La direction territoriale (DT) Rhône-Saône de Voies navigables de France (VNF) gère un réseau de 1 180 km qui se répartissent en 625 km de grand gabarit (Saône, Rhône, Petit Rhône d’Arles à St-Gilles, canal du Rhône à Sète), 335 km de gabarit Freycinet (canal du Rhône au Rhin, Petite Saône), 220 km à un gabarit inférieur avec le Petit Rhône en aval de St-Gilles, le Haut-Rhône, l’embranchement de Beaucaire. Le Rhône est concédé par l’Etat à la Compagnie nationale du Rhône (CNR) sur une large partie de son itinéraire. Ce réseau s’étend sur 4 régions (Bourgogne-Franche-Comté, Auvergne-Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Occitanie) et 17 départements. Cette DT compte 400 collaborateurs.
Chaque année, le bassin Rhône-Saône représente plus de 10 % du trafic national en tonnage et près de 20 % en prestations (tonne par kilomètre, tkm). En 2019, le trafic total a atteint 6 millions de tonnes (-4,8 %) et 1,37 milliards de tkm (+5,2 %). Le trafic des conteneurs a été de 88 582 EVP (+5 %). Le trafic fluvio-maritime a représenté 572 000 tonnes en 2019 par rapport à 745 000 tonnes en 2018.
« 2019 a été une assez bonne année même si nous avons eu une baisse en tonnage, surtout liée au repli de la filière BTP qui pèse à hauteur de 40 % du total sur le bassin. Nous avons progressé en tonne par kilomètre. Mis à part à le BTP, le charbon et les produits métallurgiques, toutes les autres filières ont été en augmentation, les vracs solides et liquides, les conteneurs », détaille Cécile Avezard, directrice de cette DT de VNF.
Le tourisme fluvial est important sur le bassin Rhône-Saône avec la présence des différentes activités et des sites particulièrement attractifs. En 2019, 24 paquebots fluviaux ont transporté 110 000 passagers sur le réseau à grand gabarit entre Saint-Jean-de-Losne et Port-Saint-Louis-du-Rhône. 29 péniches-hôtel ont accueilli 7 700 passagers essentiellement sur les canaux. 560 000 passagers ont pris place à bord de 59 bateaux-promenades. 27 000 personnes ont loué l’un des 327 bateaux proposés à la location dans 16 bases. La plaisance privée représente 4 400 bateaux dans les ports du bassin dont 3 700 sont estimés « navigants ». Parmi les itinéraires les plus prisés, il y a le canal du Rhône au Rhin, la Petite et la Haute Saône, le Rhône (Arles, Avignon, etc.). Le vélo se développe le long de la voie d’eau, permettant un tourisme fluvestre dans les territoires avec les revenus qui vont avec et montrent l’intérêt d’une voie d’eau aménagée.
Trois chocs en 2020
Au début 2020, « tous les indicateurs étaient au vert », indique Cécile Avezard, avec un trafic fin janvier de +5 % en tonnes et de +6 % en tkm. Puis, il y a eu « trois chocs » : les mouvements sociaux au grand port maritime de Marseille et le début de la crise en Chine, l’accident à l’écluse de Salaise-Sablons dans la nuit du 17 au 18 février 2020 et un arrêt de la navigation pendant 6 semaines, la crise sanitaire à partir de mi-mars en France. « Mais le trafic fret a plutôt bien résisté car il y a eu une activité très forte autour des céréales » à partir du moment où la navigation a été rétablie le 28 mars.
