Une étude pour des trains de produits agro-alimentaires entre la Bretagne et la Chine

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L’association France-Eurasie pour l’agro-alimentaire (AFEAA), avec le soutien de France Agrimer, a conduit une étude de faisabilité pour du transport ferroviaire de produits agro-alimentaires entre la Bretagne et la Chine, dans le contexte des « nouvelles routes de la Soie ». Au-delà des freins à lever, pas seulement liés au contexte sanitaire actuel du Covid 19, une chaîne logistique ferroviaire pour ce genre de produits sous température dirigée apparaît possible. L’association France-Eurasie pour l’agro-alimentaire (AFEAA, ex-AFRAA), avec le soutien de France Agrimer, a présenté, le 26 février 2020 lors du Salon international de l’agriculture, une étude de faisabilité pour du transport par voie ferroviaire de produits agro-alimentaires entre la Bretagne et la Chine, dans le contexte des « nouvelles routes de la Soie » (One Belt, One Road, OBOR). Pour mieux comprendre cette étude de l’AFEAA conduite en 2019, il faut rappeler qu’elle fait suite à une précédente analyse menée en 2014 par l’interprofession nationale porcine (Inaporc), qui souhaitait identifier les conditions à remplir et les freins à lever pour réaliser un transport ferroviaire de viande porcine depuis la Bretagne, principal lieu de production français, vers la Chine. Le projet avait alors tourné court suite à la mise en place d’un embargo par la Russie sur les produits agro-alimentaires européens et interdisant leur transit sur son territoire. Cette décision de la Russie répondait aux mesures restrictives prises par l’Union européenne à son encontre suite à l'annexion de la Crimée et à la déstabilisation de l'Ukraine. Cette situation a évolué en 2019 : la Chine a exercé une forte pression politique et obtenu en juillet de la Russie un décret accordant le transit de certains produits agro-alimentaires européens sous certaines conditions. Il s’agit notamment d’un système de scellés électroniques des conteneurs pour être certains que des derniers restent fermés lors du transit en Russie et d’un suivi des trains par le système GPS russe. Il faut aussi rappeler que pour la Chine, l’import de produits agro-alimentaires, dont la viande porcine, correspond à un besoin d’approvisionnement fondamental. La fièvre porcine a décimé le cheptel chinois dans le courant de l’année 2019. La Chine a importé 3 Mt de viande de porc en 2019, soit 50 % de plus qu’en 2018, et la tendance devrait se poursuivre à l’avenir. La France a exporté 170 000 tonnes de viande porcine vers la Chine en 2019.

Le ferroviaire, une alternative intéressante

Lors de la présentation de l’étude de l’AFEAA, Didier Delzescaux, directeur d’Inaporc a indiqué : « La Chine est structurellement déficitaire en produits agroalimentaires. Elle a besoin de sécuriser ses approvisionnements et d’importer de nombreux produits. Actuellement, ceux-ci sont majoritairement acheminés par voie maritime à destination de trois ports principaux Tianjin, Shanghai et Shenzhen. Nous savons que la Chine tient à développer ses approvisionnements, notamment par le ferroviaire dans le cadre des nouvelles routes de la Soie. Si les projets sont, pour le moment, suspendus compte tenu du Covid 19, la Chine tient à les continuer quand cette situation sanitaire aura été dépassée. Le ferroviaire ne pourra pas se substituer au maritime en termes de volumes transportés mais il constitue une alternative intéressante en offrant la possibilité de livrer des marchandises avec un délai plus court que le maritime et à condition de lever tous les freins existants. Dans la mesure du possible, nous envisageons un test grandeur nature d’ici la fin de l’année ».

Le temps d’un trajet maritime entre la France et la Chine varie de 35 à 40 jours voire entre 45 et 50 jours. Pour le ferroviaire, le délai est de 18 à 20 jours et pourrait même passer à 10 jours seulement dans les 5 ans à venir.

Respecter la chaîne du froid

L’étude de l’AFEAA détaille les conditions à remplir, les freins et les solutions envisagées pour lever ces derniers afin de réaliser du transport ferroviaire de produits agro-alimentaires sous température dirigée entre la France et la Chine.

Les freins sont techniques : écartement des rails différents selon les pays (ce qui signifie changer les bogies ou transborder les conteneurs donc besoin de plate-forme et prévoir le temps nécessaire), respect de la chaine du froid. Concernant ce dernier point, l’étude propose d’utiliser des conteneurs frigorifiques disposant d’unités autonomes de réfrigération, selon deux options : soit négocier avec une société de location de conteneurs pour disposer d’une flotte suffisante et d’un contrat à l’année, soit démarrer le transport avec des conteneurs frigorifiques autonomes selon les disponibilités puis la demande pourrait favoriser l’offre. Ensuite, en fonction de l’évolution des flux, l’achat en propre de conteneurs frigorifiques autonomes pourrait être une solution avec la contrainte de devoir entretenir le parc et de disposer d’un total de 400 conteneurs pour assurer une rotation hebdomadaire.

