L'actu. En 2023, les ports de la Saône, regroupés sous la marque commerciale Aproport, ont cumulé un trafic de 900 000 tonnes (t) en fluvial et 700 000 t en ferroviaire.
Pour la partie fluviale, les catégories les plus importantes sont les vracs, qu’il s’agisse de produits agricoles ou des granulats. Les transports multimodaux sont aussi importants, avec 100 000 EVP au total en cumulant les conteneurs et les remorques P400 chargées sur train, en particulier à Mâcon qui constitue une escale sur l’autoroute ferroviaire Calais-Le Boulou.
Le contexte. Les ports de la Saône sont depuis longtemps exploités par les chambres de commerce et d’industrie (CCI). Celle de Mâcon gérait déjà en 1926 le port fluvial de Mâcon, et sa concession a été renouvelée en 2004 pour une période de 30 ans.
Celle de Chalon-sur-Saône a obtenu une concession en 1942, prolongée en 1976. La concession actuelle sur le port de Chalon court ainsi jusqu’en 2026, attribuée, comme celle du port de Mâcon, à la nouvelle CCI "métropole de Bourgogne", qui couvre désormais les département de Côte-d’Or et de Saône-et-Loire.
Un troisième port. Au deux ports de Mâcon et Chalon-sur-Saône, il faut ajouter celui de Pagny, à l’extrémité nord de la Saône à grand gabarit. Celui-ci est déjà exploité par BFC Multimodal, précédemment appelée SAS Pagny Terminal, société de droit privé détenue à 87 % par la CCI métropole de Bourgogne. Fin 2023, la concession a été renouvelée par le Syndicat mixte du technoport de Pagny en faveur de BFC pour une durée de 12 ans.
Une convention. BFC Multimodal a aussi une activité de commission de transport fluvial. Celle-ci fait l’objet de la convention avec Rhenus Partnership qui, s’implante sur le bassin Rhône-Saône en ouvrant une nouvelle agence d’affrètement à Chalon-sur-Saône.
L'actionnariat. L’opération a aussi pris la forme d’une ouverture de capital de BFC Multimodal à de nouveaux associés, dont Rhenus. La CCI métropole de Bourgogne reste actionnaire principal à hauteur de 66 % de BFC Multimodal, qui comprend aussi parmi ses associés les CCI du Jura et de l’Ain, le Grand Port maritime de Marseille, Finaixy et les transports Alainé.
La répartition du capital, précisent les intéressés, pourra évoluer, si cela s’avérait nécessaire, pour mieux répondre aux cahiers des charges des futurs renouvellements de concessions.
L'explication de texte. "Aujourd’hui on change de modèle pour quelque chose de partenarial, plus agile et davantage multimodal, déclare Pascal Leyes, directeur général de la CCI Métropole de Bourgogne. Une page se tourne. Les CCI ont évolué et doivent continuer et accélérer la transition écologique et énergétique. Pour cela, il est intéressant de s’adosser à des partenaires dont le transport et l’exploitation portuaire est le métier, et dont l’activité rayonne au-delà du périmètre de la CCI. Les CCI de Côte-d’Or et de Saône-et-Loire ont investi 40 millions d’euros au cours des trois dernières décennies dans les différentes plateformes portuaires. On ne pourrait plus le refaire, car l’État prélève nos réserves et réduit nos dotations. Nous préférons donc continuer l’aventure de la multimodalité en sortant du carcan que constitue notre statut d’établissement public, pour aller vers une société de droit privé."
Une tendance générale. Le rapprochement enter la CCI métropole de Bourgogne et Rhenus s’inscrit dans une tendance générale des CCI à ne plus postuler directement, comme elles le faisaient par le passé, pour obtenir des concessions d’exploitation d’infrastructures, mais à le faire désormais via des structures de droit privé.
Anticiper. Il s’agit aussi, pour l’exploitant des trois ports de la Saône, de préparer les futurs renouvellement de concessions qui devraient se faire selon un nouveau schéma qui passerait, comme cela a été le cas pour les ports de la Moselle ou du Rhin, par un syndicat mixte ouvert.
