Concerter leurs efforts pour développer l’utilisation des modes massifiés de transport de marchandises : voilà le but de la collaboration qui s’amorce entre VNF et SNCF Réseau. Cette nouvelle alliance a été symbolisée par une convention de partenariat dévoilée à l’occasion de Riverdating, le rendez-vous annuel des chargeurs avec la voie d’eau organisé par VNF qui s’est tenu en ligne, confinement oblige, le 2 décembre 2020. Une première au niveau national pour les deux gestionnaires de réseau, le fluvial et le ferroviaire.
Au-delà de la faiblesse de leurs parts dans le transport de marchandises (9 % pour le ferroviaire et 3 % au niveau national pour le fluvial, qui atteint cependant 20 % dans les régions « mouillées »), ces deux modes partagent un grand nombre de caractéristiques communes : massification, vertueux sur le plan environnemental, ils disposent surtout de belles marges de progression, après avoir perdu du terrain depuis des décennies au profit du transport routier.
Une demande des chargeurs
« Les parts modales du ferroviaire ne diminuent plus, et elles restent élevées dans des secteurs comme la sidérurgie et la chimie, souligne Isabelle Delon, directrice générale adjointe de SNCF Réseau. Les infrastructures existent, les possibilités de croissance sont là et l’alliance avec VNF crée une dynamique de progression qui permettra une démarche commerciale plus forte pour soutenir le développement de nos trafics ».
Cet optimisme est partagé par le directeur général de VNF, Thierry Guimbaud, qui estime que le succès de l’opération passe évidemment par de nouveaux investissements dans les infrastructures, mais surtout par une amélioration du service offert par les gestionnaires des réseaux fluvial et ferroviaire, et une meilleure coopération entre eux : « C’est ce que demandent les chargeurs, qui constatent que les deux mondes fluvial et ferroviaire ne se parlent pas. L’objectif de cette convention, c’est de faire grandir globalement la part des modes massifiés, plutôt que de se bagarrer l’un contre l’autre. Nous devons aussi partir du commercial, de l’opérationnel, sinon l’objectif de doubler la part modale des modes massifiés pour atteindre 25 % restera une belle incantation ».
Des déclinaisons régionales, d’abord sur l’axe Seine
SNCF Réseau et VNF entendent croiser leurs analyses des marchés, pour une meilleure connaissance des flux qui leur permettra d’identifier plus précisément les opportunités de croissance. L’objectif est aussi de faire davantage connaître les atouts des modes massifiés, et surtout de mettre en place une approche commerciale commune.
« Dans un premier temps, nous devons sensibiliser à ce qui existe, et, dans un deuxième temps, construire une offre logistique réellement multimodale », résume Isabelle Delon. Ces ambitions doivent en effet se traduire sur le terrain, avec des actions concrètes dans les territoires.
C’est sur l’axe Seine que les travaux sont les plus avancés : un accord portant des mesures précises est en cours de finalisation, et devrait être signé entre SNCF Réseau et VNF début 2021. L’Île-de-France et la Normandie seront le premier lieu de convergence entre les deux établissements, car la saturation du ferroviaire y est forte, et la complémentarité entre les modes offrira rapidement des opportunités de développement.
La desserte des ports maritimes par transport fluvial ou ferroviaire est au centre de l’attention des gestionnaires d’infrastructures que sont VNF et SNCF Réseau. La mise en place de Haropa en tant que port unifié, par exemple, qui doit intervenir au 1 juin 2021, est vue par Thierry Guimbaud comme l’occasion de mettre en place un partenariat renforcé sur l’axe Seine, partenariat auquel SNCF Réseau doit selon lui être associé. Ce qu’il appelle « l’alliance de l’eau salée et de l’eau douce » ne peut ignorer le ferroviaire, alors que la crise sanitaire risque de rebattre les cartes du transport maritime mondial, pas forcément au profit des ports maritimes français.
Etre concret et opérationnel
Le partenariat entre VNF et SNCF Réseau comprend des actions internes aux deux gestionnaires de réseaux, comme le partage des calendriers prévisionnels des opérations de maintenance, afin que le chômage prévu sur un canal ne tombe pas au même moment que des travaux d’entretien sur l’infrastructure ferroviaire desservant la même zone. « Cela paraît anodin, mais ça fait parties des petites choses concrètes et opérationnelles que l’on veut porter, indique Thierry Guimbaud. Plus globalement, la mutualisation des réseaux peut être mise en œuvre. Par exemple sur le Rhin, en période d’étiage, les bateaux ne transportent plus quatre mais seulement trois, voire deux couches de conteneurs. Il faut éviter que les conteneurs n’embarquant pas sur le fleuve passent par la route : le transfert vers le rail est-il complet ? Donne-t-il satisfaction aux chargeurs ? Dans le sens inverse, le fleuve peut absorber un supplément de trafic en cas de souci sur l’infrastructure ferroviaire ».
Transport combiné rail-fleuve
La coopération entre VNF et SNCF Réseau pourrait permettre aux chargeurs de bénéficier du meilleur des deux mondes, avec des transports utilisant en continuité le fluvial et le ferroviaire pour profiter à la fois de l’avantage du ferroviaire pour les longues distance, le maillage du territoire et les connexions européennes, et des atouts du fluvial pour la pénétration au cœur des villes, où il est bien toléré, et la traversée des agglomérations. Cela se fait pour les transports de matériaux de construction à destination de Paris, qui sont chargés sur train au départ des carrières puis transbordés sur barge pour le trajet final à destination du centre de l’Île-de-France.
« Les collectivités commencent à découvrir le sujet du fluvial dans les métropoles, et les élus ont besoin que les deux modes ferroviaire et fluvial envoient le signal clair qu’ils ont la volonté de travailler ensemble », souligne Thierry Guimbaud. Le potentiel de complémentarité entre les modes pourrait aussi être mieux exploité pour les transports longue distance, notamment pour les conteneurs, par exemple, pour la traversée de Lyon en fluvial depuis Fos, avec une reprise en ferroviaire plus au nord. D’autant que les ports intérieurs permettant de faire de l’intermodalité rail-fleuve existent sur tous les bassins, et ne sont que peu utilisés.