Préparer le dédouanement en amont

Les freins sont politiques concernant la traversée de la Russie, pays incontournable par ferroviaire entre la France et la Chine. Suite à la pression chinoise exercée sur la Russie, le décret de juillet 2019 accorde le transit de certains produits agro-alimentaires européens sous certaines conditions. Celles-ci concernent notamment la mise au point d’un système de scellés électroniques des conteneurs pour être certains que des derniers restent fermés lors du transit en Russie et d’un suivi des trains par le système GPS russe. De premiers tests sur un tel système auraient donné des résultats positifs en décembre 2019. Mais la liste des documents à fournir pour le transit de la Russie reste très longue et des négociations sont encore en cours au niveau des gouvernements pour parvenir à une solution acceptée par toutes les parties.

Les freins sont administratifs et douaniers. Un trajet ferroviaire France-Chine suppose aussi la traversée de nombreux pays, que l’on fasse le choix de l’itinéraire nord ou sud, et donc le passage de nombreux postes-frontière terrestres qui n’ont pas toujours l’habitude de gérer des produits agro-alimentaires, à la différence des terminaux portuaires. Comme solution, l’étude préconise « un travail en amont visant à préparer le dédouanement avec l’administration chinoise, les transporteurs et les clients chinois. Ce dédouanement doit être mis en place avant d’envoyer les conteneurs en Chine par le train. Il s’agit de diminuer voire supprimer les risques de blocage aux frontières ». Il faudra au minimum « huiler le dispositif » lors des passages des différentes frontières des différents pays pour éviter des arrêts systématiques notamment pour des contrôles sanitaires des conteneurs. L’objectif est de parvenir à faire réaliser ces contrôles au point de livraison final et non aux frontières.

Des prix 2019 en baisse par rapport à 2014

L’étude de l’AFEAA détaille les offres de transport de plusieurs opérateurs, notamment Forwardis, Clasquin, UTLC, ce qui permet d’aborder les aspects économiques du projet.

Il se pose ici la question du point de départ pour le train, compte tenu que les « nouvelles routes de la Soie » ne sont pas vraiment implantées en France. Seule la plate-forme de Dourges-Delta 3 reçoit et voit partir des trains réguliers à destination de la Chine (Wuhan).

Forwardis a proposé un départ de la plate-forme de Dourges soit avec un train complet soit un train en multi-lots/multi-clients mais aussi un départ d’Allemagne ou de Belgique sur un train en multi-lots/multi-clients. Clasquin a proposé un départ de Dourges. Les départs depuis cette plate-forme située dans les Hauts-de-France, près de Lille, supposent d’organiser les pré-acheminements du ou des conteneurs depuis Rennes en Bretagne soit par le train (en passant par Valenton pour gagner Dourges) soit par la route. UTLC, compagnie ferroviaire appartenant aux chemins de fer russe, biélorusse et kazakh, a proposé un transport ferroviaire à partir de la frontière entre la Pologne et la Biélorussie et jusqu’à la frontière du Kazakhstan et de la Chine, ce qui suppose d’organiser des pré et post-acheminements au départ de Rennes jusqu’à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie et une fois le train parvenu à la frontière de la Chine.

Selon l’étude, l’expédition par voie maritime de viande porcine est évaluée entre 0,12 et 0,15 cents d’euro par kilo alors que par voie ferroviaire, le coût se situe entre 0,15 et 0,23 cents d’euros par kilo transporté dans un conteneur dry et entre 0,23 et 0,28 cents d’euros par kilo transporté dans un conteneurs frigorifique autonome.

L’étude explique : « On constate qu’il y a eu une réduction du prix en 2019 par rapport à 2014 qui était alors compris entre 0,28 et 0,30 euros par kilo transporté en conteneur frigorifique autonome. L’analyse conduite laisse penser que le prix pourrait continuer à baisser dans les années à venir sauf si les autorités chinoises décident d’arrêter ou de réduire les subventions attribuer au transport ferroviaire. (…). Les prix annoncés restent pour l’instant théoriques et une négociation est possible en fonction des volumes. (…) La solution par Dourges ne facilite pas les aspects logistiques car cette plate-forme se situe loin des bassins de production français qui sont situés en Bretagne. Il faut donc prévoir des frais d’acheminement supplémentaires depuis l’ouest de la France jusqu’à Dourges ». L’une des options proposées par la SNCF est de passer par la plate-forme de Valenton.

Au final, pour l’AFEAA, le principal frein à lever pour un premier voyage-test, si possible d’ici la fin 2020, est celui en lien avec le contexte politique du transit par la Russie. « Si les autorités de ce pays ont levé politiquement leur embargo sur le transit des produits agro-alimentaires européens via leur territoire, il reste à connaître les modalités exactes qu’il faudra respecter pour un tel transit ». Pour les autres difficultés, il existe des solutions ou des pistes de solution listées par l’étude. Au-delà des freins à lever, et en dehors du contexte sanitaire actuel du Covid 19, une chaîne logistique ferroviaire apparaît ainsi possible pour du transport de produits agro-alimentaires entre la France et la Chine. Pour France Agrimer, l’étude réalisée correspond « aux genres de projets que les filières agricoles doivent envisager. La Chine y pousse. Il s’agit pour la France d’entrer dans une nouvelle dynamique de commerce pour les produits agricoles, en se distinguant des autres pays exportateurs ».

La conclusion est revenue à l’ambassadeur de la République populaire de Chine en France, Lu Shaye : « Améliorer le commerce par la voie ferroviaire est l’une de nos priorités dans le cadre de One Belt, One Road. Il y a un potentiel entre la France et la Chine pour développer le commerce, y compris pour les produits agro-alimentaires pour augmenter les importations de haute qualité vers la Chine ».

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