NPI : Constatez-vous une diminution de trafic liée à la crise sanitaire et au confinement ?
Toni Nicolay : Le trafic fluvial est maintenu, et nos lignes régulières de conteneurs continuent à fonctionner avec onze bateaux. Il en est de même pour notre train entre Rotterdam et Kehl. On peut considérer que, avec la crise sanitaire, le Nouvel An chinois a duré plus longtemps que prévu. Avec tout ce qui a été expédié avant ces événements, nous n’avons pas rencontré, jusqu’à présent, de repli de trafic significatif. Bien sûr, certains transports ne se font pas malgré les adaptations que nous réalisons, mais à l’heure actuelle la situation est loin d’être catastrophique.
Il se pourrait que les choses changent, car tout le monde s’attend à une diminution de trafic de l’ordre de 20 à 30% dans les prochaines semaines. Cela viendrait en quelque sorte compenser la baisse du niveau du Rhin, qui aurait dû nous amener à affréter de la cale supplémentaire. Ces affrètements ne se feront pas, et les transports continueront avec notre flotte habituelle.
Une difficulté à laquelle nous risquons aussi d’être confrontée est celle des nouveaux arrivages des conteneurs en provenance de Chine, qui ne pourront peut-être pas être reçus dans l’arrière-pays. Il y a en effet un souci de stockage intermédiaire, de nombreuses entreprises étant à l’arrêt. D’autres, au contraire, vont reprendre le travail, ce qui rend difficile l’appréciation du problème.
NPI : Comment vous adaptez-vous à la fermeture nocturne, depuis le 1er avril, des écluses du Rhin supérieur ?
Toni Nicolay : Les écluses du Haut-Rhin fonctionnent, en effet, avec des horaires réduits : c’est un défi qu’il nous faut relever. Nous adaptons pour cela nos horaires de navigation, et réduisons le nombre de passages dans les ports. Nous continuons à desservir tous les terminaux, mais tous les bateaux ne font plus escale dans tous les terminaux comme c’était le cas précédemment. Si un bateau fait escale à Strasbourg, ce sera un autre qui ira à Kehl ; de la même façon, un bateau ira à Ottmarsheim et un autre à Neuf-Brisach.
Pour cela, nous faisons un triage dans les ports maritimes, et chargeons chaque bateau en fonction des terminaux qu’il va desservir afin de proposer aux clients un service fonctionnel. Grâce à cette adaptation de nos escales, l’aller-retour entre les ports de mer et Bâle dure toujours deux semaines, même si la durée du trajet a été allongée de 24 heures en moyenne.
NPI : Rencontrez-vous des difficultés particulières dans les ports où vous faites escale ?
Toni Nicolay : Sur les ports, nous rencontrons des restrictions, le personnel n’étant pas aussi disponible que d’habitude. Mais nous organisons les transports à l’avance, et les ports s’adaptent au passage des bateaux avec une communication constante. L’outil électronique que constitue RPIS est très utile pour cela, mais l’essentiel reste la communication directe entre les différents opérateurs.
NPI : Au-delà des conteneurs, qu’en est-il des autres marchandises transportées sur le Rhin ?
Toni Nicolay : Sans être un spécialiste de ces marchandises, il me semble que les transports de produits pétroliers continuent. Les transports liés à l’acier aussi, d’après ce que m’en disent mes collègues à Duisbourg, même si tout le monde s’attend à une contraction dans les prochaines semaines. Sur le Haut-Rhin, les transports de colis lourds se poursuivent, sauf pour certaines grosses pièces, les services techniques n’étant pas toujours disponibles pour démonter les équipements faisant obstacle au transport routier. Des entreprises reprennent le travail, comme Liebherr par exemple qui a recommencé mi-avril les chargements de pelles destinées à l’exportation. Toujours dans le domaine des colis lourds, notre bateau Fortitudo est à l’arrêt à Jeumont, dans l’attente de la reprise du travail de l’entreprise Jeumont Electric.
NPI : Avez-vous déjà anticipé la sortie de la crise actuelle ?
Toni Nicolay : Non. Nous naviguons à vue. Dans le monde fluvial, nous sommes habitués à nous adapter en permanence à la situation, et c’est ce que nous continuerons à faire.