« À mi-2020 par rapport à mi-2019, le trafic est en recul d’environ -20 % aussi bien en tonnage qu’en prestations. Sur les conteneurs, la chute est extrêmement forte et très préoccupante. La première raison est bien évidemment un recul global de l’activité économique à laquelle s’ajoute une diminution du prix du gazole et les poids lourds regagnent en compétitivité par rapport au fluvial. La concurrence de la route fait un retour très fort. D’autres facteurs entrent aussi en ligne de compte : la manutention à Fos, un déficit de qualité et de rapidité de service qui devient critique, trop d’attente pour les chargements/déchargements des bateaux. Il y a un problème de fiabilité pour la durée de la manutention pour les fluviaux. Il y a les coûts de manutention pour lesquels les fluviaux paient le plus cher, ce qui désavantage très fort le mode et sa compétitivité », explique Cécile Avezard.
Pour les conteneurs, selon les données de VNF, il y a eu une légère embellie au cours de l’été, avec 7 025 EVP fin juillet 2020, soit presque le même niveau qu’en juillet 2019. Pour la directrice de la DT : « La situation des conteneurs est préoccupante et frustrante car des travaux ont été menés, des efforts réalisés, qui ont payé en 2019. Un service régulier et un respect des délais ont été mis en place, une barge par jour et cinq par semaine. Il faut continuer sur la voie de tout ce qui a déjà été fait. Il y a des parts de marché à gagner ». Sans oublier que le réseau sur le bassin Rhône-Saône pourrait accueillir jusqu’à 3 à 4 fois plus de trafic avec les infrastructures existantes, donc sans investissement, offrant une alternative écologique aux poids lourds, dans un contexte de congestion toujours plus grandes des voies de circulation routières.
Transition écologique, une priorité
L’un des axes de travail de la DT Rhône-Saône de VNF est le verdissement de la flotte avec plusieurs projets. Certains arrivent à maturité comme un nouveau bateau de travail de VNF Valsaôna équipé de deux moteurs de tracteur John Deere dont l’homologation EMNR stage V fluvial est en cours. La mise à l’eau a eu lieu le 2 octobre 2020. Ce bateau démontre la possibilité d’utiliser des moteurs industriels ou routiers conformes aux normes Euro VI et adaptés au fluvial afin de satisfaire aux exigences environnementales de la norme européenne EMNR.
Les résultats des essais d’utilisation du Gas to Liquid (GTL) sur la vedette Le Rhône sont encourageants, surtout à régime lent. Sur les Nox, les émissions sont réduites de 20 %, sur l’oxyde de carbone de 80 %, sur les hydrocarbures de 50 %. « Cela confirme l’intérêt de ce carburant notamment pour les bateaux-promenade. Nous allons essayer de convaincre les opérateurs sur Lyon d’adopter le GTL. Il faut un engagement de la profession. C’est important en termes d’image, sans oublier que Lyon est une zone à faibles émissions. Il y a un travail à conduire pour faire évoluer l’avitaillement actuel du GNR au GTL, trouver un lieu de stockage. L’idée est bien de faire un avitaillement par le fleuve. Je suis très optimiste pour ce projet », affirme Cécile Avezard.
Pour les bateaux de croisière, dont les escales sont situées notamment en milieu urbain où la qualité de l’air et la réduction des nuisances pour les riverains sont des priorités, la DT avec la CNR a pour objectif d’installer des bornes électriques à quai pour permettre l’arrêt des groupes électrogènes. Certaines bornes sont aussi prévues pour les bateaux de fret dans les ports de commerce.
Cécile Avezard, directrice Rhône-Saône de Voies navigables de France (VNF).
Cécile Avezard en est convaincue : « Nous aurons aussi un jour un bateau à l’hydrogène sur le bassin Rhône-Saône. La démarche se poursuit pour tous les types de bateau. Il y a une dynamique et un écosystème autour de cette énergie avec la présence de la CNR qui est mobilisée pour faire de l’hydrogène vert à Lyon, à Pierre-Bénite. Il peut y en avoir à Fos également. Les régions sont aussi mobilisées comme l’Ademe, la CFT ».
