«Les mesures de soutien au tourisme fluvial constituent un geste financier assez considérable pour Voies navigables de France. En 2020, nous avons perçu 10 % des péages habituels pour une activité à 30 % de son niveau normal. VNF s’inscrit ainsi dans la ligne du gouvernement de soutenir les activités dans le contexte de la crise sanitaire. Collectivement, on doit faire en sorte que l’écosystème soit préservé. Comme dans toute crise, les mesures de soutien ne peuvent pas durer ad vitam aeternam. En sortie de crise, malgré tous les efforts, il y aura sans doute des entreprises qui seront davantage en souffrance et arrêteront leurs activités pour raison financière. Nous espérons bien évidemment qu’il y en aura le moins possible », précise Nicolas Delaporte, responsable développement tourisme de l’établissement.
Selon de premières estimations d’Atout France fondées sur des données de la Banque de France et de l’Insee, en 2020, les recettes touristiques ont dévissé de 41 % avec 89 milliards d’euros. « Plus de 60 milliards d’euros de recettes manquent à l’appel pour le tourisme français. L’année 2020 a été un choc », selon Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’état chargé du secteur, le 8 janvier 2021 sur France 2.
Atout France a indiqué que les recettes domestiques ont diminué de 29 milliards d’euros (- 48 %) tandis que du côté de l’international, le repli est de 32 milliards (- 52 %). La consommation touristique intérieure, évaluée à environ 180 milliards d’euros -dont 30 milliards d’euros de consommation en résidences secondaires- soit 7,4 % du PIB national, a ainsi reflué d’à peu près un tiers, à cause de l’absence de flux de voyageurs suite à la pandémie avec un trafic aérien quasiment à l’arrêt, la réduction des déplacements avec les fermetures de frontières, les confinements et les couvre-feux.
La chute des recettes a été la plus élevée en Ile-de-France (- 23,1 milliards d’euros) suivi d’Auvergne-Rhône-Alpes (- 7,2 milliards d’euros), de Provence-Alpes-Côte d’Azur (- 6,7 milliards), de l’Occitanie (- 4,5 milliards) et de la Nouvelle Aquitaine (- 4,1 milliards). Le manque à gagner s’est élevé à 2,6 milliards d’euros pour les Hauts-de-France, 2 milliards pour la Bretagne et les Pays-de-la-Loire.
Malgré les incertitudes qui se poursuivent depuis le début 2021, Atout France prévoit 111 milliards d’euros de recettes touristiques en 2021 (+ 48 % pour la clientèle internationale, + 16 % pour la clientèle domestique).
« Naviguer tranquille »
« Pour 2021, nous avons amélioré le dispositif de soutien avec un forfait annuel et non plus un forfait jour comme en 2020. La raison est que nous avons gagné en visibilité, les protocoles sanitaires sont définis, le vaccin est arrivé, des espoirs existent sur les vols moyen-courrier intra-européen qui pourraient permettre de retrouver des flux de touristes au printemps. Toutefois, cela devrait rester compliqué pour les vols en provenance des marchés lointains, peut-être seulement à partir de septembre ou octobre. Des opérateurs ont fait part qu’il y avait des perspectives sur les activités », indique Nicolas Delaporte.
En 2021, les opérateurs de tourisme fluvial vont bénéficier d’un abattement de 65 % sur les péages et de 50 % sur les loyers d’occupation du domaine public fluvial. « Pour trouver un point d’équilibre, l’opérateur doit effectuer 50 navigations. En quelque sorte, à partir du cinquante et unième jour, il navigue gratis. Ce système ne lui coûte pas plus cher que les formules précédentes ».
Un travail collectif
VNF entend aussi simplifier la vie des opérateurs, leur permettre de naviguer tranquille : c’est l’autre partie du dispositif de soutien avec un recouvrement des sommes pour les péages et les loyers à partir du 1er octobre 2021 et non dès le premier trimestre de l’année. La raison est liée aux avoirs engrangés par des opérateurs pour des prestations non réalisées en 2020 et qui vont se faire en 2021. « Les clients de 2020 qui n’ont pas pu naviguer ont majoritairement fait le choix d’un report. Cela montre l’attractivité des activités touristiques fluviales. Nous avons différé la date de paiement pour ne pas rajouter de difficulté à la trésorerie des entreprises dès le début de la saison », explique le responsable de VNF.
Cet établissement a aussi décidé de reporter dans le temps la déclaration de flotte qui doit être fait par chaque opérateur pour le 1er février au plus tard de chaque année. Il s’agit d’indiquer combien de bateau vont naviguer, avec quelle formule (210 jours ou à l’année). « Dans la situation actuelle, c’était trop compliqué pour début février, on va attendre fin mars ».
Le responsable développement tourisme de l’établissement ajoute qu’avec la crise du Covid-19, « on a beaucoup appris et on se pose collectivement, avec Entreprises fluviales de France, la Fédération des industries nautiques notamment, des questions sur l’évolution des offres. Parmi elles : à quoi va ressembler le tourisme fluvial de demain ? Cela revient, entre autres, à s’interroger sur une meilleure gestion des risques en diversifiant les offres, les produits, les tarifs, la clientèle. Celle-ci ne compte actuellement qu’une part de 36 % de Français. Il y a aussi une prise de conscience écologique ».
