C’est sur l’harmonisation dans ce domaine que se concentre le projet européen Competing, qui cadre dans le programme Erasmus+ pour l’éducation et de la formation et s’inscrit dans l’effort d’harmonisation mené par le Cesni qui siège au comité d’accompagnement. Competing veut aussi ouvrir la voie aux emplois fluviaux de demain en intégrant dans les compétences acquises la numérisation, l’automatisation, la communication et la durabilité. Là encore, « le but final est d’augmenter la mobilité professionnelle dans la navigation intérieure ». Mais l’aspect de la sécurité et de la transition technologique joue également.
Éviter un « tourisme des diplômes »
Une quinzaine de partenaires venus de huit pays européens différents, principalement des écoles et des instituts de formation, dont le CNAM pour la France, se sont attelés à la tâche d’harmoniser les programmes de formation, les matières enseignées, les méthodes utilisées et les examens. L’accent est résolument mis sur les compétences professionnelles à acquérir. L’initiative couvre les deux bassins principaux du Rhin et du Danube, pour faire tomber les barrières qui entravent encore aujourd’hui l’interaction entre les deux Europes fluviales, dans l’esprit qui anime également la politique fluviale européenne visant à une harmonisation à tous les niveaux dans la navigation intérieure. C’est l’institut roumain Ceronav qui se charge de rassembler tout ce qui relève des sept modules de base (voir encadré), et d’inventorier les meilleures pratiques dans tous ces domaines. « Tout ce matériel sera mis en ligne et rendu accessible à tous via Edinna », indique Kim Mylle, conseillère juridique à l’Institut pour le transport par la batellerie (ITB), un des participants belges au projet et un des trois représentants avec BLN-Schuttevaer et le syndicat européen ETF des partenaires sociaux du secteur. Ce travail s’accompagne de la mise en place d’un système de suivi de la qualité des enseignements donnés, des stages suivis et des diplômes décernés, pour éviter un « tourisme des diplômes » qui verrait des candidats obtenir au rabais, dans un pays ou l’autre, un certificat qui leur permettrait de travailler partout en Europe. Cette mission-là a été confiée à la Maritieme Academie Harlingen.
> Arjen Mintjes, directeur de la Maritieme Academie Harlingen.« Cela permettra aussi aux candidats à un emploi fluvial de suivre certains cours dans un autre pays et d’obtenir un certificat fiable pour ce volet de leur formation. Un batelier roumain pourra, par exemple, parfaire son expérience et passer ses examens sur un simulateur aux Pays-Bas », précise Arjen Mintjes. Ce responsable poursuit : « Nous nous sommes inspirés de ce qui est la règle – et qui fonctionne parfaitement bien – dans le transport maritime avec la convention STCW. Nous voulons créer un système comparable dans la navigation intérieure. Les formats utilisés sont similaires. Cela facilitera aussi le passage professionnel du maritime au fluvial. Nous voyons aujourd’hui de plus en plus de gens qui font le pas de l’un à l’autre. Le fait que les rémunérations dans la batellerie européenne n’ont plus grand-chose à envier à celles dans le transport maritime n’y est pas étranger ».
Le recours à l’anglais comme langue de référence s’apparente à la même démarche. « Il n’existe pas de lingua franca dans la navigation intérieure, ce qui constitue notamment un problème en termes de sécurité, voire même dans l’exploitation quotidienne des bateaux, à bord desquels des membres d’équipage venus d’horizons divers travaillent de plus en plus souvent ensemble. Nous avons élaboré une sorte de river speak reprenant des phrases standardisées que tout le monde doit connaître et qui permettent de communiquer quand des situations données se produisent. Quand on sait que 80 % des accidents sont dus à une erreur humaine et qu’une mauvaise communication peut y contribuer, il y a là un enjeu important pour la sécurité. Mais cela ne signifie pas que l’enseignement fluvial ne se fera plus dans la langue du pays ».
À l’horizon de 2022
Lancé en janvier 2019, Competing doit aboutir d’ici la fin 2021, à la veille de l’échéance fixée par la nouvelle directive. Malgré la crise sanitaire, l’échéance devrait pouvoir être plus ou moins tenue, assure Alexander Bakker, responsable de la communication de l’organisme néerlandais STC Group, qui assure la coordination du projet.
Les premiers modules seront bientôt livrés. « Les modèles pour les examens sur simulateurs au niveau opérationnel et gestionnaire, par exemple, qui ont été développés par des représentants néerlandais et allemands au sein du groupe de travail du CESNI sur la gestion de la qualité, sont prêts et pourront être prochainement entérinés », indique Arjen Mintjes.
À partir de 2022, des certificats européens pourront donc être délivrés, ceux existants conserveront leur validité. Ils seront repris dans une banque de données européenne offrant les liens nécessaires à toutes les banques de données nationales, ce qui facilitera la vérification des compétences. Cela aidera à faire tomber une frontière de plus.
Les sept volets de Competing
Competing veut garantir que les entrants sur le marché de l’emploi fluvial, qu’ils sortent des écoles préparant les jeunes à ce métier ou de formations permettant à des adultes de se reconvertir, disposent des mêmes compétences professionnelles, indépendamment du pays ou des organismes où ils ont obtenu leur diplôme ou certificat.
Ces compétences et connaissances requises pour le personnel du secteur fluvial, telles que décrites par le Cesni, et les cursus pour les acquérir ont été divisés en sept domaines : navigation, exploitation du bateau, transbordement de marchandises, arrimage et transport de passagers, ingénierie, entretien et réparations, communication, santé, sécurité et protection de l’environnement.