La DT travaille avec un batelier pour mettre au point un système de récupération de chaleur des moteurs de propulsion pour produire de l’électricité à bord et pour remplacer le groupe électrogène. Un nouveau partenaire, l’IFP Energies Nouvelles, participe à ce projet. VNF Rhône-Saône lui a également confié une étude pour modéliser des scénarios de verdissement des différents types de bateaux présents sur le bassin.
Il s’agit de déterminer les conditions du verdissement, les coûts, les avantages, les freins, etc. « Cela va nous permettre de définir un schéma cohérent pour l’avitaillement, d’avoir un territoire qui s’adapte aux transformations et aux besoins des bateaux et inversement. Des échanges sont prévus entre les territoires et la profession pour l’avitaillement ». L’étude est confiée à l’IFPEN, sous maîtrise d’ouvrage VNF, mais d’autres partenaires sont associés : la région Auvergne-Rhône-Alpes, la CNR, l’Ademe, Entreprises fluviales de France (E2F). Elle comprend quatre parties : définir les technologies nouvelles adaptables dans les bateaux, établir des outils de comparaison économiques et environnementales des technologies (qui seront disponibles sur le site de VNF), réaliser des fiches de recommandation de motorisation par typologie de bateaux, proposer des scénarios prospectifs de verdissement pour les bateaux et l’avitaillement. Elle doit durer un an avec un lancement programmé au dernier trimestre 2020.
Logistique urbaine, du potentiel
Un autre axe de travail est la transition numérique, dans la suite de l’expérimentation de Blockchain conduite sur le bassin tout d’abord à l’initiative de la délégation interministérielle pour l’axe Rhône-Saône-Méditerranée. Selon Cécile Avezard : « Il y a une volonté de continuer à travailler sur ce sujet et de mettre en place une solution à l’échelle de l’axe de manière globale. La numérisation est un facteur de compétitivité pour l’axe. Elle peut permettre une meilleure intégration de la logistique fluviale qui peut être complexe ». L’échéance fixée pour ce projet est à moyen terme.
De manière plus proche en termes de calendrier, la déchetterie fluviale River’Tri à Lyon va s’installer sur un deuxième site, au pied du pont Morand, en centre-ville, non loin du quartier de la Croix-Rousse. Pour rappel, depuis 2016, le samedi matin, un pousseur amène une barge au quai Fulchiron et vient la rechercher en fin de journée pour l’emmener au port de Lyon où les déchets collectés rejoignent les filières de traitement et de valorisation habituelles. Le pousseur est équipé d’un propulseur à l’hydrogène.
Concernant la logistique urbaine, « il y a un potentiel, des possibilités d’articulation à Lyon avec les quais situés dans le centre-ville, par exemple. Il y a des habitudes prises par les grands maîtres d’ouvrage qui n’ont pas le réflexe fluvial et des grands chantiers n’ont pas utilisé ce mode. Suite aux élections municipales, nous (re)nouons des liens avec les élus pour avancer sur ce sujet ».
Pour conduire tous ces projets et les mener à bien, Cécile Avezard, directrice de la DT Rhône-Saône de VNF et nouvelle présidente de Medlink Ports depuis le 24 septembre 2020, a une conviction : « Ce qu’on doit arriver à renforcer, c’est l’axe Rhône-Saône-Méditerranée avec tous les acteurs présents. Les projets, il faut les faire tous ensemble pour leur donner du sens et atteindre les objectifs des transitions énergétique et numérique. Tous les acteurs ensemble peuvent faire monter en qualité la prestation logistique sur l’axe. Je souhaite unifier tous les acteurs quels qu’ils soient, opérateurs de réseau, des ports… pour offrir un axe et une offre territoriale de qualité. Nous devons répondre ensemble, construire ensemble, dans la continuité du travail de la délégation interministérielle qui a donné de la visibilité à l’axe dans l’ensemble des territoires. Il s’agit d’avoir une dynamique à l’échelle de l’axe pour nos clients, nos utilisateurs, pour une intégration territoriale ».