La qualité de l’eau, un enjeu majeur

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En vue des Jeux de Paris 2024, il est demandé aux bateaux, de l’amont de la prise d’eau de Suresnes à Alforville, de relever à terre l’intégralité de leurs rejets d’eaux noires et grises. Les solutions possibles font débat. Améliorer la qualité de l’eau en vue des JO de 2024 est un enjeu majeur des travaux d’assainissement des quais parisiens qui sont réalisés par Haropa-Ports de Paris pour un investissement de près de 15 millions d’euros. Ce montant est cofinancé par l’Agence de l’eau Seine-Normandie. Ces travaux s’inscrivent dans un programme d’investissement global mis en place par le comité de pilotage « qualité de l’eau de baignade en vue des Jeux olympiques et paralympiques », piloté par le préfet de région et la Mairie de Paris. La reconquête de la qualité des eaux pour permettre, à la fois, les épreuves sportives dans la Seine en 2024 et l’aménagement de baignades publiques pérennes en héritage post-JO est un des objectifs phare des Jeux. Le sujet de l’assainissement des bateaux fait actuellement l’objet de nombreuses discussions avec les différentes autorités concernées. « Il n’y a pour l’heure aucun système officiellement reconnu par la direction régionale et interdépartementale de l’environnement et de l’énergie, DRIEE », déclare Christian Duguet, président de l’association fédérale de défense de l’habitat fluvial (AFDHF). En corollaire des Jeux de 2024, il est demandé aux bateaux (de l’amont de la prise d’eau de Suresnes à Alforville) de relever à terre l’intégralité de leurs rejets d’eaux noires et grises. à l’avenir, un arrêté national devrait voir le jour pour encadrer le traitement des eaux usées des bateaux. L’AFDHF mène un travail de concertations avec les différents acteurs pour trouver les solutions qui permettront à tous d’avoir une réponse adaptée à leur particularité. « Raccorder avec des flexibles, ce n’est pas très adapté, car un bateau bouge. De plus, les eaux usées dans les flexibles peuvent geler. C’est un problème essentiel, pour le plaisir des Jeux, on risque de voir couler des bateaux remplis d’eaux chargées », décrit Christian Duguet.

Raccord à quai ou pas

Pour le président de l’AFDHF, il existe des solutions alternatives plus fiables que celles envisagées avec la station d’épuration d’Achères (Seine aval) de la région francilienne. L’association a mené une étude pour essayer de démontrer que les systèmes alternatifs qu’elle propose sont fiables et plus sécurisants. Le travail est réalisé en collaboration avec VNF et Haropa-Ports de Paris. Le raccordement à quai représenterait un coût très élevée pour la collectivité par rapport à la pollution que représentent les bateaux-logement. « L’objet de notre combat est de démontrer que le jeu n’en vaut pas la chandelle », assure Christian Duguet. Celui-ci explique qu’une famille à bord d’une péniche ne rejette que peu d’eaux usées mais que « stocker une cuve à bord dégage des gaz, environ 4 000 m3, qui sont stockés dans un endroit et qui peut exploser. Et aussi, que fait-on lorsqu’on atteint les 4 000 m3, qu’on ne peut plus stocker et qu’il n’y a personne pour les récupérer ? C’est très compliqué. Une des solutions, c’est d’organiser les traitements à la source ».

L’analyse est sensiblement identique du côté de la société Acqua/BioMicrobics France, spécialisée dans l’assainissement écologique pour l’habitat flottant. La solution du raccordement à quai de la totalité des bateaux et habitats flottants a été envisagée, rappelle cette société, pour laquelle « le coût est prohibitif et le chantier titanesque ». Elle souligne que cette solution pose un certain nombre de problèmes comme le risque de refoulement des eaux usées dans les bateaux, de rupture de connexion à quai avec pollution en cas de crue, l’impossibilité de naviguer avec les bateaux, leur faisant perdre ainsi leur autonomie. C’est pourquoi, la société propose des solutions qui pourront peut-être être adoptées par l’habitat fluvial. Installée à Lunel dans l’Hérault, Acqua/BioMicrobics France annonce concevoir « l’assainissement du futur grâce à des solutions innovantes, ultra performantes et certifiées permettant d’éliminer les polluants et de recycler l’eau. Modulaires, robustes et compactes, leurs solutions s’adapteraient à tous les milieux terrestres ou marins et contribueraient ainsi à la préservation des ressources naturelles, de l’environnement et des écosystèmes ». Comme garantie, elle affiche à son actif plusieurs prix pour son innovation : au Nautic Paris 2019, à Euromaritime 2020 et a été lauréat du Smart Port Challenge Marseille 2020. Elle se positionne en tant que « bénéficiaire de plus de 50 années de retours d’expériences de professionnels de la mer et de bateliers ».

Un bateau équipé de la solution écologique d’Acqua/BioMicrobics France, répondant à la problématique du rejet des eaux usées dans la Seine à Paris, se trouve non loin de la tour Eiffel. Cet équipement serait la solution pour les bateaux où la place est limitée. Il s’intégrerait à bord en laissant au bateau une totale autonomie de navigation et de déplacement. Fonctionnant automatiquement et insensible au climat, il permettrait de traiter les eaux grises et noires sans sous-dimensionner les installations et sans nécessiter de cuve ou d’équipement supplémentaire ni d’entretien contraignant.

L’exemple du port de l’Arsenal

Ce qui n’est pas le cas de l’installation réalisée au port de l’Arsenal à Paris. Les 180 bateaux peuvent être soumis à deux types de contrat : annuel ou hivernage qui ne prend que des unités à « rejet zéro ».

« Tous les bateaux avec les nouveaux contrats annuels doivent être équipés de cuves », explique Sylviane Deroy, qui réside au port de l’Arsenal depuis plusieurs années. En 2019, elle a fait poser des cuves car elle a réussi à trouver de la place à bord. Ce qui demeure une difficulté majeure pour certains bateaux déjà aménagés. Selon cette résidente du port : « On installe une cuve pour les eaux grises et une autre pour les eaux noires et, au final, tout part dans la même cuve ». L’installation est très contraignante : « Il faut relier chaque lavabo, évier, douche aux cuves eaux grises et noires. C’est un peu compliqué ». De plus, « le port n’accepte pas que des petites centrales soient installées à bord des bateaux. Ils sont un peu butés là-dessus, car ils ne pourraient pas, soit-disant, vérifier les filtres, d’où le système de pompage ». Il s’agit d’un chariot que les habitants des bateaux, qui sont équipés de cuves, « promènent sur le quai, avec un gros tuyau. Après, on va au milieu du ponton où on relie notre tuyau à un raccord. Puis on vide notre cuve sous le ponton où se trouve une énorme cuve reliée à un égout, lui-même relié au réseau de la ville ». Les propriétaires de bateaux doivent ensuite, selon où se trouve le chariot, le ramener, dérouler le tuyau et appuyer sur un bouton pour déclencher la pompe. Pour la résidente du port de l’Arsenal : « Il faut avoir l’âme écologique chevillée au corps pour utiliser ce système ». Au regard de toutes les solutions envisagées, il semble évident que cette problématique des rejets des eaux usées sera encore pendant plusieurs années au cœur des débats.

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