Garantir une fiabilité sans faille
Les bateaux pilotés par Seafar depuis son Shore Control Center (SSC) à Anvers sont dotés de technologies très diverses (GPS, radar, LIDAR, senseurs, caméras, micros et haut-parleurs, etc.) pour surveiller l’environnement, permettre un pilotage efficace et sûr et communiquer à distance si nécessaire.
« Nos systèmes peuvent capter et visualiser tout ce qu’un capitaine sur un bateau voit, entend et ressent. Encore faut-il équiper le bateau ou navire d’équipements capables de fonctionner en toutes circonstances et avec une fiabilité sans faille, s’assurer d’une couverture et d’une connexion électroniques parfaites, garantir un retour continu en temps réel et doubler les systèmes-clés pour parer à toute défaillance même improbable. Car de nombreux facteurs peuvent avoir un effet sur le comportement d’un bateau et sur le fonctionnement des équipements à bord », explique le pdg de Seafar.
Louis-Robert Cool, fondateur et pdg de Seafar.
C’est pourquoi la société multiplie les tests sur le terrain avant de démarrer un projet. Ses bateliers effectuent plusieurs voyages avec l’unité à piloter pour se familiariser avec ses caractéristiques et son comportement. De même, une fois installé dans le centre de contrôle, un batelier travaille, dans un premier temps, sous la supervision d’un collègue déjà expérimenté dans la commande à distance. Enfin, la société poursuit, avec ses propres spécialistes, le développement de logiciels et algorithmes toujours plus affinés et l’intégration opérationnelle des technologies utilisées.
Louis Cool ne fait pas mystère du fait que la croissance de sa société n’aurait pas été possible sans le soutien de capital à risque et sans aides des autorités flamandes et européennes (Horizon 2020). « Pour le genre de projet que nous mettons en œuvre, le budget en recherche et développement est important et le trajet à parcourir prend du temps. Mais nous sommes arrivés au point où les solutions que nous offrons prouvent quotidiennement leur efficacité et suscitent un intérêt toujours plus fort de la part du marché. Nous sommes sur le point de passer à une autre échelle ».
Le carnet de commandes se remplit progressivement. Outre le pilotage du Watertruck X, les projets portent sur d’autres voies navigables et d’autres finalités, comme le transport de ciment sur le canal Albert, la distribution urbaine à Gand, la navigation fluviale conteneurisée à équipage réduit, l’automatisation d’une unité du Rijkswaterstaat aux Pays-Bas, des essais de navigation autonome avec un porte-conteneur fluvial en Wallonie, l’exploitation d’un navire shortsea avec un équipage restreint, etc.
D’autres clients ont déjà effectué des galops d’essai, généralement avec un équipage à bord. Cela a notamment été le cas pour le transport de terres polluées depuis le site Blue Gate à Anvers au moyen d’une allège automatisée. Quelque 330 trajets de camion ont pu être évités dans ce contexte. Ces tests pourraient trouver un prolongement plus structurel.
Trois modes opérationnels
L’installation des systèmes à bord d’un bateau est à la charge du propriétaire de l’unité et représente un investissement conséquent. « Mais il est récupéré en l’espace de deux à trois ans », affirme Louis Cool.
Il explique que trois modèles s’offrent à l’opérateur fluvial :
• Le mode crew supported, où l’équipage reste à bord mais où le soutien de Seafar permet une exploitation plus rentable en prenant la relève quand les temps de travail et de repos du personnel navigant l’imposent. Le temps de navigation s’en trouve sensiblement augmenté. « C’est un marché avec un très grand potentiel », estime Louis Cool.
• Le mode crew reduced ou à équipage réduit. « Nous centralisons le profil le plus difficile à trouver sur le marché du travail, celui de capitaine. Un ou plusieurs matelots restent à bord pour intervenir lors des passages d’écluse, l’arrimage ou le désarrimage, les situations d’urgence, l’entretien. La tête est à terre, les mains sont à bord. La plupart des projets actuels s’inscrivent dans une telle démarche ».
• Le mode unmanned, sans personnel à bord mais où le pilotage de l’unité se fait entièrement depuis le centre de contrôle à terre. « Pour les dix prochaines années, c’est une niche qui intéresse surtout les liaisons sur des trajets fixes ».
Dans les trois cas, l’opérateur bénéficie d’une meilleure utilisation de son unité, d’une réduction des coûts et donc d’une meilleure rentabilité.
De façon surprenante, Louis Cool ne mentionne pas spontanément le quatrième modèle qui constitue pourtant un aboutissement logique de la démarche, à savoir l’autonomie totale d’un bateau qui se piloterait lui-même.
Louis Cool explique : « C’est un pas qu’on est en train de franchir mais la philosophie de Seafar dans ce domaine a évolué. Désormais, nous misons, surtout, sur l’autonomie pour aider et soutenir le batelier, qui reste un acteur central. Nous voulons conserver le savoir-faire et l’expérience du batelier et non pas l’éliminer. Intégrer le facteur humain nous semble la façon la plus réaliste d’utiliser la technologie, d’autant plus qu’une automatisation à 100 % plutôt qu’à 80 % est techniquement nettement plus difficile à réaliser, coûte sensiblement plus cher et peut soulever des questions juridiques en termes de responsabilité. Notre objectif est de devenir un maillon de la chaîne du transport fluvial en donnant à la profession de batelier une dimension et une définition nouvelles. Cela peut la rendre plus attractive pour les jeunes, correspondre mieux aux attentes en matière de vie familiale et sociale, répondre à la crise du recrutement. Sans personnel, la navigation fluviale est condamnée. Mais avec une équipe centrale comme la nôtre, nous pouvons piloter une flotte entière ».
Le pdg appelle de ses vœux une législation européenne qui créerait pour la navigation autonome un cadre adapté et uniformisé plus large que celui des réglementations actuellement en place ou en cours d’élaboration à différents niveaux nationaux ou régionaux.