L'arrivée de Rhenus. C’est dans ce cadre que le groupe allemand Rhenus a pris pied dans l’exploitation de ports fluviaux en France. Le groupe allemand Rhenus, qui s’est développé historiquement dans le transport fluvial sur le Rhin, est aujourd’hui, au sein du groupe Rethmann, un acteur mondial du transport et de la logistique.
L’activité d’affrètement fluvial de la Compagnie française de navigation rhénane (CFNR), reprise par Rhenus en 2015, est depuis devenue Rhenus Partnership France, entité qui regroupe toute l’activité d’exploitation portuaire et de transport fluvial du groupe, qui est présent en France depuis 1973.
Une année charnière. En 2021, la filiale française de Rhenus a obtenu la concession du port de Colmar, que détenait précédemment la CCI. La même année, ce sont les ports de Lorraine dont l’exploitation est confiée au groupe allemand.
Mais pour une durée de trois ans seulement : le syndicat mixte ouvert doit remettre en compétition d’ici à la fin de l’année les candidats à l’exploitation des neuf ports de la vallée de la Moselle.
Une page blanche. La volonté d’extension géographique de l’activité de Rhenus part pour l’instant d’une page blanche. En effet, le groupe allemand concentrait jusqu’à présent ses activités en France sur le transport fluvial et l’affrètement sur les bassins du Rhin et de la Moselle et, plus récemment, sur ceux de la Seine et du Nord-Pas-de-Calais avec des agences à Dunkerque et Sens. Il n’était absolument pas présent sur l’axe Rhône-Saône.
Un alignement. "Les planètes se sont alignées entre la stratégie de la CCI de se renforcer et de s’ouvrir pour préparer l’avenir en tenant compte de l’évolution des marchés et la volonté de Rhenus de prendre pied sur l’axe rhodanien, explique Jean-Marc Thomas, directeur général de Rhenus Partnership France. Nous espérons à terme améliorer l’offre de transport fluvial sur lebassin Rhône-Saône. Mais nous devons d’abord analyser l’existant, sur un axe où l’activité fluviale est complexe et dans un moment de recul d’activité pour beaucoup de bassins de navigation en Europe. Le tissu industriel de la région est intéressé par la multimodalité, et notre groupe peut travailler à apporter une offre de report modal. Nous devons aussi regarder ce que nous pouvons apporter en termes de cale, mais la difficulté est davantage de recruter du personnel que de positionner des bateaux."
Un avant....L’évolution des ports de la Saône et l’implantation de Rhenus sur le bassin doit aussi se faire en tenant compte de l’évolution des trafics fluviaux. Il y a encore une dizaine d’année, les ports de la Saône regroupés sous l’appellation Aproport voyaient passer chaque année 800 000 t de charbon et 120 000 t de sel de déneigement.
...et un après. Aujourd’hui, avec la transition énergétique les transports de charbon ont disparu et, réchauffement climatique oblige, les quantités de sel de déneigement sont plutôt de l’ordre de 25 000 t par an. Les développements de trafic envisagés par les ports sont donc plutôt dans le domaine des transports de déchets ou de conteneurs.
Du conteneur au continental. "On passe du transport fluvial de conteneurs maritimes à du transport continental, souligne Pascal Leyes. Pour cela, Pagny est positionné comme le lieu de transbordement idéal entre le Nord et le Sud de l’Europe, avec des complémentarité à faire jouer entre transport fluvial et ferroviaire. Cela nécessiterait, bien sûr, des lignes fluviales pour les conteneurs au nord de Lyon."
Pas dans les cartons. Le développement du transport fluvial de conteneurs sur l’axe Rhône-Saône ne fait cependant pas partie de projets de Rhenus, ainsi que l’explique Jean-Marc Thomas : "L’absence de conteneurs fluviaux au nord de Lyon est étonnant, car le transit time des bateaux est compétitif sur le Rhône et la Saône depuis Fos-sur-Mer. Notre activité, cependant, est plutôt sur le transport de vrac, la logistique de projets et toute activité à l’exception des combustibles et des conteneurs, qui n’ont pas été pris en compte dans le raisonnement qui nous conduit à entrer dans BFC. Nous étudierons, en revanche, tout ce qui peut être transporté entre le sud de la Lorraine et la Saône : produits forestiers, sel, pâte à papier, acier..."