train de se concrétiser dans la zone industrielle portuaire de Dunkerque à Loon-Plage. Cette usine devrait être opérationnelle fin 2019 et s’inscrit dans le cadre d’une synergie industrielle. D’une capacité de 40 000 tonnes, le centre de traitement de cette usine va recycler des résidus de production et des flux résiduels chlorés afin de récupérer le chlore sous forme d’acide chlorhydrique et valoriser l’énergie produite. Ecophos, entreprise voisine d’Indaver, va utiliser l’acide chlorhydrique pour produire des phosphates alimentaires. Indaver va livrer l’acide chlorhydrique directement à l’entreprise via une canalisation. La chaleur fatale produite lors du processus de traitement par Indaver va aussi être valorisée : elle va être fournie à une autre entreprise voisine également par canalisation.

Annoncée en septembre 2016, l’unité de production d’Ecocem France à Dunkerque est entrée en service en mai 2018. Elle récupère et transforme le laitier granulé de haut fourneau issu de la production de fonte de l’usine ArcelorMittal, à côté de laquelle elle est installée, pour produire du laitier moulu, essentiellement utilisé en substitution partielle du ciment classique dans la fabrication des bétons. Ecocem utilise aussi les gaz émis par les hauts-fourneaux pour sécher la matière. La capacité initiale de production du site de Dunkerque est de 750 000 tonnes et pourra être portée à 1,4 Mt progressivement. Selon un communiqué d’Ecocem, « la production de laitier moulu est une activité doublement vertueuse : elle participe au recyclage du laitier qui est un coproduit de la fonte, et elle diminue l’impact environnemental des bétons qui utiliseront le laitier dans leur composition, en réduisant de façon très significative les émissions de CO2. Une année de production de l’usine Ecocem de Dunkerque va éviter l’émission de 492 000 tonnes de CO2 ». Cela permet aussi d’économiser des matériaux naturels extraits des carrières. Ecocem France est un joint-venture entre les groupes ArcelorMittal et Ecocem Materials Ltd. L’usine Ecocem de Dunkerque est la deuxième à voir le jour en France après celle à Fos en 2009. 

L’avenir est au zéro carbone

« Cette année, en participant à l’AMI « territoires d’innovation » porté par la CUD, nous franchissons une marche supplémentaire pour la collaboration industrielle et un nouveau pas pour l’écologie industrielle du territoire, précise Stéphane Raison. Avec ce que nous proposons pour les 10 ans à venir, nous visons le CO2, comment le récupérer et l’utiliser. Le CO2 et limiter l’impact carbone, c’est notre priorité, sachant que la zone industrielle du port de Dunkerque émet 12Mt de CO2 par an et nous avons une responsabilité écologique. Nous avons beaucoup travaillé avec les entreprises du port sur ce sujet mais aussi largement au-delà de notre périmètre avec de nouveaux partenaires au sein du territoire ». Tel est d’ailleurs l’un des objectifs définis par l’appel à projets « territoires d’innovation » qui vise à identifier, sélectionner et accompagner des projets qui incarnent une stratégie ambitieuse de transformation des territoires, associant les acteurs publics et privés, les populations et usagers, et les forces académiques et de recherche.

Le GPMD avance aussi sur la mise à disposition de toutes les énergies alternatives et de préférence « vertes » dans l’espace portuaire. L’étude sur l’hydrogène comme carburant avance. L’avitaillement en GNL par camion va être disponible à partir de juin 2019, le soutage maritime est programmé pour 2021. Le terminal à conteneurs -dont les portiques ont franchi pour la première fois les 500 mètres de la nouvelle extension du quai de Flandre, marquant ainsi l’aboutissement de plus de deux années de travaux au port Ouest- va être le premier à proposer le branchement électrique pour les porte-conteneurs en escale. 

« Je crois beaucoup à l’écologie industrielle, conclut Stéphane Raison, qui permet de développer les relations entre les entreprises dont beaucoup disparaissent car elles sont trop isolées, c’est important dans le contexte de la mondialisation. Tous les projets et réalisations sont conduits en partenariat avec la communauté urbaine de Dunkerque, la CCI Côte d’Opale. L’écologie industrielle, c’est important aussi dans le contexte des transitions énergétiques et environnementales afin de développer une production plus propre. C’est un cercle vertueux ».

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