La Commission centrale du Rhin (CCNR) a publié début mai 2020 son rapport « Observation du marché » qui recense les principaux résultats de la navigation intérieure européenne à la fin du troisième trimestre 2019. Dans ce rapport, la CCNR présente également une courte analyse sur les conséquences du Covid-19 pour la navigation intérieure, soulignant notamment : « La crise aura des effets fortement négatifs sur le transport de passagers, tant sur les croisières fluviales que sur les excursions journalières » (voir notre article).
La prestation de transport sur les voies de navigation intérieure de l’Union européenne s’est élevée à 111,2 milliards de tonnes-kilomètres (tkm) à fin septembre 2019, soit une augmentation de 3 % par rapport à la même période de 2018. « Cette croissance reflète la reprise après la période de basses eaux connue en 2018 », indique la CCNR. Dans les pays danubiens (Autriche, Bulgarie, Croatie, Hongrie, Roumanie, Serbie et Slovaquie), la prestation de transport a augmenté de 18,4 % pour atteindre 19,8 milliards de tkm.
Sur le Rhin, la situation apparaît contrastée selon les types de marchandises, avec une tendance plutôt à la baisse sur les vracs et une évolution positive pour les vracs liquides.
Concernant les vracs secs, au cours des trois premiers trimestres 2019 sur le Rhin, les produits agricoles sont en repli de -9 % à 7,16 millions de tonnes et les denrées alimentaires de -1 % avec 4,4 millions de tonnes. « Les chiffres sur 12 mois pour ces deux filières sont passés de 19,6 millions de tonnes en 2013, à 17,3 millions de tonnes en 2017, et à 15,1 millions de tonnes en 2018. Sur la même période, les résultats des récoltes en Europe occidentale ont été plus ou moins stables, à l’exception d’une mauvaise campagne en 2016 », constate la CCNR.
La problématique du charbon
Mais c’est surtout l’évolution du charbon qui explique l’évolution négative des vracs secs, la transition énergétique vers d’autres énergies entraîne un recul du transport de cette matière première sur les voies de navigation intérieure en Allemagne, aux Pays-Bas et en Belgique, « ce qui constitue un défi majeur », souligne la CCNR.
En Allemagne, le programme national de transition énergétique prévoit une fermeture progressive des centrales électriques au charbon, souvent situées le long des voies navigables dans la région du Rhin et de la Ruhr, à partir de 2022 avec un objectif d’une fermeture totale en 2038. Aussi, « les prévisions à moyen terme pour les voies de navigation intérieure en Allemagne laissent entrevoir une poursuite de la baisse du transport de charbon » (voir notre article). La construction par le port de Duisbourg d’un terminal à conteneurs trimodal sur un ancien terrain de stockage du charbon constitue une preuve supplémentaire de l’abandon de cette matière première, estime la CCNR.
Aux Pays-Bas, la réduction progressive du charbon comme ressource énergétique est aussi particulièrement significative, la majeure partie du charbon utilisé dans les centrales électriques de l’arrière-pays provenant des ports maritimes ARA. La CCNR ajoute : « Le secteur néerlandais de la navigation intérieure est aussi fortement impliqué dans le transport du charbon entre les ports maritimes néerlandais et la région du Rhin et de la Ruhr en Allemagne ». Les transporteurs fluviaux néerlandais doivent aussi faire face à une diminution des transports de sables, pierres, graviers et matériaux de construction avec 69,7 millions de tonnes en 2019, contre 80,6 millions de tonnes en 2018. Cela s’explique par un objectif du gouvernement néerlandais de réduire différents types d’émissions (azote, CO2, substances chimiques telles que les substances alkylées, polyfluorées et perfluorées ou PFAS) ce qui entraîne un effet négatif sur l’activité de construction de routes et de bâtiments et donc des répercussions sont également constatées pour la navigation intérieure.
