La Commission centrale pour la navigation du Rhin (CCNR) tiendra le 17 octobre 2018 un congrès commémoratif à Mannheim, second port intérieur allemand après Duisbourg, pour le 150e anniversaire de la signature de la Convention révisée pour la navigation du Rhin. Ce document datant de 1868 a été signé à l’époque par les États riverains du Rhin : quelques années avant l’unité allemande et l’annexion de l’Alsace et de la Moselle, il s’agissait du royaume de Bavière, du grand-duché de Bade, du royaume de France, du grand-duché de Hesse, du royaume des Pays-Bas et du royaume de Prusse. Après la création de l’Octroi du Rhin en 1804, par un accord entre la France napoléonienne et le Saint-Empire romain germanique, après la création lors du Congrès de Vienne de 1815 de la CCNR, qui reste la plus ancienne organisation internationale encore en activité, après la convention de Mayence de 1831, c’est la Convention de Mannheim qui a définitivement fixé l’organisation de la navigation sur le Rhin, selon des principes qui restent encore en vigueur aujourd’hui.
Le document original de la Convention révisée pour la navigation du Rhin, dit « acte de Mannheim », signé par les représentants des six États, ainsi que les instruments de ratification, ont été présentés au Palais du Rhin, siège de la CCNR à Strasbourg, au cours d’une cérémonie de commémoration le 10 octobre 2018. Ces documents ont ensuite été placés dans une mallette étanche, puis embarqués à bord d’une vedette de la police fluviale allemande. C’est en effet la brigade de police fluviale franco-allemande qui a été chargée d’effectuer les six heures de navigation sur le Rhin pour acheminer ces précieux documents historiques jusqu’à Mannheim. Ils y seront présentés lors d’une exposition qui doit se tenir pendant un mois, pour le 150e anniversaire de la Convention.
« L’esprit de Mannheim »
Si l’anniversaire de la Convention de Mannheim est ainsi célébré par la CCNR, c’est qu’elle régit toujours, 150 ans après sa signature, la navigation sur le Rhin. Elle a en effet institué de grands principes intangibles, toujours en vigueur : liberté et gratuité de la navigation, régime juridique unique pour tous les navigants, avec égalité de traitement quel que soit leur pays d’origine, coopération transfrontalière pour l’entretien du Rhin et pour l’établissement des règles de sécurité, etc.
« La CCNR repose toujours en grande partie sur l’Acte de Mannheim, a expliqué le secrétaire général de la Commission, Bruno Georges, le 10 octobre 2018 à Strasbourg. Cet esprit de Mannheim continue d’imprégner nombre de nos activités et, au-delà du Rhin et des États riverains, suscite un intérêt très fort de la part de l’Union européenne. Sur d’autres continents également, l’expérience de la CCNR est observée avec attention. »
La liberté de circulation, préfiguration de la construction européenne
Catherine Trautmann, vice-présidente de la métropole de Strasbourg et présidente du port autonome, a tenu quant à elle à inscrire l’élaboration de la Convention de Mannheim dans une perspective historique, celle de la révolution badoise de 1848, qui mettait en avant les principes d’égalité des droits et d’abolition des frontières : « Les dispositions de liberté de navigation et d’égalité de traitement prévues par l’Acte de Mannheim sont un patrimoine précieux, qui a inspiré la construction européenne. La Commission européenne a pensé, un temps, que l’autorité réglementaire sur la navigation du Rhin lui reviendrait. Mais la méthode de la CCNR pour la résolution des problèmes et l’élaboration de règlements a fait ses preuves. » Catherine Trautmann a aussi souligné que la Convention de Mannheim crée un lien entre le Rhin et les pays qu’il traverse, et rappelé que le document qui a voyagé le 10 octobre 2018 de Strasbourg à Mannheim, deux ports aujourd’hui réunis sous la bannière des « ports du Rhin supérieur », avait déjà fait le trajet inverse.
La CCNR s’était en effet installé initialement à Mayence, s’inscrivant ainsi dans la continuité de l’administration de l’octroi du Rhin. C’est en 1861 que le siège de la Commission a été transféré à Mannheim. La France cesse d’en faire partie après la guerre de 1870, laissant l’Allemagne et les Pays-Bas en tête à tête. Mais suite au retour de la France parmi les États riverains du Rhin après la première Guerre mondiale, la CCNR voit son siège transféré à Strasbourg, et s’installe dans le palais impérial (Kaiserpalast) construit en 1883 pour Guillaume Ier. L’édifice de style néo-renaissance, alors rebaptisé Palais du Rhin, accueille également les archives de la CCNR en provenance de Mannheim. Afin d’être soustraites à l’occupation allemande, les archives sont évacuées en 1939 par voie d’eau jusqu’à Châlons-sur-Saône, puis par train jusqu’à Grenoble avant de revenir à Strasbourg à l’issue de la guerre. Conservant la trace de l’intégralité de l’activité de la CCNR et de son secrétariat général depuis 1815, ces archives, déposées depuis 2013 aux archives départementales du Bas-Rhin, présentent un grand intérêt historique, peu d’institution étant documentés aussi minutieusement sur une aussi longue période. L’Acte de Mannheim en constitue évidemment une pièce maîtresse. Il n’a peut être pas fini de voyager par voie d’eau !