Les enjeux de la relation Ville-Port
Le « Castel », ancien siège de la SNCM, est désormais le haut lieu de l’innovation abritant l’incubateur de CMA CGM Ze Box et la Cité de l’innovation et des savoirs. « Tous les smart ports du monde ont sollicité CMA CGM. Jacques Saadé avait une réelle volonté de s’ouvrir sur le territoire et les conditions sont réunies pour passer à la vitesse supérieure. Après la signature du partenariat avec Infosys il y a deux ans, nous accueillons aux Docks 200 salariés de Ceva », explique François Bottin, directeur de la Digital Factory de CMA CGM.
L’université d’Aix-Marseille, également embarquée dans l’aventure, se mobilise à travers la « Brain Port Community » qui fédère les acteurs de la recherche, de la formation pour favoriser des formations et programmes de recherche spécifiques comme le nouveau diplôme d’études supérieurs d’université (DESU) « Economie de la mer » ou la création d’une chaire « Smart Port » animée par un thésard senior. « Le CNRS, le CEA, Centrale, Kedge, l’École des Mines de Gardanne, IEP, les Arts et Métiers font partie de la Brain Port Community car les enjeux sont interdisciplinaires avec le déploiement des capteurs, l’automatisation, les données, l’intelligence artificielle. De nouvelles problématiques émergent sur les énergies, les enjeux d’aménagement entre la ville et le port », détaille Frédéric Rychen, responsable du master au sein de l’université d’Aix-Marseille.
Étonnamment, ni la préfecture de région, ni le Pôle mer-Méditerranée ne sont signataires de la convention. Pourtant légitime et financée par les mêmes collectivités territoriales, l’association Pôle mer-Méditerranée aux 430 adhérents en régions Sud et Occitanie dispose simplement d’un siège au comité technique.
Refusant d’entrer dans une quelconque polémique, le directeur du Pôle mer-Méditerranée Patrick Baraona a préféré prendre de la hauteur : « L’association intervient sur des sujets liés au Smart Port mais à l’échelle nationale. Nous contribuons aux travaux de la stratégie nationale portuaire. Nous co-pilotons un des sept groupes de travail sur la compétitivité portuaire. Nous avons déjà labellisé plus de 400 projets pour plus d’un milliard d’euros de budget et 350 M€ de financements publics ».
De son côté Jaap Van Den Hoogen, président de MGI, n’a pas hésité à tacler les start-up et déploré le manque de reconnaissance des trente années de travaux de l’entreprise. « Ce sont des jeunes qui ne savent pas ce qui existe déjà à Marseille. Nous avons développé le meilleur cargo intelligent system au monde et nous travaillons sur le dédouanement anticipé des marchandises. Le gouvernement veut lancer une plate-forme numérique mais elle existe déjà ! Dans le monde entier, tout le monde s’intéresse à MGI, nous avons reçu l’IT Award de l’IAPH, mais ici personne ne s’intéresse à nous », affirme-t-il.
Traxens, signataire de la convention triennale, se félicite d’avoir comme client et actionnaire CMA CGM, Maersk et MSC. « L’excellence de demain passe par la formation. La digitalisation fragmente les métiers et ce sont les cerveaux qui font toute la différence. Nous réinventons les métiers dans un monde drivé par une demande de plus en plus customisée », insiste Michel Fallah, pdg de Traxens.
Le décloisonnement s’opère également au sein de Naval Group. « Le leadership passe par l’innovation. Dans le secteur de la défense nous travaillons sur une échelle de temps longue et la collaboration avec les start-up nous challenge et nous permet de développer des technologies de rupture », explique Émile Cazzato, Business Manager de Naval Group.
Trouver des financeurs
Le port de Marseille-Fos entend bien intégrer le French Smart Port in Med dans son projet stratégique. Avec un œil neuf sur les travaux engagés de la communauté Smart à Marseille, Hervé Martel souligne l’exemplarité de la démarche collective phocéenne. « Au Havre, la question se pose encore de savoir qui est leader. Par ailleurs, avoir de bonnes idées ne suffit pas, il faut trouver des financeurs et Marseille a réussi à faire carton plein ! », souligne le directeur du port de Marseille-Fos.
Jupiter 1000, Vasco2, branchement des navires à l’électricité… Les projets labellisés « Smart Port » visant à améliorer la performance économique et environnementale de l’écosystème portuaire, logistique et industriel existent mais ne sont pas suffisants, selon Frédéric Dagnet, directeur de la prospective du GPMM : « Notre ambition consiste à développer 15 projets par an, des projets créateurs de valeurs et d’emplois ». Jean-Marc Forneri, président du port de Marseille-Fos précise :
« Une douzaine de projets sont labellisés Smart Port parmi lesquels la blockchain, la construction de la pilotine électrique, les Smart Grids ».
Reste à savoir comment s’interfacent les projets labellisés par le Pôle mer-Méditerranée et ceux du Smart Port… Quant au président de la chambre de commerce et d’industrie Jean-Luc Chauvin, gestionnaire depuis quelques mois du port de l’Anse de la Réserve (à l’extrémité du Vieux Port), il a, pour sa part, appelé à une extension de la démarche « à la plaisance, au littoral et à la préservation de la biodiversité ».