En Belgique, les sables, pierres et matériaux de construction constituent le principal segment de marchandises comme aux Pays-Bas, rappelle la CCNR. Au cours des trois premiers trimestres de l’année 2019, ce segment a atteint un volume de 12,2 millions de tonnes (-2 %) en Wallonie et de 20,7 millions de tonnes (-1,6 %) en Flandre. Le transport de charbon en Belgique a connu un recul nettement plus marqué. En Wallonie, il s’élevait à 1,2 million de tonnes (-19 %), et en Flandre à 1,4 million de tonnes (-5,2 %).
La situation apparaît beaucoup plus positive en France où le transport de cargaisons sèches a gagné 6 % au cours des trois premiers trimestres 2019. « Le segment de la construction bénéficie actuellement d’un cycle économique favorable en France, porté par les travaux de construction à Paris et dans la région Ile-de-France ». Pour l’ensemble de l’année 2019, le transport de ces matériaux a progressé de 13,9 %, pour atteindre 25,2 millions de tonnes (19,1 millions de tonnes au cours des trois premiers trimestres). Sur ce total, 15,6 millions de tonnes (valeur annuelle) ont été transportées dans le bassin de la Seine (+14 %).
Le transport de minerai de fer a souffert de la baisse du niveau des eaux et du ralentissement de l’industrie sidérurgique et automobile et présente un volume de 16,3 millions de tonnes au cours des trois premiers trimestres de l’année 2019, contre 17,8 millions de tonnes au cours de la même période de 2018. Toutefois, ce recul pourrait n’être que temporaire, compte tenu que la tendance était positive entre 2013 et 2017 pour le minerai de fer sur le Rhin.
Contrairement au vrac sec, le transport de vrac liquide connaît une tendance à la hausse sur le Rhin, en Belgique et aux Pays-Bas, poursuit la CCNR. Au cours des trois premiers trimestres de 2019, le volume de vrac liquide a augmenté de 5,8 % sur le Rhin traditionnel avec 34,3 millions de tonnes et de 9,4 % aux Pays-Bas avec 91,8 millions de tonnes. Le volume de transport de vrac liquide s’est élevé à sur le Rhin traditionnel et à aux Pays-Bas. Les produits pétroliers progressent de 10 % à 20,5 millions de tonnes sur le Rhin. La tendance est aussi positive en France (+13,4 %).
« Le transport de conteneurs sur le Rhin et en Allemagne n’a pas atteint les niveaux observés au cours du premier semestre de l’année 2018. Un ralentissement macroéconomique des importations et exportations allemandes et une perte de parts de marché après les basses eaux de 2018 peuvent en être les principales raisons », indique le rapport. Sur le Rhin traditionnel en Allemagne, le transport de conteneurs a atteint 1,57 million d’EVP au cours des trois premiers trimestres de 2019, soit -10,5 % par rapport à la même période en 2018.
Mesuré en tonnes, le transport de conteneurs a progressé de 3,1 % en Belgique-Flandre et s’est contracté de -1,8 % aux Pays-Bas, de -4,8 % en Belgique-Wallonie, de -6,9 % en Allemagne, de -7,1 % sur le Rhin traditionnel et de -8,4 % en France. Pour ce dernier pays, la CCNR relève « des disparités régionales. On observe en effet une diminution dans le bassin rhénan français (-8,2 % en EVP), mais une augmentation dans le bassin de la Seine (+15,6 % en EVP) et dans le bassin du Rhône (+12,7 % en EVP). Dans le bassin du Nord-Pas-de-Calais, le résultat en EVP est resté relativement stable (+0,6 %). Les comparaisons géographiques en France montrent que le volume en tonnes, par conteneur, est plus élevé dans le bassin rhénan français que dans les autres bassins fluviaux français ». Sur le canal Albert, le transport de conteneurs a suivi une tendance à la hausse en 2019. Il a atteint 433,3 milliers d’EVP au cours des trois premiers trimestres de l’année 2019, soit +9,2 % par rapport à la même période en 2018.