Sur la Seine : vers une navigation à l’électricité

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La Seine accueillant chaque année davantage de passagers, que ce soit en croisière ou pour de simples promenades, le besoin des branchements électrique se pose, pour le courant de quai des paquebots fluviaux ou pour la recharge d’une flotte équipée de batteries et moteurs électriques.

La Seine, dans Paris, est une zone de navigation très fréquentée, avec 58 compagnies exploitant des bateaux-promenade de toute taille. Autour des îles Saint-Louis et de la Cité, le passage de 500 bateaux est enregistré par jour, avec un pic à un bateau toute les minutes en soirée, lorsque se cumule la présence des bateaux-promenade classiques et de ceux proposant des dîners à bord.

Avec plus de 7,5 millions de touristes l’ayant visité depuis le pont d’un bateau en 2018, et encore davantage de passagers attendus en 2019, la Seine parisienne rivalise presque, pour ce qui est de la fréquentation, avec le musée du Louvre, et devance la tour Eiffel. Si la Seine était un monument, elle deviendrait, en 2019, le troisième monument le plus fréquenté de Paris, derrière la basilique du Sacré-Cœur et le Louvre, la cathédrale Notre-Dame étant provisoirement hors-jeu depuis l’incendie d’avril dernier.

Malgré la belle fréquentation de la Seine, des marges de progressions existent encore, selon Nicolas Mouyon, directeur de l’agence de Paris de Haropa-Ports de Paris : « Cela passe par l’étalement des horaires de navigation ainsi que par la possibilité d’assouplissement de certaines règles de navigation, en autorisant, par exemple, certains bateaux à naviguer plus rapidement, ou encore en offrant plus de possibilité aux bateaux de se doubler ». La croissance du trafic fluvial dans Paris passe aussi par un accès aux quais, qui sont très demandés dans le centre-ville. La majorité des quais exploitables sont aujourd’hui occupés soit par des établissements flottants, soit par des grands services urbains en lien avec le fret fluvial, soit par l’activité de tourisme, avec ou sans navigation, soit par des bateaux-logement qui occupent 13 % du linéaire.

L’aménagement des escales publiques

Les promenades en bateau dans Paris s’organisent à partir de ports d’attache où les bateaux sont stationnés, ou bien à partir d’escales publiques mises à dispositions par le Ports de Paris : au nombre de 25 dans la capitale, ces escales publiques permettent d’accueillir des compagnies différentes sur chaque escale, et de reléguer les ports d’attache des bateaux dans des lieux moins accessibles au public. « On imagine, pour l’avenir, l’optimisation de certains quais pour accueillir davantage de bateaux, en rendant exploitables des sites qui ne le sont pas aujourd’hui, du fait de la configuration du quai, de leur équipement ou de leur accessibilité », déclare Nicolas Mouyon. Autre piste pour accueillir davantage de bateaux à passagers dans Paris : les quais à usage partagés. La pratique se répand déjà pour les ports urbains de fret, les quais des centrales à béton réaménagées étant, par exemple, ouvertes à la circulation des piétons le soir, en dehors des horaires d’activité. Lors du réaménagement de futurs sites, le partage d’activité entre les bateaux de fret le matin et les bateaux-promenade l’après-midi ou en soirée pourrait s’envisager, à condition de le prévoir dès l’aménagement du quai.

L’exemple du Ducasse-sur-Seine

Les grands bateaux-promenade ne sont pas les seuls à transporter des passagers dans Paris : l’offre s’étend avec des types de bateaux différents, notamment de taille plus petite, proposant moins de 12 places, avec des propositions de privatisation du bateau pour des promenades à la carte, selon les attentes des clients. Il ne s’agit pas, cependant, de bateaux de location sans permis comme cela se rencontre sur les canaux de petit gabarit : les dangers de la navigation dans Paris exigent la présence d’un professionnel à bord. Certains de ces « petits » bateaux sont à propulsion électrique, ce qui permet de conjuguer l’accroissement du nombre de bateaux naviguant dans le bief de Paris avec les enjeux liés à la transition énergétique.

