UEF représente non seulement les transporteurs de marchandises et de passagers, mais aussi les autres entreprises du fluvial : loueurs de bateaux, chantiers, experts, prestataires, etc. La première réunion de l’UEF date du 15 janvier 2019, mais sa constitution n’a été officialisée qu’au 20 novembre. « La création de l’UEF s’est faite dans le Sud-Ouest, mais il ne s’agit pas d’une association de bassin », précise son président provisoire, Vincent Melgoso, ancien chef de l’unité de sécurité fluviale de Toulouse, aujourd’hui devenu consultant spécialisé dans les titres et certificats de navigation. « Nous avons fait le constat que la navigation est historiquement tournée vers le transport de marchandises sur les canaux du Nord et de l’Est de la France. Les autres régions, plus éloignées du pouvoir central, sont moins écoutées. L’UEF vient ainsi combler un vide dans la représentation des entreprises fluviales, la CNBA ayant été créée à une époque où le transport fluvial de passagers était moins développé qu’aujourd’hui, et le CAF ayant trop longtemps négligé les transporteurs du Sud-Ouest. Il y a aussi de la part de certains petits entrepreneurs fluviaux un rejet des gros armateurs, ce qui est préjudiciable car ils ont beaucoup en commun avec les grands croisiéristes ».
Coopération plutôt que concurrence
Ce dernier constat est partagé par Didier Léandri, ancien président-délégué général du CAF, qui dirige aujourd’hui E2F et représente donc également désormais les artisans bateliers : « Armateurs et bateliers partagent le même avis sur 99 % des sujets. Il est normal qu’il y ait des initiatives différentes, en fonction de la localisation et de la taille des entreprises, mais nous croyons que c’est par une alliance de la totalité des transporteurs que l’on réussira à valoriser le secteur fluvial. Nous sommes complémentaires et nous devons garder à l’esprit que l’union fait la force, et que nous devons travailler ensemble pour répondre aux préoccupations de nos adhérents et orienter les décisions publiques en fonction des enjeux du transport fluvial ». Les deux associations ont prévu une réunion commune courant janvier 2020, pour échanger sur les différents dossiers intéressant le secteur fluvial, et voir si une collaboration est possible entre elles.
La place existe pour deux associations car tous les bateliers ne souhaitent pas rejoindre E2F, soit pour des raisons historiques, par peur que les petits se fassent avaler par les gros, soit pour des raisons liées au coût de l’adhésion. D’autres artisans, au contraire, rejoignent volontiers E2F pour profiter d’une représentation plus conséquente, plus structurée, mieux financée. Une troisième association a aussi son rôle à jouer, mais entend conserver sa spécificité : il s’agit de la fédération Agir pour le fluvial (APLF), qui regroupe le secteur fluvial de façon encore plus variée que les deux précédentes puisqu’elle compte parmi ses adhérents des transporteurs de marchandises, des transporteurs de passagers, des plaisanciers, des péniches-hôtels, mais aussi des associations liées au fluvial et des collectivités territoriales concernées par les fleuves et canaux. « Le fluvial est un secteur large, qui ne peut être représenté par une seule association », résume le président d’APLF, Jean-Marc Samuel.
Interprofession : le chantier continue
Avoir un interlocuteur unique pour l’ensemble des professions fluviales : c’est ce que souhaitait le ministère chargé des transports, qui a missionné en juin 2018 le préfet François Philizot, délégué interministériel au développement de la vallée de la Seine, pour créer une interprofession rassemblant toutes les professions liées au fluvial, depuis les chargeurs jusqu’aux transporteurs en passant par les intermédiaires, prestataires, etc. Les armateurs fluviaux du CAF étaient réservés, mais non défavorables à cette interprofession. Les artisans bateliers de la CNBA y étaient fermement opposés, principalement en raison du coût de la contribution volontaire obligatoire prévue. E2F a aujourd’hui adopté ce point de vue. Est-ce sous la pression des bateliers, comme une condition à leur adhésion à E2F ? Didier Léandri, loin de confirmer cette explication, affirme : « Le projet doit se réinventer au regard du nouveau contexte. Nous ne pouvons souscrire à la maquette proposée, notamment en raison du montant très élevé de la contribution volontaire obligatoire, mais aussi du fait de notre priorité : développer E2F en tant que fédération des transporteurs fluviaux. Nous connaissons une bonne dynamique d’adhésion parmi les artisans bateliers, comme parmi les armateurs, passagers ou marchandises, qui n’étaient pas forcément adhérents du CAF jusqu’à présent ».
La constitution de l’interprofession n’est cependant pas abandonnée, et E2F continue à participer au groupe de travail mené par François Philizot, qui confirme : « Le programme a été modifié par la disparition de la CNBA et la création d’E2F, mais les choses suivent leur cours et l’interprofession devrait être lancée en 2020 en mode préfiguration, même si elle ne sera pas encore formellement constituée. Il est important que tous se regroupent car le fluvial, qui a le vent en poupe, ne concerne qu’un petit nombre d’acteurs. L’interprofession peut aussi être, pour le fluvial, l’occasion de mieux travailler avec le secteur maritime ».