Dans le cadre du comité de filière tourisme, il y a une commission sur le tourisme durable dont les axes de travail sont de lutter contre le réchauffement climatique, de préserver les richesses naturelles, de mieux accueillir, de financer la transition, d’optimiser le pilotage. « On cherche collectivement à définir ce qui est nécessaire pour améliorer l’offre de tourisme en terme de durabilité, en respectant davantage l’environnement. Cela répond aussi aux attentes des touristes eux-mêmes. Les réflexions sont engagées avec l’objectif de les finaliser dans les mois qui viennent. Aux côtés des mesures de soutien pour la survie des entreprises, c’est le travail pour le futur du tourisme fluvial ».
Pour cette réflexion, les études socio-économiques sur chacun des segments du tourisme fluvial (paquebots fluviaux, bateaux-promenade, péniches-hôtel, bateaux de location habitables sans permis, plaisance privée), réalisées par VNF, validées par les opérateurs eux-mêmes et publiées en 2020, vont servir de base de travail. Pour le responsable : « Elles présentent une tendance depuis les précédentes qui dataient de 2014, dressent un état des lieux à partir duquel il faut tracer le film de l’avenir. Comment lutter contre la vulnérabilité, comment renforcer et améliorer les différents segments du tourisme fluvial ».
Ces études constituent un outil utile à destination des collectivités territoriales qui bénéficient des retombées économiques des activités touristiques fluviales. Pour un territoire, les ressources financières nouvelles directement attribuables à l’installation d’une péniche-hôtel sont de 232 000 euros HT, de 32 900 euros pour chaque bateau de location habitable sans permis, de 800 600 euros pour un bateau-promenade en région mais de près de 1,5 millions d’euros à Paris, de plus de 2 millions d’euros pour un paquebot, de 3 000 euros pour chaque bateau de plaisance privée.
« Ce sont des montants importants pour les territoires, lesquels avec l’aide de VNF peuvent faire le choix de développer le tourisme fluvial. Nous lançons un cycle de formation pour sensibiliser les personnes responsables sur les problématiques de développement des activités touristiques fluviales dans les territoires à partir du contenu des études. Nous savons aussi que 80 % des touristes vont sur 20 % des territoires, nous souhaitons un rééquilibrage de ces parts, par exemple 60/40. Nous y travaillons aussi avec des partenaires variés au sein de la commission du tourisme durable », détaille Nicolas Delaporte.
Associer les collectivités territoriales
Parmi ces partenaires, il y a, par exemple, la Fondation du patrimoine dont l’un des objectifs est de valoriser le « petit patrimoine » qui peut se trouver à proximité d’un itinéraire fluvial. « Il ne faut pas oublier qu’un itinéraire fluvial a besoin d’un itinéraire à terre. Pour les touristes à bord des bateaux, 4 heures de navigation, c’est un maximum, le reste du temps, ils apprécient d’aller visiter tel site, musée, monument, vigneron, etc. Pour faire émerger des itinéraires fluvestres, les directions de VNF travaillent avec les territoires ».
Dans le tourisme durable, il y a trois facettes : l’environnement, les aspects sociétaux et les impératifs économiques. Selon le responsable : « VNF, même s’il est un établissement public, n’échappe pas à la réalité économique. Il faut faire en sorte que les activités touristiques fluviales soient pérennes économiquement. Il faut trouver un point d’équilibre économique pour un partage de la valeur de manière équilibré pour chaque partie prenante. L’un des moyens d’y parvenir est le dialogue entre l’établissement, les collectivités territoriales, les opérateurs ».
Le PAMI s’ouvre aux bateaux de passagers
Une évolution du PAMI, qui s’ouvre davantage aux bateaux de passagers et à des démonstrateurs fluviaux innovants, a été adoptée lors du conseil d’administration de VNF le 1er juillet 2020 avec effet rétroactif au 1er mai. Lors d’un premier jury, 12 dossiers « tourisme » avaient été déposés et quatre ont été retenus.
L’évolution concerne le volet A (améliorer la performance de la flotte) et son sous-volet 1 d’abord d’un point de vue financier : le plafond est porté à 150 000 euros par projet. Ensuite, le sous-volet A1 s’ouvre aux propriétaires de bateaux-promenade et aux entreprises de location de bateaux de plaisance. « La plaisance privée est exclue du dispositif car le plan ne concerne que les seuls acteurs économiques », précise VNF.
Pour les propriétaires de bateaux-promenade, les conditions d’éligibilité prévues sont : capacité supérieure ou égale à 12 passagers et justifiant de la mention « passagers » sur le titre de navigation et naviguant sur le réseau fluvial français ; les bateaux naviguant sur des lacs non reliés au réseau fluvial navigable ne sont pas éligibles ; les achats, constructions ou travaux d’adaptation et de conversion sont éligibles ; seules les installations hybrides, gazole non routier/électrique ou 100 % électriques sont éligibles ; les remotorisations 100 % thermiques, même si elles respectent le règlement EMNR ne sont pas recevables.
Pour les entreprises de location de bateaux de plaisance, les conditions d’éligibilité prévues sont : l’installation de solutions zéro carbone (100 % électrique notamment) ; la base de rattachement doit être située à proximité des bornes de recharge et sur le réseau géré par VNF ; les achats, constructions ou travaux d’adaptation et de conversion sont éligibles.
Une autre modification concerne le volet D (favoriser l’émergence des solutions innovantes) avec l’ajout d’une mesure spécifique pour le financement de démonstrateurs fluviaux innovants.
L’intensité de l’aide de VNF varie selon qu’il s’agit d’une petite entreprise (45 %), d’une entreprise moyenne (35 %), d’une grande entreprise (25 %). Mais le pourcentage atteint 50 % quel que soit le type d’entreprise si le projet s’inscrit dans le cadre d’une collaboration effective et/ou en cas d’une large diffusion des résultats du projet. Cette aide est plafonnée à 300 000 euros par projet.