L’exemple le plus emblématique de l’électrification de la flotte parisienne reste le Ducasse-sur-Seine, bateau-restaurant 100 % électrique lancé par le chef Alain Ducasse. Depuis 2018, il a son port d’attache au pont d’Iéna, au pied de la tour Eiffel. Le bateau effectue chaque jour deux sorties d’une heure et demie, une pour le déjeuner et une pour le dîner. Cela lui laisse le temps de recharger sa batterie complètement pendant la nuit, et suffisamment l’après-midi pour la sortie du soir.

« Ce qui est possible pour le Ducasse-sur-Seine n’est cependant pas réaliste pour des bateaux sortant plus souvent dans la journée, ou naviguant même en continu du matin au soir, tempère Nicolas Mouyon. Tous les bateaux naviguant dans Paris ne pourront pas passer du jour au lendemain à l’électricité sur batterie. Haropa essaie de promouvoir la transition énergétique, par exemple, en se posant la question de l’électrification des escales publiques, en faisant la promotion des solutions innovantes avec chaque année son trophée environnemental de la flotte fluviale, ou encore en accompagnant une étude pilotée par la Communauté portuaire de Paris portant sur les conditions nécessaires au passage à la navigation électrique ».

Cette étude, lancée début 2019 et toujours en cours, recense les différentes solutions techniques pour une motorisation fluviale électrique, évalue le coût pour les opérateurs fluviaux de l’abandon du gasoil et les conséquences pour le gestionnaire de l’infrastructure électrique de la fourniture de courant sur les quais. Elle détaille aussi les aménagements à réaliser par Ports de Paris sur les escales publiques pour apporter la puissance électrique nécessaire au rechargement rapide des bateaux.

Les besoins spécifiques des paquebots fluviaux

Cette étude ne portant que sur les bateaux-promenade, Haropa-Ports de Paris s’intéresse aussi aux paquebots de croisière fluviale, dont la longueur autorisée dans Paris sera bientôt portée de 110 m à 135 m par une modification du règlement particulier de police. Une borne électrique pour l’alimentation électrique de ces gros bateaux, très consommateurs de courant, est actuellement en test au port de Javel-Bas (XVe arrondissement) pour leur fournir du courant électrique lorsqu’ils sont à quai. L’enjeu est de rendre cette borne compatible avec l’ensemble de la flotte, chaque compagnie de croisière ayant développé des standards différents. Une fois parvenue à ses fins, Haropa compte déployer des bornes similaires sur d’autres sites.

Sur la Seine, en dehors de Paris, des bornes électriques existent déjà, installées pour permettre aux paquebots fluviaux d’éteindre leurs moteurs lorsqu’ils sont à quai, tout en continuant à bénéficier de courant électrique. Une telle borne existe à Caudebec-en-Caux, par exemple, sur un site d’escale géré par Haropa-Port de Rouen. Des collectivités s’y mettent aussi, c’est le cas, par exemple, aux Andelys, également en Normandie. Mais la mise en place d’un branchement n’est jamais une chose simple et rapide. VNF et Haropa mènent actuellement en co-maîtrise d’ouvrage une étude pour l’installation d’une borne pour les paquebots à Rouen : « lI s’agit d’un site contraint, inondable, en secteur sauvegardé, avec une voie ferrée passant à proximité, donc l’installation de cette borne n’est pas simple, souligne Marie-Noëlle Riffault, responsable du bureau tourisme de VNF Bassin de la Seine. L’étude de faisabilité a été lancée fin 2018, les conclusions ont été rendues en mars 2019. Si la décision est prise d’installer une telle borne, qui doit être réalisée sur mesure, il se sera passé plus de deux ans entre la conception et la mise en service ».

Les besoins spécifiques de paquebots, en ce qui concerne les lieux d’escale comme la puissance appelée, leur interdisent l’utilisation des bornes électriques mises en place sur la Seine pour les bateaux de fret depuis le début de l’année 2019, d’abord à Amfreville, puis au Havre, à Rouen, à Gennevilliers, et dernièrement à Conflans.

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