Entreprises fluviales de France (E2F) a bâti une stratégie de sortie de crise à court et moyen termes pour la filière du tourisme fluvial. Elle a été transmise le 20 avril 2020 aux secrétaires d’État, respectivement en charge du Tourisme, Jean-Baptiste Lemoyne, et des Transports, Jean-Baptiste Djebbari.
Cette stratégie d’E2F, réalisée avec l’ensemble des acteurs de la filière, présente les actions et mesures pour préparer le déconfinement des entreprises du tourisme fluvial et la reprise d’activité pour ce qui restera de la saison 2020, soit un plan à court terme, ainsi que les conditions d’appuis économiques pour préparer la relance à partir de 2021 et au-delà, soit un programme à long terme. La rédaction de NPI va détailler cette stratégie en deux articles distincts. Ce premier papier s’intéresse au court terme.
Rappelons que toutes les activités du tourisme fluvial, croisières, bateaux-promenade, bateaux-restaurants, bateaux pour de l’événementiel, péniches-hôtels, bateaux en location ainsi que les bateaux de particuliers (plaisance), tous les bacs, passeurs de rives et navettes sont à l’arrêt depuis la mi-mars 2020. Une reprise de la navigation sur le réseau pour l’ensemble de ces activités en lien avec le tourisme est prévue à partir du 29 mai 2020, par Voies navigables de France (VNF) « si la période de déconfinement débute le 11 mai ».
Une réorientation vers le tourisme de proximité
Le poids économique de la filière du tourisme fluvial est évalué à plus de 1,3 milliard d’euros, une majorité de la clientèle provient de pays européens, d’outre-Atlantique et d’encore plus loin (Australie, Nouvelle-Zélande, Asie). Il n’y a pas pour le moment de visibilité sur un retour rapide de cette clientèle lointaine. Cela signifie que « privé de la clientèle internationale, le tourisme fluvial ne peut fonder sa stratégie de reprise que sur le tourisme national et de proximité immédiate ce qui implique une réorientation commerciale quasi complète et une réorientation des politiques publiques fondées sur un principe de souveraineté nationale ». Une analyse qui correspond à celle de 59 parlementaires qui sont signataires d’un appel à soutenir le secteur touristique français après le déconfinement dans une tribune publiée par nos confrères du Figaro.
La filière du tourisme fluvial est largement composée de PME et de TPE pour lesquelles les conséquences de l’arrêt total de l’activité suite à la crise sanitaire du Covid-19 sont considérables et présentent un réel risque pour leur pérennité. « La totalité des entreprises de la filière du tourisme fluvial est confrontée à un risque latent de défaillance et s’alarme des conséquences de la crise sanitaire », alerte E2F. Les effets de la crise vont être également durables : « à l’instar des secteurs aériens et des autres branches relevant du tourisme réceptif, l’horizon de rétablissement de la fréquentation est estimé à 2 ou 3 ans », dit E2F.
Des mesures sanitaires à bord permettent de rouvrir
Dans ces conditions, à court terme, « il est urgent de rouvrir » l’accès aux bateaux, de permettre une reprise de l’activité en organisant le déconfinement pour les entreprises du tourisme fluvial. E2F indique que celles-ci sont « prêtes à garantir à leurs personnels ainsi qu’à leurs clients la mise en place de mesures de prévention de l’épidémie efficaces, c’est-à-dire permettant de respecter les gestes barrière et la distanciation sociale. L’accès à la fourniture de gants et de gel hydroalcoolique, dans un premier temps, et de masques, dans un second temps, constitue un prérequis à la reprise ».
Pour accueillir dans les meilleures conditions possibles les passagers, les PME et TPE de la filière sont déjà engagées dans des évolutions de leur organisation de travail, de leurs règles de sécurité, de l’accueil et de la circulation à bord, des règles d’hygiène et de nettoyage à bord, de l’information délivrée sur la prévention des risques. Il faut aussi noter que pour la plupart des segments du tourisme fluvial, le temps de navigation est court et l’embarquement/débarquement des passagers rapide et peut être organisé et filtré. Pour les croisières fluviales, la prise de température peut être une solution applicable.
Pour les membres d’équipage, des équipements de protection individuelle (EPI) pourraient être fournis en fonction des approvisionnements possibles, éventuellement de manière commune avec d’autres secteurs. Les équipages de la navigation intérieure constituent d’ailleurs un atout car leur formation comporte un important volet sécurité/sûreté qui les rend plus sensibles et plus adaptés à la gestion d’une sortie de crise sanitaire comme celle du Covid-19.
Une proposition de calendrier
Les mesures sanitaires à bord étant ainsi assurées pour les passagers et membres d’équipages, quel peut-être le calendrier pour un démarrage de la saison 2020 ?
Dans son document stratégique, E2F précise que le calendrier demandé « est fonction de trois critères indissociables : la cohérence par rapport aux activités de tourisme comparables lorsqu’il y en a, les contraintes sanitaires liées à l’exploitation commerciale (c’est-à-dire, la distanciation sociale), la coordination des maillons de la chaîne de tourisme (aérien, ferroviaire, transport terrestre, hôtellerie, offre touristique "fluvestre" intégrant notamment la possibilité d’accès aux quais, la disponibilité des infrastructures de navigation, l’avitaillement...) ».
La date demandée par E2F est celle du 11 mai pour les bateaux-promenade, les bateaux de location et les péniches-hôtels. Pour les bateaux-restaurants, E2F préconise la même date que pour les restaurants, donc non connue à ce jour. Pour les bateaux organisant de l’événementiel, selon E2F, le mieux serait d’organiser une ouverture progressive en fonction du nombre de personnes pouvant se rassembler dans un même lieu ou en pourcentage de la capacité des unités. Les bacs, passeurs de rives et navettes pourraient être alignés sur le calendrier destiné aux transports en commun. Pour les croisières fluviales, E2F préconise le calendrier qui sera fixé pour les hôtels. E2F ajoute : « La stratégie de déconfinement de notre filière doit faire l’objet d’une adaptation au plus près des géographies, compte tenu du fait que le tourisme fluvial est fortement ancré dans les territoires. »
En attendant les suites qui seront données à ces propositions et demandes concernant le fluvial, Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État au Tourisme, a déclaré le 21 avril : « Le tourisme a été un secteur touché très rapidement, très brutalement, et il est aujourd’hui quasiment à l’arrêt. Le tourisme est érigé en priorité nationale. Le président de la République l’a dit dans son allocution : il sera à l’écoute des professionnels dans les prochains jours et le Premier ministre a signalé qu’un comité interministériel pour le tourisme serait réuni également courant mai. D’ici là, nous travaillons avec méthode, avec les professionnels, à co-construire un plan de relance. »