Parmi les projets de motorisation innovante les plus avancés, il y a un ponton flottant multifonction doté d’une grue en cours de construction, précise Cécile Cohas, chargée de missions relations extérieures et innovations à la direction territoriale Rhône-Saône de Voies navigables de France. Pour la propulsion de ce bateau, il s’agit d’adapter au fluvial un système de dépollution de véhicule non routier (catégorie NRE) comme l’autorise le règlement EMNR. Les éléments à ajouter dans la salle des machines sont nombreux. Il faut notamment installer un catalyseur d’oxydation, un pour la réduction catalystique sélective, un système de recirculation des gaz d’échappement, un filtre à particule. Sous maîtrise d’ouvrage VNF, ce projet associe un motoriste, John Deere, un chantier naval, Atelier fluvial, un architecte naval, Ship Studio, mais aussi un laboratoire scientifique qui pourra être l’IFPEN ou l’IFSTTAR pour mener des études d’impacts complémentaires et analyser le comportement du système de dépollution, notamment sur les bas régimes.
« C’est un projet innovant dans le sens où il a fallu trouver un motoriste proposant un moteur NRE et voir avec lui comment l’adapter à un bateau, explique Laurent Mermier de Ship Studio. Par exemple, parmi les adaptations nécessaires, il y a le système de réfrigération par eau et non pas par air ». Il y a aussi l’intégration de tout un système antipollution/dépollution. Les interrogations portent d’ailleurs sur ce système, compte tenu que le mode d’exploitation du bateau va surtout être en bas régime. Le système antipollution/dépollution risque de s’encrasser et de s’user plus rapidement à bas régime. « L’objectif du projet est d’exploiter le bateau en configuration normale, de mesurer le niveau des émissions pour vérifier que la dépollution est conforme aux normes, de voir le comportement du système antipollution/dépollution », poursuit Laurent Mermier. Les résultats seront ensuite partagés avec la profession. Ici, VNF s’inscrit dans une démarche de pionnier pour montrer si la solution fonctionne, sous l’œil attentif du ministère de la transition écologique et solidaire.
« Nous menons également des études avec la société Bertin Technologies pour trouver des solutions plus simples que celles de la marinisation des systèmes issus des véhicules terrestres pour les systèmes antipollution/dépollution », indique Cécile Cohas. L’objectif est de se rapprocher des équipements de type scrubber (épurateur de fumée), des filtres électro-statique et de la brumisation des fumées. Il s’agit aussi de mettre au point des solutions moins chères avec des équipements moins volumineux. D’autres études, avec l’IFPEN, se penchent sur la question de comment récupérer la chaleur et la réinjecter dans les systèmes annexes pour le chauffage, etc. La solution du gaz naturel liquéfié (GNL) n’a pas été oubliée, poursuit Cécile Cohas. Une étude a été conduite et est désormais totalement achevée mais les expérimentations se développent plus rapidement sur le Rhin.
L’hydrogène dans un pousseur
Un autre projet à Lyon est celui de la phase 2 du pousseur utilisé pour les porte-conteneurs au port de Lyon-Edouard Herriot et la déchetterie fluviale « River’Tri » qui offre aux résidents du centre-ville de Lyon un service de proximité, installé le long des quais du Rhône. Depuis décembre 2016, le pousseur de la CFT, qui vient amarrer la barge sur le quai Fulchiron et qui la ramène pleine de déchets au port de Lyon, est doté d’une propulsion thermique. L’objectif est de faire évoluer cette propulsion vers un système de propulsion électro-hydrogène avec une alimentation à l’électricité et à l’hydrogène verts qui, comme le souligne les conclusions du projet de recherche Promovan, permet l’émergence d’une logistique fluviale zéro émission.
La phase 2 pour l’évolution du pousseur vers une propulsion hydrogène s’inscrit désormais dans le cadre du projet Flagship qui est la suite du projet Promovan. « Tout a récemment commencé début 2019, explique Matthieu Blanc, directeur exploitation Seine et Rhône chez CFT. Le projet n’est plus sur une adaptation du pousseur thermique actuellement utilisé vers une propulsion à l’hydrogène mais sur la réalisation d’un nouveau pousseur car les évolutions nécessaires sont très importantes et le rétrofit s’avère trop complexe avec une configuration de la salle des machines non adaptée, un espace de stockage hydrogène et batteries à définir. Il ne s’agit pas seulement d’un changement de motorisation mais de nombreux autres éléments doivent être ajoutés dans le pousseur déjà existant pour une utilisation de l’hydrogène. Les études ont montré qu’une construction neuve plutôt qu’une cale existante était plus pertinente ».
Le projet Flagship devrait également permettre de modéliser d’autres bateaux fluviaux à l’hydrogène du bassin Rhône Saône afin d’accompagner les réflexions sur le coût et la faisabilité de reconversion de la flotte existante, relève Cécile Cohas. Il s’agit de modéliser trois types de bateaux –automoteur, bateau-promenade, croisière- avec l’ensemble de la chaine de propulsion à l’hydrogène comprimé à 700 bars. Les interrogations à lever portent sur les besoins de puissance des différents bateaux, quelles installations, quelle place, si une conversion est possible, etc.
Le projet de recherche LNG Logistics autour de la mise en place d’une chaîne d’approvisionnement en gaz naturel liquéfié (GNL) pour le fluvial pour des unités fonctionnant avec cette énergie est totalement terminé, souligne Laurent Walle, directeur général de TLA.
« Nous avons sur le papier toutes les études, toutes les solutions, les aspects techniques, un marché identifié, un terminal méthanier maritime, le port de Lyon, les plans d’un bateau avec un travail conduit avec un architecte naval. Il faudrait passer à l’étape suivante, celle de l’expérimentation concrète avec un budget conséquent ». Il y a deux freins principaux concernant l’utilisation du GNL en fluvial, poursuit Laurent Walle. Le premier est d’ordre réglementaire. Le GNL n’étant pas une marchandise dangereuse comme les autres, la traversée de Lyon avec les périmètres de sécurité à respecter n’est pas possible avec les normes actuelles. Il y a aussi les réservoirs et la question d’une double membrane. Le deuxième frein est l’étroitesse du marché lié à la quasi-absence de bateau au GNL. La solution peut-être au démarrage de prévoir de mini-station d’avitaillement pour approvisionner les bateaux mais aussi des poids lourds. En tenant compte que le GNL peut devenir du GNV/GNC. Le lancement d’une expérimentation réelle pourrait peut-être venir d’acteurs situés ailleurs qu’à Lyon, par exemple à Salaise, et aller vers une mutualisation des besoins en GNL avec des industriels. Sans oublier que le GNL est une énergie de transition sur un temps long compris entre 20 et 20 ans.